Après le 12 février dans les écoles…

La grève du 12 février pour obtenir le report de la réforme
des rythmes et la réécriture du décret a été une vraie réussite.
Près de 60% des enseignants des écoles y ont participé au niveau national. Et maintenant, quelles suites ?

Ce qui pose problème dans ce décret, ce n’est pas le retour aux 9 demi-journées, même si son cadre contraignant et l’absence de toute « compensation » (conditions de travail, temps de travail, salaire) font que de nombreux collègues le refusent. Ce qui pose vraiment problème, c’est le risque fort d’accentuation des inégalités entre écoles et entre communes ainsi que le poids prépondérant que vont prendre les élus dans l’organisation de la semaine scolaire.

Il faut d’abord rappeler que les communes financent les écoles (crédits pédagogiques, d’investissement, sorties scolaires, intervenants,…) de manière très fortement différenciée dans le pays (échelle de 1 à 10). Cela traduit des inégalités territoriales très fortes sans que jamais l’Etat n’ait mis en œuvre de mécanismes de solidarité pour les compenser. Dans cette situation, imposer aux communes des compétences supplémentaires sur le périscolaire, sans financement à la hauteur et pérenne, alors que, de plus, l’Etat réduit fortement ses dotations (-4,5 Mds d’€ d’ici 2015), aura pour conséquence de creuser davantage les inégalités (gratuité ou pas, qualité des activités, concernant tous les élèves ou pas, taux d’encadrement, qualifications des personnels…). Cela jouera forcément sur « l’attractivité » des écoles et des communes dans une logique de mise en concurrence et de marchandisation de l’éducation. L’Éducation « nationale » risque bien de n’en avoir bientôt plus que le nom !

Ce qui pose problème, enfin, c’est que ce décret, dans la continuité de Darcos, continue à laisser croire que la résorption de l’échec scolaire se situerait hors du temps de classe, avec le maintien d’un dispositif ressemblant fortement à l’aide personnalisée pourtant massivement rejetée par les personnels.

Une mobilisation
surprenante…d’explosivité

Les collègues ont vite compris qu’ils risquaient fort d’être les perdants de cette affaire. Avec des journées de travail d’amplitude quasi identique à la semaine Darcos, le mercredi matin en plus et des risques de travailler quelques mercredis après-midi pour solde de tout compte, difficile de contester le fait que les conditions de travail et de vie n’en seraient pas dégradées.

La capacité de réaction et de mobilisation rapide des collègues a été extrêmement surprenante (peu de monde aurait misé 15 jours avant sur un taux national de 60% de grévistes, comme pour Paris sur celui de 85% le 22 janvier) même si cette très forte mobilisation a été contrastée selon les départements. Les manifs ont été conséquentes mais les AG ont été, dans l’ensemble, peu fréquentées et la question des suites n’a pas pu être vraiment discutée par les grévistes.

Après de longues tergiversations et débats internes dans sa direction, le SNUipp-FSU est apparu comme « l’organisateur » national de cette grève (initialement appelée par FO, CGT, SUD) et ce sont surtout ses mots d’ordre (report et réécriture du décret) qui ont été mis en avant.

Quels lendemains ?

Pour autant, malgré la réalité du rapport de force ainsi créé, le SNUipp-FSU n’a pas su valoriser la réussite du 12 pour peser sur le ministère et obtenir des avancées. Il s’est contenté d’une interpellation a minima, une semaine après la grève du 12, sans envisager les suites et sans poser d’ultimatum en direction de Peillon, ce qui aurait permis de rendre lisible à un niveau de masse la nécessité de poursuivre le bras de fer face au ministère tant que celui-ci restait sourd aux revendications. Cette absence de volonté au niveau national a permis au ministère de persister comme si de rien n’était, même si, localement, la grève a eu des effets : de nombreuses villes ont repoussé l’application de la réforme à 2014 pendant que d’autres reculaient sur l’allongement de la pause méridienne. Pour autant, malgré les aménagements locaux obtenus, le décret n’est toujours pas abrogé et les raisons de s’y opposer demeurent.

Et maintenant, quelles suites ? Nous devons tout faire pour que les personnels s’emparent des cadres de mobilisation existant. La nécessité d’assurer le succès de la manifestation nationale appelée par la FSU le 6 avril en lui donnant un fort contenu revendicatif, notamment sur la question des rythmes, est incontournable. D’autant qu’une participation significative est loin d’être gagnée au vu du message peu mobilisateur de la FSU. Elle l’aurait sans doute été davantage, si la question des moyens de poursuivre la mobilisation sous toutes les formes, y compris par la grève, avait été mieux posée.
Pour autant, quelle que soit la réalité du 6 avril, on peut être sûr d’une chose : la question de la bagarre contre ce décret, dans la durée, reste posée. ●

Christian Navarro