Entretien avec des militant·es syndicaux de la FSU – Quels nouveaux droits ?

Des militant·es syndicaux·ales exposent les améliorations nécessaires pour une protection sociale pour tous et toutes.

Alors que les règles de l’assurance chômage se durcissent pour les salarié·es, en quoi la sécurité sociale professionnelle serait-elle une alternative ?

Alors que les gouvernements successifs ne cessent de baisser les indemnités, réduire leur durée, faire pression sur les chômeur·ses pour reprendre un emploi, les entreprises, elles, ne connaissent aucune contrainte en termes d’emploi. Elles continuent de licencier, d’abuser des contrats précaires, tout en profitant d’aides publiques et d’exonérations. Ce système punit les salarié·es au lieu de sécuriser leurs parcours.

La sécurité sociale professionnelle est l’alternative. Elle garantit la continuité des droits et des revenus, attachés à la personne et non au contrat, pour éviter les ruptures brutales. Elle responsabilise les employeurs : licencier doit signifier contribuer à la reconversion et à la formation. Elle protège ainsi contre la précarité en assurant un revenu digne et un droit effectif à se former, permettant de choisir son emploi plutôt que de le subir.

Mettre en place une telle sécurité suppose de transformer profondément notre système. D’abord le financement : plutôt que d’arroser les entreprises d’aides publiques sans conditions – 211 milliards d’euros en 2023 – il s’agirait de réorienter ces ressources vers un fonds de sécurisation des parcours. Puis sur le comportement social des entreprises en établissant le principe selon lequel plus elles licencient ou multiplient les contrats précaires, plus elles contribuent.

Elle prendrait toute sa place dans l’organisation de la Sécurité sociale, gérée démocratiquement par les salarié·es et leurs représentant·es, loin de la situation actuelle où l’État et le patronat ont une place prépondérante pour imposer des réformes néfastes pour les salarié·es. Le service public de l’emploi aurait la responsabilité d’assurer le reclassement, l’accompagnement et l’accès effectif aux droits de chaque salarié·e, individuellement comme collectivement. Chaque travailleur·euse disposerait d’un véritable droit à la formation et à la reconversion, immédiatement mobilisable en cas de perte d’emploi ou sur sa propre initiative.

C’est une véritable sécurité des parcours, prolongeant l’esprit de la Sécurité sociale de 1945 : garantir à chacun·e une sécurité du revenu et des droits « de la naissance à la mort », indépendamment des aléas du marché.

Alexandra Nougarede, FSU-Teios, SD FSU31

Face au vieillissement de la population, la question de la dépendance devient un enjeu majeur. Pourquoi est-il essentiel de l’intégrer pleinement dans la branche maladie de la Sécurité sociale, plutôt que de la laisser à des logiques assurantielles ou privées ?

Aujourd’hui, il n’existe pas d’assurance légale dépendance en France. La cinquième branche de la Sécurité sociale, consacrée par la loi du 7 août 2020, dédiée à l’autonomie (en dehors des branches maladie, vieillesse, famille et recouvrement), a l’ambition de prendre en charge au sein d’un même risque les personnes âgées et les personnes en situation de handicap via la Caisse nationale solidarité autonomie (CNSA) créée en 2004 dont le financement repose à 90 % sur l’impôt. Elle n’a bénéficié d’aucune augmentation de ses financements depuis sa création alors que les besoins sont croissants. Cela ouvre la porte aux intérêts des assurances privées, ce que nous ne pouvons pas accepter.

La perte d’autonomie, due à différents facteurs (maladie, accident, âge, handicap), n’est pas qu’une question d’âge, mais concerne toute personne rencontrant des obstacles quotidiens liés à ces facteurs. Elle est en lien direct avec les problèmes de santé et de prévention. C’est un drame pour les familles. Les difficultés financières qui peuvent en découler conduisent à des situations inégalitaires : certaines familles peuvent assumer les restes à charge importants de l’équipement matériel ou de l’aide humaine, quand d’autres ne le peuvent pas.

Actuellement, l’organisation de la prise en charge de la dépendance pour les personnes âgées est assurée en cogestion par les Agences régionales de santé (ARS) et les Conseils départementaux. L’Assurance maladie participe également au financement du coût des soins. De ce fait, les personnes âgées restent soumises aux aléas de politiques territoriales diverses et de prestations variables, ce qui accentue les inégalités.

Seul, un grand service public de l’autonomie, assuré par la Sécurité sociale dans le cadre de la cotisation, peut garantir l’universalité des droits et l’égalité de traitement. Seuls, des

financements relevant de la solidarité nationale peuvent permettre la mise en œuvre de politiques publiques cohérentes et lisibles avec une qouvernance et un pilotage bien identifiés.

Nadine Castioni, membre de la Section fédérale des retraité·es nationale (SFRN)

Alors que le droit à l’alimentation saine et durable s’impose comme un enjeu majeur, que pourrait apporter la mise en place d’une Sécurité sociale de l’alimentation?

Le droit à l’alimentation est inscrit dans plusieurs instruments juridiques internationaux ratifiés par la France. Mais ni la Constitution ni aucune loi ne consacre aujourd’hui en France ce droit.

Pourtant la précarité alimentaire est un fléau avec plus de 8 millions d’habitant es en France en insécurité alimentaire et 19 milliards d’euros, sans doute sous-estimés, dépensés pour compenser les impacts négatifs sociaux, environnementaux et sanitaires du système alimentaire.

Par conséquent, il devient urgent de repenser et transformer en profondeur le système agricole et alimentaire en faisant inscrire le droit à l’alimentation dans la Constitution, et en socialisant l’alimentation. C’est le fondement de l’idée d’une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) qui fonctionnerait sur le modèle de la Sécurité sociale de 1946 et permettrait de garantir à tous·tes, quel que soit le revenu, le droit à l’alimentation.

En effet, la SSA avec ses principes d’universalité, de financement par la cotisation sociale, et de conventionnement démocratique, donne l’opportunité d’une reprise en mains par les citoyen·nes. Elle offre la possibilité d’une gestion par le biais de caisses gérées démocratiquement afin d’atteindre la démocratie alimentaire et l’accès à des produits sains et respectueux du vivant.

C’est aussi une lutte de reconquête sociale qui casse le système d’aide alimentaire qui aujourd’hui institutionnalise la pauvreté tout en confortant l’agrobusiness productiviste qui s’enrichit de la défiscalisation.

La SSA, c’est aussi le soutien à l’agriculture paysanne et à l’installation nécessaire de paysan·nes.

Enfin, en cette année des 80 ans de la Sécurité sociale, la SSA est un outil de convergence des luttes sociales et environnementales pour se réapproprier ce conquis social qu’était la Sécurité sociale des origines. En participant au collectif national pour une SSA, la FSU s’engage pour le droit à l’alimentation.

Laurence Dautraix co-secrétaire générale Snetap-FSU et Olivier Gautié secrétaire général adjoint Snetap-FSU