Mineur·es – un nouveau tournant répressif

Alors que le code de justice pénale des mineur·es a été réformé, il y a quatre ans à peine, la nouvelle loi Attal aggrave encore la situation.

PAR Marie Haye

Récupérant des drames récents mettant en cause des mineur·es, les droites ont réactivé en la renouvelant la figure de la jeunesse « ensauvagée » : issue des milieux populaires comme le gamin de Paris en son temps, elle est aussi « arabo-musulmane ». Ce nouveau péril jeune justifierait de désenfantiser le traitement judiciaire de ces enfants non-blancs, en rompant avec le principe d’éducabilité qui fondait jusque-là le code de justice des mineur·es.

Le principe d’une justice spécifique pour les mineur·es, à valeur constitutionnelle et consacré dans la Convention internationale des droits de l’enfant, repose sur le postulat qu’un·e enfant n’est pas un·e adulte miniature et doit donc faire l’objet d’une prise en charge spécifique. C’est en réponse aux révoltes de juillet 2023, après le meurtre de Nahel Merzouk par un policier qu’Attal, alors Premier ministre, avait promis une réforme visant à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents », moins de quatre ans après la mise en place d’un nouveau code de justice pénale des mineur·es remettant en cause l’ordonnance de protection de la jeunesse de 1945. La loi a été adoptée le 19 mai 2025 en dépit d’une large opposition à gauche et parmi les professionnel·les du secteur.

« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! »^1^

Les statistiques de la délinquance renseignent avant tout sur l’activité de la police, de la gendarmerie et de la justice, elle-même liée aux regards, évolutifs et s’influençant mutuellement, de la société et du personnel politique sur la délinquance^2^. Selon ces statistiques et malgré un contexte de durcissement de ces regards, le nombre de mineur·es poursuivi·es a baissé de 25 % depuis 2016. La justice n’est pas plus laxiste à leur égard : selon la Chancellerie, le taux de réponse pénale est de plus de 90 % à l’égard des mineur·es, pour lesquel·les elle intervient aussi de manière plus systématique et plus vite que pour les majeur·es.

Malgré ces constats, les droites parlementaires n’ont eu de cesse de rétablir dans le texte les mesures les plus réactionnaires supprimées en commissions. Le principe d’atténuation de la responsabilité et de la peine, hérité de la Révolution française, devenait l’exception : en cas de faits graves, les mineur·es récidivistes (1,4 % en 2022, 0 % en 2023) à partir de 16 ans auraient été désormais soumis·es à une nouvelle procédure de comparution immédiate (qui augmente le risque de prison ferme) et auraient encouru les mêmes peines que les majeur·es, sauf décision motivée du juge. Enfin, les possibilités de détention provisoire et de courtes peines d’emprisonnement à partir de 13 ans étaient élargies. Cependant, le Conseil constitutionnel a été saisi et le 19 juin, il a censuré ces trois dispositions. En revanche, il a validé l’article 1er qui crée une circonstance aggravante des peines pour le délit de soustraction des parents à leurs obligations. Les amendes et peines sont augmentées.

La protection de la jeunesse en ligne de mire

Inefficaces et inapplicables selon le Conseil national de la protection de l’enfance^3^, ces mesures étaient aussi dangereuses pour l’État de droit. Électoraliste, ce renforcement répressif vise aussi à faire oublier l’effondrement de la protection de l’enfance^4^. Outre les moyens en baisse (25 millions d’euros encore annulés, fin mars), les politiques publiques ont centré, depuis les années 2000, les missions des agent·es de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sur le pénal au détriment de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Or, non seulement le volet éducatif de l’accompagnement judiciaire est, contrairement à la prison, efficace (et explique la rareté de la récidive), mais surtout, la jeunesse délinquante est aussi à protéger : la majorité des mineur·es suivi·es par la PJJ l’ont auparavant été par l’ASE (ou auraient dû l’être).

À écouter sur le site de l’école émancipée.

« Jeunesse délinquante : protéger ou surveiller et punir – volet 1 »

Notes ;

1. Jacques Prévert, Chasse à l’enfant, poème publié en 1934.

2. Voir par exemple les travaux de Laurent Mucchielli, sociologue et directeur de recherche au CNRS.

3. https://www.citoyens-justice.fr/k-stock/data/pdf/lettre-ouverte-aux-parlementaires-communique-du-cnpe.pdf

4. Selon la Défenseure des droits, elle porte atteinte aux droits fondamentaux des enfants.