‘**Entretien, Agir pour l’Ecole Inclusive Le Collectif une seule école en lutte pour l’inclusion**’

Une tribune publiée en septembre 2023 a établi les principes d’une école unique pour tou·tes. Les militant·es du Collectif une seule école (Cuse) répondent à nos questions.**

Pouvez-vous nous présenter le collectif ? Depuis quand existe-t-il, qui le compose ?…

Le Cuse regroupe des personnes handicapées, des militant·es antivalidistes, des familles de personnes handicapées, des AESH, des professionnels médico-sociaux, des libéraux ou des agent·es de l’Éducation nationale handicapé·es ou non, syndiqué·es (pour l’instant CGT et SUD éducation – Solidaires) ou non.

Notre tribune a été publiée à la rentrée de septembre 2023 et a acté la naissance du collectif.

Quels sont les principes que vous défendez ?

Nous sommes un collectif de lutte antivalidiste. Nous promouvons l’idée que l’école ordinaire doit accueillir tou·tes les élèves : nous nous battons pour la désinstitutionnalisation.

Pour comprendre cette revendication, il est nécessaire de conscientiser l’existence du système oppressif systémique que constitue le validisme, une réalité objective, transversale et institutionnelle qui produit des violences et des discriminations. Objective car elle est attestée par les sciences sociales, transversale car elle impacte tous les aspects de la vie sociale et politique des personnes concernées (travail, santé, école…), institutionnelle car les institutions — comme l’école — et l’État en sont les acteurs majeurs.

Le validisme repose sur une idéologie, ancrée dans la culture et dans nos imaginaires, de hiérarchisation des groupes humains. Plutôt que de penser le continuum, on sépare, on catégorise pour inférioriser un groupe (les personnes handicapées) par rapport au groupe qui se définit lui-même comme la norme (les personnes valides). Cette hiérarchisation permet les violences et les discriminations qui sont excusées car le validisme présente ces hiérarchies comme étant naturelles. Comme pour tous les autres espaces de lutte émancipateurs — l’antiracisme, l’antisexisme, l’anticlassisme… — cette idéologie est socialement et historiquement construite. C’est bien le système de domination qui crée les groupes, et non l’inverse. Cet ordre social peut être changé. L’imbrication des oppressions doit aussi être interrogée car sexisme, classisme, racisme et validisme peuvent s’additionner.

Parmi toutes les violences et les discriminations dont sont victimes les personnes handicapées, celles liées à la scolarisation sont très importantes. Il est communément admis l’idée selon laquelle tout·es les élèves n’auraient pas leur place à l’école. Nous nous accommodons collectivement de l’existence des IME et des Itep par exemple. Cependant, l’ONU présente ces lieux comme des lieux de ségrégation et de privation de liberté contraires aux droits humains : « les enfants handicapés sont exposés à des formes multiples et croisées de discrimination, notamment dans l’éducation, l’accès aux services sociaux dans la communauté, l’institutionnalisation dans des établissements médico-sociaux, les mauvais traitements, la violence et les abus, y compris la violence sexuelle, en particulier dans les institutions. » (Rapport 09/21).

Les droits civiques des personnes handicapées tels que définis dans la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) impliquent l’accessibilité de l’ensemble de l’espace social — dont l’école — pour permettre à tous et toutes de jouir du droit commun. Militer pour le maintien et le développement des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS), c’est militer pour le maintien et le développement d’un système de ségrégation, c’est silencier les discriminations et violences vécues par les personnes handicapées, c’est militer contre les droits humains.

Notre objectif n’est pas de nier les besoins — notamment de soins — d’une partie des élèves handicapé·es ; c’est de prendre les moyens médico-sociaux des ESMS et de réinventer l’école avec ces travailleur·ses pour qu’elle soit accessible à tou·tes.

Quelles actions menez-vous ?

Nous écrivons des textes que nous publions sur les réseaux sociaux, dans des revues ou des brochures syndicales. Nous menons une veille sur les réseaux sociaux et réagissons aux discours réactionnaires et validistes. Nous intervenons dans des stages syndicaux et intersyndicaux initiés jusqu’ici par la CGT, la CNT, SUD éducation et la FSU.

Nous intervenons dans le cadre d’émissions de radio ou de web conférences.

Nous participons aux rassemblements et aux actions antivalidistes, notamment pour les 20 ans de la loi de 2005 à Lyon le 11 février 2025 ou pour le Disability Day of Mourning, journée internationale de commémoration des personnes handicapées victimes de violences systémiques.

Nous luttons, avec tous les moyens dont nous disposons, pour une société juste et émancipatrice pour tou·tes. Nous sommes persuadé·es qu’une école adaptée aux élèves handicapé·es est une école qui bénéficiera à tou·tes : élèves comme personnels.

Propos recueillis par Dominique Angelini

Lien vers la tribune du Cuse : https://www.questionsdeclasses.org/tribune-du-collectif-une-seule-ecole-cuse/**