Après le paroxysme médiatique des mois précédents, la Grèce a désormais quasiment disparu
des médias français. Cela tient à la lassitude du grand public et des journalistes, mais aussi à la volonté
d’une partie des médias dominants de ne pas rappeler l’exemple grec à l’heure où les socialistes français peinent à définir une politique de gauche digne de ce nom. Car, en Grèce, le PASOK partage toujours
le pouvoir, et Papandreou vient d’être réélu à la tête de l’Internationale socialiste.
Or, l’état de la Grèce est instructif. Il nous renvoie des images d’un futur effroyable et pourtant envisageable.
La droite a gagné de justesse les élections de juin dernier. L’analyse des résultats montre un pays profondément divisé : d’un côté les plus des 60 ans et les ruraux qui ont voté pour les partis de pouvoir traditionnels, de l’autre, les jeunes, les actifs et les urbains qui ont plébiscité la gauche radicale de SYRIZA. Ces élections ont amené au pouvoir une coalition hétéroclite (Nouvelle démocratie, la Gauche démocratique et l’indispensable PASOK) explosant les clivages qui ont dominé la vie politique grecque depuis la chute des colonels en 1974. S’y retrouvent des bords anciennement opposés : la droite populiste et conservatrice, les socio-démocrates néolibéraux et les transfuges repentis de l’eurocommunisme. Justification donnée à cela : l’union nationale nécessaire pour mener une renégociation du Mémorandum d’austérité imposé par la Troïka.
Le mea culpa de Samara
Mais de renégociation point. Le nouveau Premier ministre Antonis Samaras, opposant virulent de l’austérité jusqu’aux élections, a fait son mea culpa auprès d’Angela Merkel et de François Hollande. Cela s’est traduit en mesures concrètes. Pour verser la tranche suivante du prêt dit de « sauvetage », les créanciers exigent un énième paquet de mesures pour économiser 11,7 milliards d’euros. Ces économies proviendront des coupes supplémentaires dans les salaires des fonctionnaires, des baisses des retraites, de la suppression du peu d’aides sociales qui restent et de la diminution des prestations de la Sécurité sociale. L’Education nationale et l’Université paieront aussi un lourd tribut.
Tout ça pour que la Grèce reçoive un prêt de 31,3 milliards d’euros dont la grande majorité ira au remboursement des prêts antérieurs. L’absurdité de cette situation a été illustrée encore le 20 août dernier : le gouvernement grec a remboursé en totalité un prêt de 3,2 milliards d’euros consenti en 2010 par la BCE, qui a réalisé au passage un profit de 900 millions, en empruntant auprès des banques…
Privatisations, cessions massives des domaines publics et créations des « zones économiques spéciales », où les investisseurs étrangers seront exempts de tout impôt, sont aussi au programme. Afin de restaurer la « compétitivité » du pays, la Troïka exige même la fin du temps de travail règlementé et la diminution des indemnités de licenciement. Ceci après la suppression des conventions collectives qui est désormais effective.
L’ascension des néo-nazis
Dans ce climat délétère, les néo-nazis de l’organisation criminelle Aube dorée ont désigné les boucs émissaires : les immigrés, de préférence musulmans et de couleur. La propagande fasciste profite également de la politique du nouveau gouvernement qui a lancé un grand projet de construction des camps d’enfermement militarisés. La police procède depuis plusieurs semaines à des arrestations massives d’étrangers, massés dans les rues d’Athènes et brutalisés.
Cette politique d’Etat qui désigne les immigrés comme des criminels ne fait que renforcer les réflexes racistes et xénophobes de la population. Aujourd’hui, l’extrême droite fascisante n’est plus marginale. Elle est en passe d’imposer son hégémonie culturelle et politique. Cela s’exprime dans les sondages où l’Aube dorée figure désormais en troisième place dans les intentions de vote, derrière SYRIZA et la droite. Mais aussi dans sa capacité à définir l’agenda politique, suivie aveuglement par des médias médusés. L’hégémonie en devenir des néo-nazis est également perceptible dans le recrutement croissant des militants, dans leur présence quasi-militaire dans tous les événement publics où ils récoltent souvent l’approbation des quidams, dans la banalisation de leur discours haineux, dans la violence qui se déchaîne contre les immigrés quotidiennement.
En face, la résistance s’organise mais elle demeure faible dans un contexte de résignation et de désespoir. D’une coalition disparate, SYRIZA, tente de se muer en parti de masse capable de proposer une alternative crédible. Mais le chemin est douloureux et nul ne peut prédire s’il sera couronné de succès. Car, aux confins de l’Europe, l’éventualité du totalitarisme et de l’anéantissement social n’est plus à exclure.
Nikos Smyrnaios, 8 septembre 2012.