La stabilité n’est pas une option

« De qui dépend que l’oppression demeure ? De nous. De qui dépend qu’elle soit brisée? De nous […]. Et jamais devient : aujourd’hui ».

Bertolt Brecht

Fin septembre 2025, la septième des neuf limites planétaires, l’acidification des océans liée aux émissions de CO2, était franchie, bascule supplémentaire vers la remise en cause rapide des conditions même de la vie humaine. Pourtant, entre négationnisme et green washing, les classes dirigeantes continuent leur lutte acharnée pour maximiser leurs profits. Au Parlement européen, la droite et l’extrême droite ont uni leurs voix pour supprimer l’obligation faite aux multinationales d’oeuvrer à la transition climatique. Le gouvernement Trump a relancé le forage dans l’Arctique tandis qu’il boycottait au Brésil une COP 30 annoncée comme celle du renoncement et de l’impuissance, bien qu’en juillet dernier la Cour internationale de Justice (CIJ) ait reconnu en droit l’obligation d’action climatique des États.

En la matière, comme pour l’avis de la CIJ imposant de tout mettre en oeuvre pour empêcher le génocide à Gaza, l’inconséquence macroniste entraîne la France dans une faillite politique et morale. Les débats parlementaires sur le projet de budget ont montré le renoncement du bloc bourgeois à l’ambition écologique, comme leur refus de toute mesure significative sur la fiscalité du capital afin de garantir les revenus des milliardaires. L’austérité imposée du budget Lecornu, ses 41 milliards d’euros de coupes dans les services publics, la santé, l’éducation (4 000 postes supprimés)… ne seront pas compensés par le décalage dans le temps, bien incertain, de la réforme des retraites.

Les manifestations des 10 et 18 septembre, celle du 2 octobre, comme la crise politique ont pourtant révélé que cette politique de classe du pouvoir est minoritaire dans le pays. Ceux qui lancent à Macron une bouée de sauvetage, au prétexte d’une « stabilité » qui aggrave l’injustice climatique et sociale, jouent à la roulette russe avec un révolver complètement chargé. Alors qu’une frange du patronat envisage ouvertement l’alliance avec le RN, que le gouvernement menace les libertés individuelles et académiques, criminalise des manifestations et que la gauche politique se divise, la responsabilité du mouvement social est de construire une alternative à Macron et au fascisme qui rassemble le plus grand nombre et porte des perspectives positives qui lient les revendications immédiates de justice sociale à la question climatique et à la question démocratique. La tâche est ardue mais possible : la victoire populaire de Zohran Mamdani à New-York rappelle qu’il est toujours possible de « faire éclater le continuum de l’histoire » (W. Benjamin). ■

ANTOINE VIGOT