CHU de Toulouse : résister à l’hôpital entreprise

Depuis quelques années, les agents hospitaliers subissent violemment
les restructurations et la mise
en place des mécanismes facilitant
la casse de l’Hôpital Public
qui compromettent un accès aux soins égalitaire et de qualité,
et sont la source d’une profonde perte de sens des métiers
de soignants ou para-soignants.

La tarification à l’activité (1) entraîne une recherche de taylorisation des soins. Alors que le « prendre soin » constitue une source de sens et d’engagement professionnel fondamental dans tous les métiers hospitaliers, les actions qui conditionnent la qualité du soin (3) ne sont plus prises en compte pour l’attribution des effectifs ou le remplacement des absences. Le sous-effectif par rapport à la charge de travail réelle est devenu la règle d’or de l’austérité à l’hôpital. Cette pénurie organisée s’accompagne de pratiques managériales brutales faites de culpabilisation, de mobilité forcée, de notations humiliantes, d’encouragement à la démission, etc.

La souffrance au quotidien

La situation de souffrance du personnel hospitalier prend alors de multiples formes : épuisement physique dû au non-respect de la réglementation du temps de travail, souffrance éthique due à la sensation de mal faire son travail, ce qui signifie en milieu hospitalier, être maltraitant.

Ainsi, c’est une explosion silencieuse que l’on observe derrière la façade des services « qui tournent bien » : démissions, requalifications, accidents de travail, maladies professionnelles, épuisements professionnels, burn-out allant même jusqu’au suicide. Fort heureusement, les résistances collectives ne sont pas absentes. Il faut citer notamment les services des urgences de Rangueil et les urgences psychiatriques du CHU en grève illimitée respectivement depuis le 20 mai et le 12 juillet 2011, contre les symptômes de l’Hôpital Entreprise.

Le CHSCT : où comment
passer à la résistance collective

Avec la certitude que les réponses collectives à toutes ces situations sont les plus efficaces, nous avons donné plus de poids dans notre action syndicale à l’instance CHSCT (2), qui, à l’Hôpital, possède des droits plus élargis que dans les autres fonctions publiques.

L’instance CHSCT possède un pouvoir contraignant dans la prévention des risques liés aux conditions de travail, et une relative souplesse dans son fonctionnement (le Code du travail dit « le CHSCT décide de son fonctionnement »). Il est un lieu privilégié pour passer des résistances individuelles aux résistances collectives.

Concrètement, la préparation des CHSCT prend la forme d’Assemblées Générales et de groupes de réflexion de salariés pour aller au cœur des pratiques professionnelles : on dégage ainsi des revendications venant d’« en bas » et facilement appropriables. Nous faisons ensuite participer le maximum d’agents en réunion de CHSCT, dans un triple objectif : présentation des difficultés et solutions par les agents eux-mêmes, prise de conscience de la réalité des actions de la direction, de leur déni de la souffrance des agents, et connaissance des démarches combatives de nos équipes syndicales.
Quant aux actions entreprises, il s’agit essentiellement de dépôts de droits d’alerte pour Danger Grave et Imminent, de convocations de réunions CHSCT extraordinaires, d’enquêtes après accidents et de visites impromptues. Toujours faites dans l’optique de mobiliser les agents, celles-ci sont très souvent accompagnées de dépôt de préavis de grève. Nous recourrons par ailleurs au vote d’expertises indépendantes sur les conditions de travail, que la direction du CHU de Toulouse est dans l’obligation de financer. Afin de les empêcher, la direction engage à chaque fois une procédure au Tribunal de Grande Instance. Nous gagnons systématiquement les procès, qui confirment la plupart du temps le danger grave et imminent pour les agents et renforcent la légitimité des préconisations des expertises, lesquelles deviennent des plates-formes revendicatives. Il reste encore de grandes batailles : les condamnations du délit d’entrave au CHSCT (systématique chez nous) et de la faute inexcusable de l’employeur sur des accidents de travail et maladies professionnelles.

Parce que le CHSCT remet en cause le droit « sacré » de l’employeur sur l’organisation du travail, ce ne sont pas seulement des améliorations que nous avons gagnées au cours de ces derniers mois, mais une prise de conscience collective et la conquête de dignité chez les agents, propices à une résistance durable à laqueller nous oeuvrons, celle d’un mouvement des indignés de la Santé au CHU de Toulouse. ●

Julien Terrié, secrétaire général adjoint de la CGT du CHU de Toulouse

www.cgtchutoulouse.fr

1) C’est-à-dire la réciprocité entre l’équilibre
du budget (voire les bénéfices) et une quantité d’actes de soins.

2) Comité d’Hygiène et Sécurité et des Conditions
de Travail où siègent des représentants
du personnel, la médecine du travail,
l’inspection du travail, la direction
et des représentants de la CRAM.

3) Comme les explications des actes aux malades, les protocoles complexes pour éviter certains risques dus aux soins, etc.