Le 22 mai, une énorme manifestation
au Québec célébrait le 100 ème jour
du mouvement étudiant qui ne désarmait pas.
Malgré les réponses répressives
du premier ministre Charest et ses tentatives
de divisions, les syndicats de jeunes sont restés unis
et les réactions gouvernementales ont même eu
tendance à renforcer le soutien de la population
à la protestation.
Après une grève étudiante de plusieurs mois, le gouvernement québécois a mis le feu aux poudres en adoptant le 18 mai la « loi 78 » qui restreint le droit à manifester, d’association et d’expression et en arrêtant plusieurs centaines de manifestants. Parti d’une protestation universitaire contre la hausse des frais d’inscription, devenue le symbole d’un libéralisme qui corrompt la société, le mouvement est resté uni et revendique un combat contre le néolibéralisme auquel s’ajoute désormais la défense des libertés publiques.
La répression
pour toute réponse
Charest a tenté des manœuvres visant à diviser les syndicats, en ne conviant pas la CLASSE, réputée l’organisation étudiante la plus radicale, aux négociations, en développant la répression. Il a joué le pourrissement du mouvement en espérant des débordements de violence susceptibles de retourner la majorité de l’opinion contre les jeunes.
Au contraire, le vote de la loi de restriction a donné un second souffle au mouvement, et, dans les sondages, les Québecois sont désormais majoritaires à exprimer leur opposition à son adoption(2). A ce jour, les manifestations restent quotidiennes à Montréal. Au son des casseroles, on y voit toujours fleurir les carrés rouges, symboles du mouvement. Déclarées illégales, les actions diverses comme les manifestations sont l’occasion pour les forces de l’ordre d’opérer des arrestations de jeunes désignés comme agitateurs ou « comploteurs ». A l’approche du Grand Prix de formule 1, le gouvernement a cherché à mettre fin au conflit par tous les moyens sauf bien sûr, celui qui consisterait à donner satisfaction au mouvement. Les négociations sont au point mort depuis le 31 mai.
Un mouvement qui s’inscrit
dans une lutte globale
Les jeunes ont reçu le soutien actif des enseignants et de leurs organisations syndicales. La manifestation du 14 avril avril « pour un printemps québécois » tenue le jour du neuvième anniversaire de l’élection du Parti Libéral, a non seulement regroupé étudiants mais aussi parents, enfants, retraités, professeurs, et membres d’organisations s’opposant à la tarification des services publics.
Le mouvement étudiant a plus globalement porté, au-delà du problème de la hausse des frais universitaires, une réelle interrogation autour du maintien de l’État-providence au Québec et des dérives du néo-libéralisme. Il s’inscrit aujourd’hui dans un débat de société plus large et rejoint en cela celui des indignés (depuis le 22 mai, le mouvement Occupy a apporté son soutien aux étudiants québécois, à travers des manifestations aux États-Unis) comme le soulignait, le co-porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois : « Notre combat se joue aussi à Athènes, à Paris ou à New York, il s’inscrit dans une perspective mondiale de lutte contre l’austérité. »
Le 15 juin, de nouvelles négociations doivent se tenir entre le gouvernement et les syndicats enseignants à propos du rattrapage des cours alors que la lassitude se fait sentir chez les opposants et dans la population. Il est bien évident qu’il est vital que le mouvement obtienne un résultat avant l’été. Cela, Charest le sait bien. Mais, quoi qu’il en soit, cette longue lutte aura fait marquer des points sur le continent nord américain dans la bataille idéologique contre l’austérité, contre des sociétés pensées par les plus riches et faites pour les plus riches.
Edwige Friso, le 10 juin 2012.
1) Loco Locass 2004
2) Un sondage CROP/Radio-Canada, réalisé auprès de 1 000 internautes
de 22 au 25 mai, a montré que 60 % des interrogés étaient
en désaccord avec cette loi comme réponse au conflit étudiant.