En 2024, l’intersyndicale cheminote n’a pas réussi à éviter la fermeture de l’entreprise publique Fret SNCF. Une campagne est néanmoins en cours pour défendre les petites lignes de train, vitales pour les populations et contre le réchauffement climatique.
PAR Julien Rivoire
L’Alliance écologique et sociale (AES) a, au cours de l’année 2024, réussi à mettre la question ferroviaire à l’agenda. Pendant des mois, elle s’est engagée aux côtés de l’intersyndicale cheminote pour empêcher la liquidation de l’entreprise publique Fret SNCF : clip, rassemblements, pétition. Si le combat a été perdu, l’intersyndicale cheminote a cependant obtenu un moratoire social, qui permettra aux ex-salarié·es de conserver leurs conquis sociaux pendant trois ans. Du point de vue de l’AES, c’est une première victoire qui en appelle d’autres.
C’est aussi l’expérience positive d’un champ de lutte partagé entre syndicalistes et militant·es écologistes qui a conduit Sud Rail à proposer une nouvelle campagne dans le cadre de l’AES pour défendre les lignes de train du quotidien. Ces lignes sont vitales pour des centaines de milliers de personnes dans les agglomérations ou en zone rurale. Or, nombre de lignes de TER sont menacées alors même que depuis une décennie, de nombreuses petites lignes ferroviaires ont disparu en France. Un des symboles de l’abandon progressif des territoires ruraux, ce sont environ 3 000 km de voies qui ont été sacrifiés, accentuant la désertification rurale, freinant le développement économique local, renforçant l’isolement des habitant·es, les inégalités d’accès aux services publics et la dépendance à la voiture. Pourtant, des réouvertures réussies, comme celle de la ligne Pont-Saint-Esprit — Nîmes (Gard), prouvent qu’un avenir ferroviaire pour tous les territoires est possible. D’autant que ces lignes de proximité sont essentielles pour engager une transition écologique socialement juste.
Justice sociale et écologique, un même combat
En effet, le transport est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France, avec 31 % des émissions. Le train produit entre 9 et 14 fois moins de gaz à effet de serre que le transport routier de personnes et de marchandises. La défense du service public ferroviaire est donc l’un des principaux leviers pour lutter contre le dérèglement climatique et pour atteindre réellement la neutralité carbone. Le transport ferroviaire devrait ainsi être l’ossature d’une politique des transports qui tient compte de la crise environnementale.
En outre, privilégier le train par rapport à la route est aussi une mesure de justice sociale. Le modèle du tout routier pèse lourd dans le budget des ménages, en particulier dans les territoires ruraux quand l’absence de transports en commun contraint à posséder un, voire plusieurs véhicules motorisés. Les dépenses de transport constituent 14,5 % des dépenses de consommation des particuliers. La route est aussi responsable en 2023 de 3 167 décès, contre 2 décès de voyageurs en train (et 16 de piétons ou cyclistes dans des accidents de passage à niveau, ainsi que 59 accidents de personnes non autorisées traversant des voies).
Les choix faits en termes de financement des transports ont donc des conséquences importantes pour les voyageurs et voyageuses, mais aussi pour les collectivités, l’emploi et l’aménagement du territoire. Et ce gouvernement, toujours prompt à prendre les pires décisions, continue à s’enferrer dans le tout routier, avec 200 projets en cours, pour un coût cumulé compris entre 13 et 20 milliards d’euros d’argent public. Dans le même temps, au nom de l’austérité budgétaire, des lignes de desserte fine du territoire sont menacées de fermeture.
L’AES en campagne
C’est pourquoi la campagne de l’AES, portée avec la Déroute des routes (coalition des collectifs de luttes contre les projets autoroutiers, à l’instar de l’A69) va ces prochaines semaines, en lien avec l’intersyndicale cheminote, chercher à populariser la nécessité d’un moratoire sur les projets routiers, et revendiquer le report des investissements publics de la route vers le train. Alors que la conférence sur le financement des transports a été lancée par le gouvernement, le 5 mai dernier, il s’agit de se saisir de ces débats pour exiger que soient redirigées les recettes engendrées par les péages des autoroutes, aujourd’hui captées par les sociétés de concessions autoroutières privées, vers des alternatives de transport, par le biais de la nationalisation des profits des autoroutes. Le financement d’un plan national ambitieux de sauvegarde et de développement du réseau ferroviaire de proximité est donc possible, nécessaire et vertueux : en dirigeant les marchandises vers le fret ferroviaire, on dispose par exemple d’un levier pour revitaliser les lignes de desserte fine du territoire. Leur disparition accroît la distance sociale entre les territoires et diminue l’accessibilité à d’autres services publics, au travail, aux loisirs.
Les services publics de transport sont notre bien commun, ils sont aussi un outil essentiel d’une planification écologique plus que jamais urgente. En s’appuyant sur les nombreuses mobilisations locales, la FSU doit, au sein de l’AES, tout faire pour donner une ampleur nationale à ces combats.