Loi d’orientation, circulaire
de rentrée, chantier collège, chantier décrochage et chantier éducation prioritaire dessinent
les contours d’une politique qui
ne rompt pas avec celle de la droite.
Point de démocratisation scolaire en vue. Le 2nd degré risque
de sortir lessivé de choix auxquels on n’osait même pas croire
il y a encore un an.
Côté Ministère on ne sort pas d’une conception adaptationniste qui renonce à réduire l’étroite corrélation entre hiérarchie scolaire et hiérarchie sociale. Ainsi envisage-t-on de segmenter les enseignements de collège en 3 catégories : enseignements de tronc commun, enseignements complémentaires, et aides sous la forme de parcours. On devine les usages exclusifs que les plus initiés pourront faire d’un tel dédale de cursus. Surtout dans un contexte où la notion de parcours (artistiques, d’orientation) prend le pas sur les enseignements. Comme si l’école pouvait se contenter d’être un self service où chacun pioche ce qui lui convient pour valider ses « compétences ».
Au motif de mieux coller au rythme de chacun, cette logique fait l’impasse sur quelques réalités tenaces. Sans une forme de contrainte que seul le cadre collectif de la classe hétérogène garantit, sans des enseignements entièrement communs fondés sur des savoirs identifiés et mobilisateurs, nombre d’élèves seront progressivement exclus – cf. ceux qu’on continue de délester vers les dispositfs relais ou les 3ème prépa-pro – parce que les logiques concurrentielles à l’œuvre dans la société pourront se répandre sans entrave dans une école du chacun pour soi.
Les mêmes mauvaises réponses
Le socle commun (et le LPC) réaffirmé avec force par le Ministère reste le principe organisateur de cette école du « sur-mesure » qui n’a plus rien d’une école commune. Et ce malgré les dégâts qu’il a déjà occasionnés en pressant les enseignants de collège à se détourner des enseignements disciplinaires pour se concentrer sur l’évaluation par compétences, au prix de tous les renoncements.
Quant aux ECLAIR et leurs dispositifs inspirés des préceptes du nouveau management, tout indique qu’ils ont un bel avenir devant eux. Au Ministère, on continue de penser que l’une des fonctions des ZEP est d’innover et d’expérimenter, ce qui, dans le contexte, vise autant, sinon plus, le statut des personnels que les inégalités scolaires. Il y a peu à espérer des Assises pour l’Education prioritaire prévues à l’automne.
La personnalisation, l’individualisation restent les lieux communs de la prise en charge de la difficulté scolaire alors qu’aucun bilan n’a été tiré des dispositifs actuels (Accompagnement Personnalisé, PPRE, Alternance, etc.). C’est qu’il faudrait un tel déploiement de moyens pour faire réussir tous les élèves qu’on préfère y renoncer et réserver un petit supplément aux perdants de la compétition scolaire pour prévenir tout procès en abandon. Et qu’importe si ces dispositifs ne permettent pas les progrès promis. Hollande, s’appuyant sur une vision éminemment réactionnaire, a déjà confirmé la généralisation du recours à l’entreprise et à son soi-disant « esprit », dès la 6ème. Alors que toutes les études sérieuses montrent que seul le rencentrage sur les apprentissages scolaires permet de réduire les inégalités.
Rendre l’école
à qui elle appartient
En somme, le service public d’éducation se flétrit rapidement dans le bain libéral, indépendamment de la majorité au pouvoir. Ses finalités se réfractent sur quelques principes éloignés de toute forme d’émancipation, dont celui d’employabilité dont on sait ce qu’il recouvre de culpabilisation et de promesse non tenue. Car l’élève en difficulté, sommé de s’inventer un « projet » dès l’âge de 12 ou 13 ans, n’est jamais suffisamment « motivé » ni « volontaire » pour se former et pour se rapprocher de l’emploi, portant finalement seul la responsabilité du chômage et de la précarité qui l’attendent à coup sûr.
Arracher l’école aux prescriptions du pouvoir économique devient une urgence absolue. L’alternative ne peut être portée que par l’alliance des enseignants et des classes populaires. Les premiers connaissant leur bonheur professionnel dans la réussite scolaire de leurs élèves ; les seconds ayant tout à gagner d’une école plus démocratique pour leurs enfants, débarrassée des aiguillages qui éloignent des savoirs et institutionnalisent le décrochage de collégiens et de lycéens qui, aujourd’hui plus que jamais, peuvent légitimement penser que « l’école n’est décidément pas faite pour eux ». ●
Sylvain Marange