Fin janvier, la part collective du pass Culture a été gelée, empêchant le financement et donc la réalisation d’une grande partie des projets d’Éducation artistique et culturelle (EAC) prévus pour la seconde moitié de l’année scolaire.
Afin de préserver le financement de projets d’EAC de septembre à décembre 2025, un plafond de 50 millions d’euros (sur les 72 prévus pour l’année 2025) venait d’être fixé… et atteint pour l’année scolaire 2024-2025. L’imminence de la suspension a occasionné une ruée sur la plateforme Adage, qui sert aux acteurs culturels à proposer des offres collectives, et aux établissements à les réserver et les valider. Saturée, elle n’était plus accessible pendant les quelques heures précédant son gel.
Des projets empêchés
La colère s’est emparée des acteurs culturels et des personnels des établissements scolaires et les organisations syndicales ont aussitôt réagi, contraignant le gouvernement à remettre la plateforme en service quelques jours. Certains projets déjà réservés ont pu être validés, mais pas tous, les personnels des établissements ayant une fois encore été pris de court. Les actions prévues, mais qui n’avaient pas encore été proposées ou réservées en raison de la nécessité de coller au plus près du nombre réel d’élèves concerné·es, n’ont pas pu l’être.
Une « bonne gestion » qui cache un sous-financement
Dans un communiqué publié début février^1^, le ministère de l’Éducation nationale (MEN) se justifiait en pointant que le budget, quoiqu’en constante augmentation, avait été dépassé de 35 millions d’euros en 2024 et risquait de l’être de nouveau en 2025. La part collective du pass Culture correspond pourtant, théoriquement, à une enveloppe de 25 euros par collégien·ne, de 30 euros par élève de seconde ou de CAP, et de 20 euros par élève de première et de terminale. Les enseignant·es et les acteurs culturels auraient-iels dépensé sans compter, au point de dépasser ces enveloppes ? Pas du tout ! Les 72 millions prévus au budget sont très inférieurs à ces enveloppes théoriques : le double serait nécessaire.
Un projet politique réactionnaire
Il s’agit là d’un nouveau coup porté à l’Éducation et à la Culture, déjà fragilisées par la politique austéritaire du gouvernement comme celle de certaines collectivités territoriales. Dans ce contexte et même si elle n’est pas exempte de critiques, c’est la part collective du pass Culture qui permet, à l’heure actuelle, de démocratiser, en lien avec les enseignements, l’accès aux pratiques artistiques et culturelles, et de contribuer à leur développement sinon à leur existence pour les publics jeunes et scolaires.
Le MEN promet de « repenser ce dispositif pour mieux accompagner et prioriser les projets ». Une promesse qui sonne comme une menace quand tant d’artistes et de structures peinent déjà à obtenir l’accréditation nécessaire et quand la ministre de la Culture R. Dati a le culot d’annoncer devant le Sénat, la veille du gel de la part collective du pass Culture, que le très orienté spectacle du Puy-du-Fou devenait éligible à sa part individuelle, par ailleurs elle aussi amputée^2^.
Marie Haye
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https://www.education.gouv.fr/pass-culture-le-ministere-reaffirme-son-ambition-en-faveur-de-l-education-artistique-et-culturelle-416500
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Supprimée pour les 15-16 ans, elle baisse de moitié pour celles et ceux de 18 ans.
200 euros peuvent être attribués sur critères sociaux, mais 68 % seulement des jeunes issu·es des milieux populaires ont activé leur pass (84 % en moyenne).