Féministe et militante contre la grossophobie, Daria Marx est cofondatrice du collectif Gras politique.Elle est autrice deDix questions sur la grossophobie, Libertaria 2024, co-autrice deVulgaire : qui décide ? Broché 2024, Gros n’est pas un gros mot, Flammarion 2018.
En quoi la grossophobie est-elle une discrimination violente ?
La grossophobie, ce n’est pas un simple malaise face aux corps gros. C’est une violence systémique, sociale, médicale, institutionnelle. C’est une discrimination qui tue. Elle tue quand des médecins refusent de soigner, quand on vous renvoie à votre poids au lieu d’écouter vos douleurs, quand des examens sont bâclés parce que « vous n’êtes pas un·e bon·ne patient·e ». Elle tue à petit feu quand vous cessez d’aller chez le médecin, quand vous portez vos douleurs en silence parce que vous savez qu’on va vous blâmer. Elle blesse quand elle vous enferme hors de l’emploi, de l’espace public, de la représentation. Quand il n’y a pas de chaise pour vous, pas de vêtements à votre taille, pas de place dans le regard des autres. Elle isole. Elle humilie. Elle fait honte. Et parce qu’elle est légitimée par beaucoup, qu’on l’appelle « préoccupation de santé », qu’on la couvre de discours bienveillants sur le « bon poids », elle passe inaperçue, ou pire : elle est validée, encouragée, prescrite. La grossophobie est une discrimination violente parce qu’elle vous apprend à vous haïr avant même d’avoir appris à vivre.
Et bien sûr, on ne peut pas la classer, la comparer ni établir une hiérarchie entre discriminations. Il n’y a pas de concours de souffrance. Il faut penser les violences de façon intersectionnelle. On ne vit jamais une seule oppression à la fois. Les corps gros sont aussi noirs, trans, précaires, handicapés. Lutter contre une oppression en invisibilisant les autres, c’est continuer à exclure.
Pourquoi Gras politique ?
Parce que nos corps sont politiques. Vivre dans un corps gros, aujourd’hui, c’est faire face à des violences systémiques : sociales, médicales, économiques, culturelles. Ces violences ne sont pas naturelles, elles sont construites. Donc elles se combattent politiquement.
On a choisi Gras politique pour revendiquer. Pour ne plus s’excuser d’exister. Pour dire que le mot gras n’est pas une insulte, mais un fait. Et que ce fait a des conséquences.
Le nom est une déclaration : oui, nous sommes gros·ses, et oui, c’est politique. Notre légitimité, notre santé, notre visibilité, notre dignité : tout ça se joue dans l’espace public, les institutions, les discours dominants. On refuse que notre existence soit réduite à une affaire de volonté individuelle ou de « bonne santé ».
Gras politique, c’est un renversement. Une reprise de pouvoir. Un cri collectif : nos corps ne sont pas le problème, la grossophobie et le validisme le sont.
Comment lutter ? Quelles actions ?
Lutter contre la grossophobie, c’est refuser qu’elle reste invisible ou maquillée en « préoccupation de santé ».
Chez Gras politique, on crée des espaces pour les personnes grosses, on forme, on interpelle les institutions médicales, sociales, éducatives. On tient un annuaire de soignant·es non grossophobes, et un annuaire noir de celles et ceux à éviter.
On parle de ce que beaucoup préfèrent taire : violences ordinaires, maltraitance médicale, exclusion sociale. On agit collectivement, radicalement et de manière intersectionnelle, parce qu’on ne vit jamais une seule oppression à la fois.
*PROPOS RECUEILLIS PARJUSTINE PIBOULEAU