Croisade populiste contre les politiques environnementales

Depuis plus d’un an, les attaques contre différents établissements publics ou services de l’État chargés de l’application de la politique environnementale se multiplient. L’extrême droite et les populistes de droite en ont fait leurs boucs émissaires, mettant en danger les agent·es elleux-mêmes.
PAR Maxime Caillon
Le 19 janvier 2024, le site de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) Occitanie à Carcassonne, alors en travaux, est soufflée par une explosion. Revendiquée par le Comité d’action viticole (CAV), cette action a été une des plus bruyantes de la mobilisation agricole qui a duré un an, jusqu’aux résultats des élections dans les chambres d’agriculture. Cette mobilisation a surtout ciblé l’Office français de la biodiversité (OFB) dont les agent·es ont, entre autres, la mission de police de l’environnement. Mais leurs collègues des Directions départementales des territoires (DDT) n’ont pas été en reste. Dépôt de lisier devant les locaux, attaques ad hominem d’agent·es qui voient leurs noms tagués sur les murs. Les responsables des syndicats agricoles vont jusqu’à demander la mutation de ces agent·es dans les médias, quand ce ne sont pas les roues de leurs véhicules qui sont dévissées à l’occasion d’une réunion à la chambre d’agriculture. Un climat anxiogène alimenté par la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs (JA) mais aussi la Coordination rurale. C’est le nombre excessif de contrôles qui est mis en avant comme cause de la colère, comme responsable de tous les maux des agriculteurs.
Le gouvernement au côté de la FNSEA
Le gouvernement français de l’époque, présidé par Gabriel Attal, s’est rangé au côté des agriculteurs·trices dans une mise en scène qui a vu le Premier ministre faire ses annonces depuis la cour d’une ferme, entouré de ballots de paille. La simplification, chère à la Macronie, est mise en avant. Une inspection a été diligentée pour identifier ce trop-plein de contrôle, ces lourdeurs administratives. Elle a conduit à la mise en place du contrôle unique un an après. Mais le plus grave c’est que les agent·es n’ont été défendu·es que du bout des lèvres et quasiment en catimini. Aucune réelle condamnation publique des attaques envers des salarié·es de l’État. L’extrême droite et le populisme de droite ont profité de la brèche pour continuer de plus en plus fort.
Après les élections législatives et la nomination de deux premiers ministres de droite, malgré la victoire du Nouveau Front populaire, la bataille budgétaire a commencé. Ce fut un festival de propositions d’économies sur le dos des établissements publics de l’environnement. Les agences de l’eau, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), de nouveau l’OFB, l’agence Bio, la Commission nationale du débat public (CNDP), tous sont menacés de disparition par les ténors de la droite de Valérie Pécresse à Laurent Wauquiez. Mais le summum de la connivence revient à François Bayrou qui dans son discours de politique générale va discréditer le travail des agent·es de l’OFB. Ils et elles humilieraient les agriculteur·ices en pratiquant leurs contrôles armé·es. Il rejoint le concert étrange des politiques et syndicalistes agricoles de droite qui veulent désarmer une police ! Ils ont en partie gagné puisque le port d’arme, s’il n’est pas encore aboli pour la police de l’environnement, doit maintenant être discret. Mais surtout, par ces quelques mots, Bayrou a légitimé la violence qui peut s’abattre sur les agent·es de l’État en service. Rappelons-nous de cet inspecteur du travail abattu sur une exploitation agricole. Le président de la Coordination rurale, interviewé à la télévision, n’a pas hésité à annoncer que les voitures des fonctionnaires venant faire les contrôles seraient brûlées. Tout armé·es qu’ils et elles puissent être, les agent·es de l’OFB font de plus en plus valoir leur droit de retrait face à ces propos.
À l’international aussi
Ce déferlement d’attaques contre les établissements publics de l’environnement a clairement une visée électoraliste que ce soit dans le monde agricole, avec les élections des chambres d’agriculture, et dans la droite populiste avec les rivalités pour son leadership entre Pécresse, Retailleau ou Wauquiez. Mais il s’agit aussi d’un mouvement de fond, alliant la dérégulation voulue par l’aile libérale et la lutte « contre le wokisme » de l’extrême droite. Laurent Wauquiez n’hésite pas à qualifier les agent·es de l’OFB d’idéologues. On retrouve malheureusement un élan réactionnaire un peu partout dans le monde. La nouvelle administration de Trump avec Elon Musk à la tête d’un département de l’efficacité gouvernementale est en train de porter des coups sérieux aux agences fédérales et notamment celles de protection de l’environnement. Les recherches sur le climat mais aussi les politiques de transition sont impactées par les climato-sceptiques, comme l’argentin Trump ou Javier Milei.
Alors que les menaces sur la biodiversité sont de plus en plus fortes, que la réalité du changement climatique nous frappe de plein fouet, que les politiques menées de par le monde ne sont pas à la hauteur des enjeux, cette alliance entre extrême droite, droite populiste et capital risque de nous faire régresser. Elle s’y prend de part et d’autre de l’Atlantique de manière brutale, stigmatisant les salarié·es, mettant en jeu leur avenir et parfois même leur vie. Les mots du registre de la peur reviennent depuis plus d’un an parmi nos collègues des ministères de l’Écologie ou de l’Agriculture, comme plus récemment dans les témoignages outre-Atlantique, pour décrire leurs sentiments face à ce mouvement. Mais la résignation n’est pas de mise. Les agent·es de l’OFB ont entamé plusieurs actions, notamment de grève. Iels ont été soutenu·es par des agriculteur·ices et des associations de protection de la nature. D’autres secteurs pourraient leur emboîter le pas dans les semaines qui viennent.
Il est temps et nécessaire d’engager une bataille qui regroupe plus largement le mouvement des luttes écologistes. La FSU y a toute sa place notamment au travers de l’Alliance écologique et sociale qui pourrait être le fer de lance d’une contestation à la fois syndicale, associative et pourquoi pas politique dans la perspective d’un monde plus solidaire et plus écologique.