Département le plus pauvre de la métropole, la Seine-Saint-Denis ne dispose pas des moyens nécessaires à une éducation de qualité.
La mobilisation en faveur d’un plan d’urgence pour l’éducation en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de l’Hexagone, dure depuis bientôt deux mois, sans que le ministère n’apporte de réponse. Les alertes ont été pourtant nombreuses sur les difficultés et la nécessité d’un traitement spécifique. Onze maires ont pris un arrêté pour presser l’État d’agir. Pour toute réponse, iels ont été convoqué·es au tribunal administratif. Les écoles et collèges, majoritaires en éducation prioritaire, restent moins bien dotés que certains collèges parisiens. Les collèges publics connaissent une « fuite », certes modérée, des familles les plus aisées vers le privé : 13 % des collégien·nes sont scolarisé·es dans le privé.
Depuis plus de dix ans, l’académie de Créteil est déficitaire, d’où l’ouverture d’un second concours spécifique dans le premier degré, et le taux d’enseignant·es contractuel·les est bien plus important qu’ailleurs : 952 dans le premier degré à la rentrée 2023, soit 8 % des effectifs, contre 808 en 2022, et 577 en 2021 ; dans le second degré, ce taux monte à 13 %.
Les modalités de nomination et de mutation font que les enseignant·es les moins expérimenté·es sont affecté·es dans les établissements les plus difficiles. À la rentrée 2022, 34 % des enseignant·es du secondaire avaient moins de deux ans d’ancienneté dans leur établissement.
Les problématiques économiques et sociales des élèves et les difficultés globales du territoire expliquent les volontés de départ et les difficultés à recruter.
Gagner le plan d’urgence
Ce sont des défis de taille qu’il faut relever : comment exiger à la fois une réelle augmentation des postes et avoir des enseignant·es formé·es sur le terrain au plus vite ? Comment lutter contre les inégalités et la ségrégation scolaire dans le contexte du Choc des savoirs ? Tout ce qui est promu avec ce mépris des savoirs (J.Y. Rochex) va au contraire accentuer cette ségrégation et s’inscrit en opposition de ce que les chercheurs·euses avancent.
À cela s’ajoute le mépris exprimé par le pouvoir : « Ce sentiment de discrimination et d’être considérés comme des sous-citoyens, des sous-élèves, des sous-profs par les pouvoirs publics s’est exprimé avec force dans les réunions et les mobilisations en cours. […] Ce qui peut amener à développer un ressentiment à l’égard de l’école, à l’égard des enseignants, surtout quand ils n’habitent pas là et qu’ils ont l’air de provenir pour une part d’un autre univers social. L’école est perçue, et à juste titre, comme étant peu hospitalière aux élèves de milieux populaires, et assez profondément inégalitaire dans ses modes de définition de la culture scolaire, dans les modes de travail pédagogique promus dans les classes ». (J.Y. Rochex). Pourtant, paradoxalement, les enseignant·es du 93 sont souvent attaché·es à ce territoire et à ces élèves, conviennent qu’iels y ont vécu un engagement professionnel et des mobilisations très fortes.
Gagner sur le plan d’urgence, les moyens et aussi sur une politique de formation, initiale et continue, et d’accompagnement des enseignant·es et autres professionnel·les par des équipes aguerries de formateur·trices et de chercheur·es… serait une victoire pour l’égalité, la dignité du département. Et un marchepied pour exiger une autre politique globale pour ce territoire, tout comme une autre politique éducative.
Par Sophie Zafari