Festival
Faisons vivre les festivals
L’ été, saison des festivals par excellence, est là. Malheureusement, ces derniers sont soumis à de fortes pressions politico-économiques.
De façon très schématique, et bien sûr variable en fonction de leur renommée, le modèle « traditionnel » de financement des festivals repose sur un triptyque simple : 1/3 d’entrées, 1/3 de recettes bar-restauration, 1/3 de subventions. Ces dernières années les coûts ont explosé pour certains postes : location de matériel, assurances, matières premières… avec comme conséquence l’absence de rentabilité même en faisant le plein. Ainsi, selon le Conseil national de la musique, 44 % des festivals affichant un taux de remplissage supérieur à 90 %, restent déficitaires. Ce qui rend les subventions encore plus vitales qu’auparavant.
Malheureusement, pour les festivals, neuf régions sur douze ont baissé leurs subventions pour l’année 2025. Sans tomber forcément dans les excès de la région des Pays de la Loire, la tendance est à la baisse partout : 40 000 euros en moins pour Au foin de la rue, en Mayenne (budget 1,3 million),- 10 % pour Nancy Jazz Pulsations, 400 000 euros en moins pour le Printemps de Bourges (7,5 millions de budget)… Et plus généralement, certaines structures subventionnées doivent réduire la voilure, et ce sont les événements tournés vers le public qui en pâtissent.
Dans cette période économiquement compliquée, certain·es élu·es deviennent des censeur·euses. Pour sa 8e édition, le festival Bien l’bourgeon a ainsi perdu 4 000 euros de subventions de la part du département de l’Isère tenu par Les Républicains dans une région acquise à Laurent Wauquiez. En cause, la présence du rappeur Médine. Une atteinte à l’indépendance dénoncée par un large collectif d’artistes, de structures, de syndicats du monde du spectacle et de salarié·es ou de partis politiques, rappelant que « cette décision constitue en effet une remise en cause des libertés de création et de programmation artistiques, pourtant protégées par la loi relative à la liberté de création de 2016 et par les droits culturels de notre République ».
Antoine Chauvel
Musique
ARTHUR SATAN : POP EN DIABLE
Avant de s’appeler Arthur, Satàn se prénommait JC et seul le diable aimait sa musique tout droit sortie d’un garage bordelais, encensée aussi par la presse anglo-saxonne qui appréciait fortement sa prestance scénique diabolique.
En changeant de prénom, la musique d’Arthur Satàn se fait soyeuse, mélodique, ambitieuse. Elle flirte avec la pop anglaise de la fin des sixties, Beatles et Kinks en tête. L’utilisation du clavecin, des violons et les arrangements y sont pour beaucoup. On se retrouve du côté d’Abbey road et des parcs londoniens chers aux frères Davies. Tout est luxe, calme et volupté avec des chansons toutes différentes mais ayant le même objectif : être mélodiques quel que soit leur univers. Et le morceau The pagan truth qui rappelle la période JC met en avant cette capacité à explorer la pop en l’accélérant par moment, en la martyrisant, tout en lui conservant son harmonie.
Le pari d’un double album, long d’une heure, à un moment où tout se vit en accéléré en scrollant sur les applis, est réussi. Il pousse à se poser, à écouter, à se plonger dans les quatre faces de l’album en faisant abstraction de l’extérieur et de ses turpitudes. Le disque de l’été ? Peut-être. En tout cas, un disque à découvrir pour se rappeler que la pop, quand elle est bien faite, vaut largement le temps de s’attarder.
Arthur Satàn « A journey that never was » Born bad records.
Bernard Valin
Musique et politique
Bande-son pour un coup d’État,version légèrement raccourcie du documentaireSoundtrackto a coup d’État, de Johan Grimonprez mêle musique et politique. Construit comme un dialogue entre documents d’archives et rythmes et sonorités du jazz, le documentaire dénonce la mainmise des puissances occidentales sur la révolution congolaise de 1960, avec en point d’orgue l’assassinat de Patrice Lumumba. Le récit s’articule autour de l’indépendance du Congo, en 1960,dirigée notamment par le Premier ministre Patrice Lumumba : inquiets d’être privés des ressources minières du pays, les Belges et la CIA fomentent un complot visant à éliminer le leader congolais.
En parallèle, le film montre comment plusieurs artistes afro-américains (Louis Armstrong, Dizzie Gillespie, etc.) effectuent des tournées internationales en qualité « d’ambassadeurs du jazz », participant à un soft power orchestré à leur insu par le gouvernement américain et la CIA. La musique joue donc un rôle clé, non seulement en tant qu’expression artistique, mais aussi, historiquement, en tant qu’instrument politique. D’un côté, il y avait les ambassadeurs du jazz, utilisés par le département des Affaires extérieures américain comme outil de propagande pour gagner les pays du Sud, et de l’autre des artistes militant·es et en résistance : Nina Simone, Miriam Makeba, John Coltrane, Archie Shepp… Le jazz était plus qu’une culture, c’était une arme dans la lutte pour l’égalité des droits. Le morceau mythique Triptych (Prayer/Protest/Peace) sert de thème récurrent au documentaire, réalisé en plein mouvement pour les droits civiques aux États-Unis. C’est un duo entre Max Roach et Abbey Lincoln, conçu et exprimé comme le cri de tou·tes les opprimé·es. Les musicien·nes, mais aussi les écrivain·es, les poètes et les acteur·ices de la culture américaine se sont levé·es contre la ségrégation aux États-Unis et contre le colonialisme en Afrique. Johan Grimonprez s’attache à représenter ces rapports de force avec une grande précision, au moyen d’une formule cinématographique tout à fait singulière. Un documentaire qui fait écho à la situation actuelle.
Visible sur Arte.tv et en salles.
Sophie Zafari
Littérature jeunesse
C’est arrive
Ils arrivent.Tout le monde ne parle que d’eux, à commencer par la télévision et puis le papa du narrateur, un jeune garçon à qui on ne permet guère de s’exprimer, mais qui n’en pense pas moins.Ils arrivent. On en parle en famille, à l’école… On commence à avoir vraiment peur. Mais qui peuvent-ils bien être ? Des ennemis impitoyables ? Des extraterrestres terrifiants ? Des bandits, le couteau entre les dents ? Des brûleurs de voiture ? Des voleurs ? Des profiteurs? Peut-être finalement ne s’agit-il que de familles de réfugié·es fuyant une guerre lointaine…
Ce court récit rappelle par son format autant que son sujet Matins bruns, aimable fable par laquelle son auteur Franck Pavloff entendait dénoncer le Front national. Elle est devenue un formidable best-seller dans les années 2000.
Néanmoins, Ils arrivent est bien plus percutant. C’est que ce court texte s’ancre dans une réalité plus tangible, faisant explicitement référence à une odieuse campagne menée par Robert Ménard, le maire de Béziers, en 2017 pour dénoncer l’arrivée supposée dans sa bonne ville de réfugié·es syrien·nes.
Ce petit livre d’Éric Pessan est d’une grande efficacité pour démonter en classe (plutôt en cycle 3) les mécanismes d’une peur attisée par une campagne de mensonges orchestrée par des médias malveillants et alimentée par l’ignorance et les préjugés les plus fous sur les étranger·es. Seule l’indépendance de pensée du jeune narrateur avec l’empathie pour guide permet de les déjouer. Souhaitons lui autant de succès que Matins bruns, on en a bien besoin.
Stéphane Moulain
Eric Pessan,Ils arrivent, Thierry Magnier.
Bateaux emprisonnés
Giorgio est en prison pour une longue peine. Il correspond avec sa femme Joëlle qui a demandé le divorce pour tenter de se reconstruire sans lui, et ses enfants : Florence qui a besoin de temps et ne veut pas aller le voir en prison et Max qui accepte les maquettes de bateaux que son père lui fabrique et rêve d’un tour du monde. Les enfants grandissent et la vie se recompose, les liens se réinventent. Une correspondance bouleversante, où la simplicité de l’écriture rend magnifiquement compte de la complexité des relations.
Cécile Moulain
Germano Zullo & Albertine,Tous les bateaux ne prennent pas la mer, La joie de lire.
Retrouvailles à Harlem
Lily est une petite fille qui vit àHarlemau milieu de sa remuante adelphie élevée avec amour par sa mère blanche et son père noir. Tous deux travaillent dans le milieu du spectacle dans un New York des années 1950 encore empreint de ségrégation et bruissant des échos de la lutte pour les droits civiques. La rencontre inattendue avec Helen, sa cousine issue de la partie de sa famille qui, par racisme, a rompu avec sa mère, va bouleverser sa petite vie tout en élargissant son horizon. Ensemble, elles inventent un stratagème pour renouer les liens déchirés…
S. M.
Anne Cortey & Charles Berbérian,Harlem,Ecole des Loisiris.
Forêts urbaines
Mikiko vit seule avec sa mère dans un minuscule appartement dans l’immense ville de Tokyo. Pendant les longs moments où elle est livrée à elle-même en l’absence de sa mère partie travailler, elle observe un de ses voisins se livrer à quelques plantations dans un petit terrain vague en bas de l’immeuble. Fascinée, Mikiko se met à dessiner le jardin en devenir et sympathise vite avec Akira, l’étrange jardinier qu’elle accompagne dans son labeur. Les années passent et petit à petit se dessine au fil du récit de Marie Colot et des illustrations vives de Noémie Marsily, la véritable ambition d’Akira Miyawaki, botaniste visionnaire qui œuvre au développement de micro-forêts urbaines comme autant de forêts primaires reconstituées. Roman d’initiation émancipatrice — Mikiko apprend par elle-même, trouve sa propre voie (le dessin) et même l’amour dans ce jardin buissonnier — Mori est une magnifique plongée dans l’urbanité japonaise envahissante autant que dans l’œuvre méconnue de cet authentique botaniste de génie ! Une très belle initiation à la biodiversité et à l’altruisme.
S. M.
Marie Colot & Noémie Marsily,Mori, Cotcotcot éditions.
Littérature
Dire la noirceur pour approcher la clarté
Sorj Chalandon est aujourd’hui journaliste au Canard enchaîné ; auparavant, il a très longtemps travaillé pour Libération, comme grand reporter. C’est en côtoyant les hommes et les femmes des pays en guerre, en tutoyant lui-même la guerre au quotidien que le journaliste est devenu écrivain. Les deux récits sur la guerre d’Irlande^1^ témoignent de cette nécessité d’écrire, pour restituer son vécu et pour donner à voir la guerre, c’est-à-dire parler des hommes et des femmes, de leur part de noirceur, et de celle qui les sauve. Plus tard, il écrit Le quatrième mur^2^, qui a pour décor le Liban, pour lequel il reçoit le prix Goncourt des lycéen.nes.
Les livres de S. Chalandon ne sont pas des ouvrages historiques : il prend ses distances avec la réalité, mais il en fait un décor, dans lequel ses récits sont fortement ancrés. Il donne à voir la guerre, non pas en tant que témoin oculaire seulement, mais en sondant le cœur, l’âme des humain·es engagé·es dans le conflit. Sa démarche est la même quand ses romans n’ont pas la guerre pour toile de fond : dans son récit autobiographique^3^, il dévoile la tyrannie d’un père, mais aussi ses zones d’ombre, ses blessures, comme celles qu’il inflige autour de lui et qui marqueront au fer rouge la personnalité de Chalandon : la figure paternelle, présente dans ses nombreuses fictions, ne cesse de le poursuivre.
Sorj Chalandon est hanté par la noirceur présente en chacun·e de nous. Il n’est jamais manichéen, il n’entend pas juger, mais plutôt explorer la nature humaine pour tenter de comprendre ses errements, ses contradictions, ses trahisons.
À la lecture de L’enragé^4^, sur les pas d’un jeune enfermé au bagne de Belle-Île, on ne peut s’empêcher de penser à Victor Hugo, et à ces figures romanesques qui « sauvent » l’homme du « mal ». Chalandon ne se trompe pas, le sujet n’a malheureusement pas vieilli : les attaques contre la protection de la jeunesse sont d’actualité, la loi Attal en est un exemple édifiant.
Lecteurs et lectrices de ces récits, nous ressentons une grande proximité avec les sujets des ouvrages de l’auteur et avec ses personnages : nous sommes concerné·es ! Nous sommes également happé·es par une écriture fluide, des phrases courtes et rythmées, un récit jamais linéaire mais ponctué de surprises, un style efficace, des mots puissants, violents, crus parfois… : on ne peut se détacher de la lecture avant la fin du récit. C’est certainement là aussi la force de l’auteur, ce qui fait que ses romans sont étudiés au lycée, et que chaque nouveau titre connaît un succès populaire. C’est une oeuvre à découvrir ou à relire cet été !
Véronique Ponvert
NOTES ;
1.Mon traître(2008) — Retour à Killybegs (2011) (Grand prix du roman de l’Académie française).
2.Le quatrième mur(2013) (Prix Goncourt des lycéens).
3.Profession du père(2015).
4.L’enragé(2023).
BD
Le neuvième art au service de la lutte antifasciste
En 2023, Ilaria Salis, une institutrice militante antifasciste italienne, se fait arrêter à Budapest alors qu’elle participait aux contre-manifestations du « jour de l’honneur », une commémoration terrifiante faisant l’apologie du nazisme. Elle, ainsi qu’une dizaine d’autres militant·es antifascistes européen·nes présent·es, sont accusé·es d’attaque criminelle organisée envers des néonazis. Iels deviennent des « ennemi·es publiques » pour le gouvernement de Viktor Orban, traqué·es par des mandats d’arrêt européens visant à les faire comparaître devant une justice inéquitable et non démocratique. Ilaria est incarcérée pendant plus d’un an en Hongrie. Gino, militant italien d’origine albanaise, a été emprisonné à Fresnes jusqu’à ce que la France se prononce contre son extradition en avril dernier.
Depuis, Zerocalcare n’a cessé de noircir des cases pour raconter, décortiquer, et analyser cette affaire complexe : des mots et des dessins pour que les piégé·es du système ne sombrent pas dans l’oubli. Le célèbre auteur de BD italien nous fait prendre toute la mesure de la menace du néonazisme, qui grandit dans le sillage des partis d’extrême droite et qui a déjà gagné la bataille de la peur auprès des citoyen·nes. Face à cette menace, la question se pose de notre responsabilité commune et du respect que l’on doit aux personnes qui ressentent tellement fort cette responsabilité qu’elles la traduisent en actes.
Une BD petit format qui nous fait prendre de la hauteur sur l’Histoire. Une partie des bénéfices est reversée à la caisse de solidarité en soutien aux antifascistes victimes de répression.
Héléna Cadiet
La nuit sera longue, Zerocalcare, éditions Nada.**
Cinéma
Le colonialisme dans le cinéma français
Le 2 avril 2025 est sorti sur les écrans français le filmFanondu réalisateur guadeloupéen Jean-Claude Barny. C’est un bon film, quoique parfois un peu trop académique et avec quelques longueurs. Il est surtout original par son sujet : traiter de l’action du psychiatre antillais Frantz Fanon en Algérie en pleine guerre d’indépendance et au moment où il rédigeLes damnés de la terre.Il y a, en effet, assez peu de films français sur la guerre d’Algérie. Jean-Luc Godard est le premier à évoquer le conflit en 1963 avecLe Petit soldatmais sous un angle très particulier. Le premier film à l’évoquer vraiment estLa bataille d’Algeren 1966, mais c’est un film italien de Gillo Pontecorvo qui, interdit, ne sortit en France qu’en 1970.Le Pistonné (1970) de Claude Berri en parle de façon détournée. Sinon, il faut attendre 1972 avecAvoir 20 ans dans les Aurèsdu militant communiste et anticolonial René Vautier (film en libre accès sur le net). Plus récemment, on peut citerL’ennemi intime(2007) de Florent-Emilio Siri, ouLoin des hommes(2014) de David Oelhoffen, mais ce ne sont pas vraiment des films anticolonialistes. C’est encore moins le cas des films d’Alexandre Arcady commeLe coup de sirocco, en 1979, et il y a une certaine ambiguïté dansCe que le jour doit à la nuit, en 2011, d’après Yasmina Khadra. L’introspection sur le passé colonial est un sujet quasi tabou dans le cinéma français. D’ailleurs, Jean-Claude Barny n’a pas pu trouver l’intégralité des financements en France pour réaliser Fanon, et a dû aussi faire appel à des fonds luxembourgeois et québécois. Il en fut de même, en 2010, pour Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, qui dut aller chercher des financements en Algérie, en Tunisie et en Belgique, et qui fut critiqué, sans qu’elles l’aient vu, par la droite et l’extrême droite parce qu’il avait osé y rappeler les émeutes et les massacres coloniaux de Sétif le 8 mai 1945. Pour conclure sur l’Algérie, s’il y a quelques films qui l’évoquent, aucun ne parle de la conquête entre 1830 et 1850 qui tua un million d’Algérien·nes soit près du tiers de la population du pays à l’époque.
Pour le reste de la question coloniale, c’est encore plus pauvre. Par exemple, la question de l’esclavage pendant le premier empire colonial n’est abordé que dansLes caprices d’un fleuve(1995) de Bernard Giraudeau ou dans la comédieCase départ(2011) de Fabrice Éboué, Thomas Ngijol et Lionel Steketee dont c’est le sujet principal, mais aussi dansNi chaînes ni maîtres(2024), de Simon Moutaïrou. Dans les films sur la Révolution française, cette question est totalement absente, alors que Saint-Domingue s’est soulevée et qu’il y a eu une première abolition de l’esclavage qui aboutit à l’indépendance d’Haïti.
Pour ce qui concerne le second empire colonial, celui constitué au XIX^e^ siècle et au tout début du XX^e^ siècle, il n’y a pas beaucoup de films non plus. On peut citer pêle-mêle :Coup de torchon(1981), de Bertrand Tavernier,La Victoire en chantant(1976), de Jean-Jacques Annaud,La 317^e^section(1965) de Pierre Schoendoerffer, Indochine(1992) de Régis Wargnier ou encoreFort Saganne(1983) d’Alain Corneau. Le point commun à tous ces films est que partiellement ou totalement, ils reprennent le point de vue des colonisateurs (même si certains sont anticolonialistes). La force d’un film commeFanon (comme c’était déjà le cas pourHors-la-loiouNi chaînes ni maîtres, pour les esclaves) est justement de donner le point de vue des colonisé·es. La question coloniale est encore un tabou en France et le cinéma, à quelques rares exceptions donc, ne l’aborde pas frontalement.
Olivier Sillam
Photographie
Images indociles
PAR Jean Philippe Gadier
Cet été, ce sera la 56e fois que les rencontres photographiques déploieront leurs couleurs et leurs noirs et blancs dans la ville d’Arles. Sous les feuillages bruissants des micocouliers, contre la blondeur antique des monuments romains ou sous l’architecture industrielle de la Mécanique générale, le festival photographique continue sa quête kaléidoscopique de captation du monde.
Ouverte sur l’autre, l’ailleurs, le féminisme, les questions lourdes de l’héritage colonial, la photographie contemporaine mais aussi patrimoniale, le festival nous permet de basculer d’une proposition à l’autre. On peut y être ravi·e, dérouté·e, agacé·e, étonné·e, fasciné·e mais toujours stimulé·e et jamais indifférent·e.
Côté photographie patrimoniale, on ira se plonger dans les noirs et blancs palermitains de la photojournaliste Letizia Battaglia, à la chapelle Saint-Martin du Méjan.
L’Espace Van-Gogh accueille Louis Stettner, photographe engagé sur les fronts de l’antiracisme, du féminisme ou de la lutte contre la pauvreté, au point d’être surveillé par le FBI. C’est un photographe du corps, du geste et de la liberté.
Du côté de l’ailleurs, on se confrontera à l’exposition collective intitulée On country. Elle nous parle de l’Australie, de ses autochtones, de l’entrelacs du passé avec le présent, de l’identité, de se sentir de là et du rapport au monde.
Autres entrelacs, autre continent, autre exposition collective avec Futurs ancestraux qui interroge la façon dont se sont construits les stéréotypes de l’histoire du Brésil. L’exposition développe l’idée que le passé et les cultures ancestrales, mêmes reléguées par l’histoire officielle, occupent notre présent.
La photographie, c’est aussi l’intime. C’est la saisie d’un lien, des liens et parmi ceux-ci, pour le meilleur ou pour le pire, la famille. Sujet inépuisable, visité en permanence par les arts, défini, redéfini. Diana Markosian, Keisha Scarville, Camille Lévêque ou encore Erica Lennard explorent ces différents liens, façonnés à la fois par des dynamiques sociales, culturelles et politiques.
Mais la famille peut aussi être élective, émotionnelle. C’est cette dimension que présentent les expositions de Carmen Winant et Carol Newhouse ou encore de Lila Neutre qui élargissent les contours de la notion de parenté.
Arles la romaine vous fera-t-elle connaître le syndrome de Stendhal décliné par la photographe Nan Goldin ? Peut-être, si vos pas vous mènent à l’église Sainte-Blaise… avant que le mistral les emporte.