Nous sommes tou·tes sidéré·es depuis le 9 juin. Heureusement, ce sentiment a laissé peu à peu place à un nouvel élan à gauche qu’il était difficile d’anticiper à la veille des Européennes.
On pourrait même déjà presque se réjouir de l’échec de la stratégie toute machiavélique de Macron, qui consiste à fracturer davantage l’échiquier politique à droite et à gauche, pour mieux s’imposer comme le centre d’équilibre et le rempart incontournable contre des « extrêmes » renvoyés dos à dos et hors d’un arc républicain qu’il serait le seul à même de qualifier ou définir.
La réalité, nous la connaissons : en construisant cet extrême centre de plus en plus poreux aux thèses autoritaires et glissant vers une démocratie illibérales, Macron est le premier responsable de la situation politique actuelle. Le soi-disant rempart qu’il prétendait incarner n’a été qu’une rampe de lancement pour accompagner la banalisation du RN depuis 7 ans, avant de leur dérouler le tapis rouge sur les marches du gouvernement, le dimanche 9 juin, par l’annonce de la dissolution.
À quelques jours du 1er tour, l’heure est grave, dans une configuration politique inédite. La dynamique des sondages montre que les deux forces au coude à coude sont le RN et ses alliés, à près de 35%, contre l’alliance du NFP à près de 30%. Dans le cadre d’un scrutin local uninominal et à deux tours, il est à craindre un certain nombre de triangulaires ; les questions de la participation et du report des voix au 2nd tour seront donc déterminantes dans le résultat final.
En l’état actuel de cette dynamique, il est plutôt à craindre qu’aucune force n’obtienne de majorité absolue à même de former un gouvernement. Dans cette perspective, les incertitudes et l’instabilité demeurent: à qui Macron va-t-il proposer de former un gouvernement ? Quelles seront les nouvelles alliances et compromissions si un gouvernement de coalition ou d’union nationale se mettait en place ? Certains masques risquent encore de tomber ! Nous savons que lors de ces moments de bascule, les élites préfèreront toujours la réaction au progrès, « Hitler plutôt que le Front populaire », pour reprendre la référence aux années 30.
Surtout, le RN et Bardella n’ont pas caché leur stratégie de demander la démission de Macron en cas de maintien d’une situation illisible et instable. Après leur avoir accordé la faveur de la dissolution, comment se justifiera-t-il de ne pas leur accorder cette nouvelle revendication ? En cas de refus, nous pouvons craindre qu’une agitation sociale conduite pas des chemises brunes d’un nouveau genre voit le jour. Il est important de nous y préparer.
Nous savons donc que quel que soit le gouvernement nommé à la suite des élections législatives, il nous faudra mener une bataille syndicale pour ne pas laisser la place aux forces réactionnaires et fascistes. Dans le cas où le RN gagne, le SNES et la FSU doivent se tenir prêts à mobiliser.
Nous n’avons pas donné un blanc-seing en appelant à voter pour le programme du nouveau Front populaire. Nous sommes conscient·es que si le Nouveau Front Populaire remportait finalement les élections, il faudra continuer à être force de propositions, à être dans la rue pour porter nos revendications car le progrès social nait des luttes sociales. Mais sans sombrer dans le pessimisme ou la panique, il nous faut aussi dès à présent anticiper entre nous les moyens de nous protéger et réfléchir aux moyens de la lutte si l’extrême droite venait à prendre le pouvoir.
Enfin, de façon pragmatique, il nous faut aussi prévoir ce que nous allons dire à nos collègues le soir du 7 juillet et à la rentrée, afin de porter haut et fort nos mandats pour la justice sociale et une école émancipatrice, seul rempart contre l’obscurantisme !