Trop souvent perçu comme une question médicale, le handicap est éminemment politique et touche aux droits humains. Dans l’élan des mouvements pour les droits civiques des années 1960-1970, des associations de personnes handicapées ont revendiqué une place égale dans la société. C’est la base de la convention de l’ONU de 2005, ratifiée par la France, mais encore trop peu appliquée.
Invalides, infirmes, inadapté·es, les mots désignant les personnes handicapées ont longtemps reflété un modèle médical du handicap. La cause en étant la déficience du corps, le handicap est vu comme une tragédie personnelle et appelle à la bienveillance et la charité. Dans les années 1960 et 1970, dans la mouvance des luttes pour les droits civiques, des mouvements sociaux de personnes handicapées se créent particulièrement aux États-Unis et au Canada (Independent Living Movement et Disabled Peoples’ International). En France, des collectifs militants voient le jour, comme le Comité de lutte des handicapés (CLH), créé en 1973, son journal Handicapés méchants paraît jusqu’à 1980 ou le Mouvement de défense des handicapés (MDH), en 1974. Son journal L’Exclu paraît jusqu’à 1981. L’influence de ces mouvements fait évoluer la politique des Nations unies. Après la Déclaration des droits des personnes handicapées en 1975, l’ONU met en œuvre une politique volontariste pour la reconnaissance des droits, la participation sociale et la citoyenneté pleine et entière des personnes handicapées.
Parallèlement, la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées de juin 1975 fixe la politique de la France pour les trente années suivantes. En même temps, une loi est publiée pour définir le fonctionnement d’institutions sociales et médico-sociales en direction des personnes handicapées, mais aussi des personnes âgées ou en situation d’exclusion. Elle réglemente également l’ouverture de nouveaux Instituts médico-éducatifs (IME) et leur fonctionnement.
Cette loi considère les personnes handicapées comme des personnes à protéger du fait d’une déficience physique par rapport à la norme. Elle ne leur reconnaît pas d’autonomie.
Autonomie et inclusion
En 1994, un ensemble de règles est mis en place pour l’égalité des droits qui aboutit à l’adoption en 2006, par l’ONU, de la Convention internationale pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées, qui entre en vigueur en 2008. Elle défend le modèle social du handicap et le définit dans son article premier : « Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. »
La loi de 2005, en France, s’appuie sur ces principes et prône non seulement l’accessibilité, mais également la société inclusive. Cette loi essaie d’articuler le retour des personnes handicapées dans les espaces des droits communs avec le contexte spécifique associatif, éducatif et administratif français.
Cependant, vingt après sa promulgation, la situation des personnes handicapées en France reste très problématique. En 2021, la commission des droits des personnes handicapées de l’ONU rend un rapport à charge, reprochant à la France de n’avoir pas mis en œuvre le modèle social du handicap et de rester, dans de nombreux cas, sur une vision médicale. Par ailleurs, que ce soit en termes de représentativité, d’accessibilité de la société ou d’autonomie, la France ne respecte pas la convention.
Plusieurs collectifs de personnes handicapées luttent aujourd’hui pour l’application de ces règles (voir entretien avec Odile Maurin p. 20) et contre la société validiste, société dont les personnes valides fixent les normes et qui discriminent les personnes handicapées.
En particulier, le modèle français, qui donne la part belle aux associations gestionnaires, ne respecte pas les lignes directrices de l’ONU qui prônent la désinstitutionalisation que ce soit dans la vie quotidienne, à l’école ou au travail, et ne s’est pas doté d’un agenda qui permettrait de la mettre en place progressivement.
L’école pour toutes et tous
En 2005, la France a également adopté une loi concernant l’inclusion à l’école des élèves handicapé·es, mais là encore, sans aucune volonté de fermer les établissements et services médico-sociaux (IME, Itep…). Les différents dispositifs mis en œuvre sont un premier pas, mais ils restent liés aux associations gestionnaires, dans la plupart des cas. (voir p. 24)
Le choix idéologique et politique s’est cantonné au « placement » de l’élève handicapé·e et les pseudo-réformes ont été réalisées à moyens humains et financiers (formation, salaire, bâti, matériel) constants ou presque. Le parcours scolaire et professionnel des personnes handicapées selon leurs souhaits n’est toujours pas une priorité, la formation et les conditions d’exercice des enseignant·es et accompagnant·es non plus (voir p. 23). Les effets d’annonces sont plus grands que les pas réalisés vers une inclusion réelle. Nous donnons la parole au Collectif une seule école (voir p.25) qui défend l’inclusion pour toutes et tous, quel que soit le handicap. L’exemple italien montre qu’une tout autre conception est possible (voir p. 26).
Si l’inclusion et la désinstitutionnalisation ne sont pas des revendications applicables immédiatement, elles doivent être notre objectif.
Dominique Angelini, Magalie Trarieux