Conflit israelo-palestinien

Les crimes de guerre commis par le Hamas en Israël et en Palestine le 7 octobre 2023 contre des civil·es israélien·nes et leurs suites meurtrières dans toute la bande de Gaza contre la population palestinienne, faisant craindre un risque génocidaire, donnent lieu à des analyses différentes dans le camp des forces progressistes. Engagée dans la campagne de mobilisation pour exiger un cessez-le-feu, le retrait de l’armée israélienne et la reconnaissance, par Israël, d’un état palestinien, l’éé choisit de publier deux articles ayant une approche différente, afin de contribuer au débat.

Le 7 octobre, Gaza et nous

A gauche, pour certain·es, les assassinats et viols perpétrés par le Hamas ont été vus comme une action militaire, certes qualifiée de « massacre », mais considérés comme un « prétexte » à l’agression israélienne. Une partie du mouvement féministe a même considéré un temps que les accusations de viols relevaient de la propagande israélienne.

Or, l’attaque du Hamas dépasse la signification de la lutte palestinienne contre l’État d’Israël. Les milieux visés, notamment les kibboutzim et les témoignages recueillis indiquent le caractère antisémite en même temps qu’anti-israélien du raid. Très vite, du Monde à l’Humanité, il est qualifié de plus grand massacre de Juif.ves depuis la Seconde Guerre mondiale. Une partie de la gauche, niant l’évidence, refuse cette caractérisation. C’est ne pas comprendre la rupture que cet événement représente dans l’histoire de l’antisémitisme et ne tenir aucun compte de l’angoisse de l’immense majorité des Juif.ves dans le monde, qui ont vu dans le 7 octobre une réplique des massacres du passé antisémite.

Le 7 octobre et l’antisémitisme

Dès le lendemain du massacre, des actes antisémites étaient signalés, représentant en deux mois quatre fois le total de ceux de 2022. La FSU et d’autres se sont abstenus à la manifestation du 12 novembre. La présence du RN posait certes problème, mais il est grave d’avoir laissé la rue sur cette question à la droite et à l’extrême droite. Surtout, rien d’alternatif au 12 novembre n’a été proposé. Une partie de la gauche n’a pas cru bon de se mobiliser contre les actes antisémites. Et ce n’est pas nouveau.

Certain·es proposent une réponse : l’antisémitisme serait « instrumentalisé » par la droite. Évidemment, puisqu’une partie de la gauche est aux abonnés absents. Mais nous ne raisonnons ainsi sur aucune autre oppression. Ou il y a progression de l’antisémitisme, ou ce n’est pas le cas. De ce point de vue, comme pour tout racisme, il faut écouter les premier.es intéressé.es. Répondre à l’angoisse juive devrait être une préoccupation des progressistes. Ne pas le faire pourrait signifier que la gauche de la gauche ne se préoccupe pas de la question. Si c’était le cas, ce serait gravissime. Ce serait revenir à une situation rappelant celle d’avant l’Affaire Dreyfus.

Et Gaza ?

La situation effroyable des Gazaoui.es a été dénoncée, l’absolue nécessité d’un cessez-le-feu indiquée. Mais, dire que l’agression israélienne utilise un « prétexte », le 7 octobre, ne permet pas de comprendre la nécessité, pour le gouvernement israélien, en fonction de son idéologie sioniste qui prétend protéger les Juif.ves, de réagir à l’agression du Hamas.

Surtout, cela permet de présenter l’action israélienne comme un génocide. Où est l’intention génocidaire, à part dans l’extrême droite israélienne ? Cette formulation gomme l’intention israélienne de détruire le Hamas. Or, vu ce qu’est la bande de Gaza et la localisation des membres du Hamas, cette intention se transforme en un massacre abominable, utilisant des méthodes qui mettent en danger l’ensemble des civil.es de Gaza. Cette action israélienne constitue une lourde et criminelle erreur. Ce qui doit déterminer notre mobilisation.

Pour un État palestinien

Les manifestations de solidarité avec la population de Gaza dérivent souvent, notamment dans le mot d’ordre « libération de la Palestine du fleuve à la mer ». Dans les conditions actuelles, cela ne peut signifier que la revendication d’une Palestine sans Juif.ves, reprise modernisée du slogan des années 1950, « les Juifs à la mer ».

La seule perspective progressiste, déjà très difficile à imposer, est celle des deux États. Pour cela, il faut agir en faveur de la création d’un État palestinien, tout en rappelant la nécessité de l’existence de l’État d’Israël : une nouvelle nation juive y est née, qui a le droit d’y vivre. Tout en rendant aux Palestinien.nes la justice qui leur est due.

Rober Hirsch

Après le 7 octobre, antisionisme et antisémitisme

Nous avons d’emblée exprimé notre condamnation sans réserve face aux crimes de guerre perpétrés par le Hamas le 7 octobre. Mais comment expliquer que les notions de crimes de guerre ne suffisent plus à accréditer que celleux qui les utilisent ne soient pas quelque part complices du pire ou prêt à le justifier ?

L’injonction de la qualification de terroristes signifie que ces actes ne relèvent pas du droit international, que ceux qui les commettent sont l’incarnation du Mal absolu et celles et ceux qui les combattent autorisé·es à utiliser tous les moyens.

Et oui, il faut expliquer ce qui génère de tels actes et ne pas détourner le regard des atrocités comparables commises depuis longtemps contre la population palestinienne dans un silence coupable et une indifférence scandaleuse ! Visiblement, la souffrance des un·es ne mérite ni l’émotion ni l’indignation légitime qu’on accorde aux autres. Il faut rappeler que presque tou·tes les Palestinien·nes ont des ancêtres qui ont été expulsé·es et ont perdu tous leurs biens à la création d’Israël. Rappeler qu’à ses débuts, l’État d’Israël a mené une politique de judaïsation des emplois très semblable aux interdits professionnels pour les Juif·ves sous Pétain.

Un peuple dont le futur ressemble à une mort annoncée, une population qui a le sentiment de subir, depuis des années, une violence meurtrière quotidienne dans une indifférence générale peuvent difficilement s’indigner de celles que subissent leurs ennemis.

Une politique coloniale

Personne ne pense que l’antisémitisme a disparu. Mais il y a un véritable décalage entre le niveau de réactions de nos dirigeant·es face aux actes antisémites et celui concernant les actes racistes en général. Cette comptabilisation ciblée crée le sentiment que les autres actes racistes seraient moindres quand ils ne sont pas banalisés, voire compréhensibles pour certain·es au vu de la dangerosité supposée de la population concernée. Il faut toujours s’inquiéter de la remontée des actes antisémites, les dénoncer et les combattre comme tous les actes racistes. Il faut tout autant s’opposer à cet amalgame insupportable qui fait de tout antisioniste un antisémite en puissance ou masqué.

À force d’affirmer qu’Israël est le pays des Juif·ves ou l’État juif, le gouvernement Netanyahu nourrit le glissement : Israël, ce sont les Juif·ves, et quand on est contre la politique d’Israël, on est contre les Juif·ves.

Le droit au retour des Juif·ves du monde entier est refusé aux Palestinien·nes. Israël mène une politique coloniale dont l’objectif est le Grand Israël, déjà entrepris par les colons en Cisjordanie et à Jérusalem avec la bénédiction du gouvernement et la protection de l’armée.

Après l’attaque de l’lran qui a gravement touché un village bédouin « arabe israélien », le gouvernement israélien a envoyé des soldat·es pour récupérer les restes du missile, indifférent aux victimes et aux civil·es qui avaient l’interdiction de construire des abris antimissiles parce qu’ils n’étaient pas de vrai·es Israélien·nes.

Pas d’amalgame

Israël revendique un statut d’héritière mémorielle de la Shoah qui légitimerait son existence et le droit de se défendre par tous les moyens. Ce qu’Israël entretient en accusant toute critique du sionisme comme des faux-nez antisémites. Au moment où le RN est réhabilité et invité à partager ce combat contre l’antisémitisme, qu’une partie de la gauche reprenne ces accusations contre celleux qui dériveraient d’un antisionisme vers un antisémitisme est inacceptable.

Aujourd’hui l’existence de l’État d’Israël n’est pas contestable, mais la loi du retour, qui structure sa vie politique et ses orientations, fonde le caractère sioniste et colonialiste d’Israël. Elle doit être dénoncée et rejetée car elle réduit de fait l’identité du peuple israélien à sa composante juive, ce qui est le véritable objectif de ses dirigeant·es, et rend impossible toute solution de paix. C’est pourquoi, dénoncer tous les crimes de guerre que rien ne saurait excuser ou justifier et défendre le droit à l’existence du peuple palestinien face à ce qui est déjà le début d’un génocide sont plus que jamais d’actualité.

Par Alain Cyroulnik