Le discours politique baigne dans l’idéologie la plus rétrograde. Le libéralisme, en crise depuis août 2007, continue de produire ses effets sur les politiques mises en œuvre.
Politique de l’offre et politique d’austérité
sont les seules références des gouvernements des pays de l’Union Européenne, sans chercher à comprendre qu’elles correspondent à une période dépassée.
Le maître mot, compétitivité, cache des réalités plus triviales : la baisse du coût du travail via une régression sociale de grande profondeur. Politiques d’entreprise et étatiques se conjuguent pour déstructurer la forme sociale de l’État.
Le seul noyau rationnel de ces politiques n’appartient pas au domaine de l’économie mais à celui de la lutte des classes. Les capitalistes veulent infliger une défaite totale à ce qui reste de la classe ouvrière. Ce n’est pas une stratégie, le capitalisme se contentant de suivre sa pente en la descendant, aucun avenir n’est dessiné, aucun récit ne se structure.
**Un constat non partagé
Les « élites » qui gouvernent, les États de l’UE et la Commission Européenne n’ont pas pris la dimension du basculement d’un monde en train de s’effectuer. La dernière note de l’INSEE de mars 2014, « La zone euro retrouve un peu de tonus », ne le laisse pas ignorer.
Dans un dossier, « Quel potentiel de rebond de l’économie française ? », les auteurs font le constat que, en 2013, le PIB de la France « a tout juste retrouvé son pic du premier trimestre 2008 » et l’ensemble de la zone euro a vu son PIB être inférieur de plus de 2 % à son niveau de 2008.
Ils parlent donc de « Grande Récession » pour la période qui suit la faillite de Lehmann Brothers (le 15 septembre 2008). « La perte de PIB, écrivent-ils, par rapport à sa tendance d’avant-crise est de l’ordre de 10 % » pour la zone euro, « un choc d’une ampleur exceptionnelle et dont les effets sont potentiellement plus durables que les chocs précédents. »
Un constat partagé par la plupart des économistes mais qui ne semble pas être arrivé aux oreilles des dirigeants politiques, enfermés dans le carcan du seul libéralisme et de la seule politique possible.
Hollande, quant à lui, veut à toute force croire au retournement. La reprise serait là, « au coin de la rue ». Mais les coins de rue ont tendance à s’évanouir. Il suffit, pour s’en apercevoir, de considérer le taux d’inflation.
Dans la zone euro, il n’a jamais été aussi bas. Plus encore les prix à la production des marchandises industrielles, sortie usine, baissent. La déflation est là. Les prix baissent parce que toute la production fabriquée ne se vend pas sur le marché, provoquant des suppressions d’emplois.
**Désobéir aux traités européens, seule voie praticable[[Nous faisons référence à « Que faire de l’Europe ? Désobéir pour reconstruire », un ouvrage cosigné Fondation Copernic et Attac, Les Liens qui Libèrent.]]
Mario Draghi, le président de la BCE a longtemps nié la réalité de ce phénomène. Dans le courant du mois d’avril, il a été obligé de s’interroger sur les moyens de lutter contre la déflation.
L’objectif quasi unique de la BCE, la stabilité des prix, n’est plus de mise. La première mesure a été de conserver ses taux d’intérêt, directeur et d’escompte, à un niveau historiquement bas. Mesure qui a peu de conséquence sur l’économie.
La BCE prête surtout aux grandes banques, qui lui paient des intérêts et remboursent leurs dettes avec comme effet de faire baisser les encours de crédit aux entreprises et aux ménages et renforcer la déflation.
Créer de la monnaie est aujourd’hui une nécessité pour faire repartir l’économie. La BCE devrait répondre aux besoins de financement des États pour éviter le poids des décisions des marchés financiers sur celle des États et alimenter le marché final en permettant aux États d’augmenter leurs dépenses.
Cette création monétaire aurait peu d’effet sur le taux d’inflation mesuré par l’indice des prix. Elle permettrait, à l’instar des États-Unis, à la fois de favoriser la croissance, d’ouvrir le champ des possibles, d’alléger le remboursement de la dette par la baisse brutale des taux de l’intérêt pour tous les pays de la zone euro et de s’interroger sur une politique de réindustrialisation répondant aux nécessaires mutations climatiques et écologiques.
La compétitivité, les politiques d’austérité se traduisent par des forces centrifuges qui ne peuvent que faire éclater la zone euro et l’UE. Elles accentuent la déflation.
La baisse des prix est le seul moyen pour gagner des parts de marché sur les concurrents. Des politiques communes permettraient de cimenter les solidarités et de légitimer cette construction européenne contestée. La rupture avec toutes les politiques de l’offre, vouées à l’échec pour résoudre le chômage et la croissance, est une nécessité vitale pour commencer à envisager un futur qui ne reproduise pas le passé. ●
Nicolas Bénies