Comment se fabriquent des synthèses exigeantes ?

L’objectif d’un congrès est d’engager toutes les composantes de notre fédération, de concilier les contradictions apparentes entre des orientations différentes issues de tendances, de syndicats nationaux ou de sections départementales. En résumé, faire de nos différences un commun, une force collective pour un syndicalisme à la fois offensif et au plus près du terrain.
Premiers travaux pratiques sur l’école privée
Le travail autour du financement de l’école privée en a été un bon exemple. Le texte soumis aux congrès départementaux repartait de l’écriture adoptée à Metz en 2022 : « pour la FSU, il faut mettre fin au financement public de l’enseignement privé sous contrat dans la perspective de sa nationalisation. » Plusieurs amendements ont porté la nécessité que « la FSU s’engage dans la nationalisation des écoles privées », ajoutant souvent « sans indemnité ni rachat ». Il s’agit d’une revendication portée de façon historique par l’École émancipée, au mandatement de plusieurs SD, et plus récemment des syndicats nationaux comme la FSU-SNUipp. D’autres, comme le Snes-FSU, n’ont pas ce mandat. Pour autant, cela n’a pas empêché la FSU d’être à l’initiative d’un large collectif travaillant sur un plan de sortie de l’école privée des financements publics.
La synthèse proposée au congrès national a été de mieux caractériser le contexte et le travail conduit par la FSU et d’engager un mandat d’étude sur les conditions de cette nationalisation. Pour les rapporteur·ices, il s’agissait d’une voie de passage permettant d’affirmer la volonté d’avancer et d’accentuer le travail sur ce sujet, sans aller à l’encontre de certains SN, au risque d’en rester à un statu quo. Ce nouveau mandatement n’est pas pleinement satisfaisant du point de vue de celles et ceux qui portent une nationalisation sans indemnité ni rachat. Mais il s’agit d’une synthèse qui engage toutes les composantes de la FSU et qui permettra de dépasser le slogan et bâtir un véritable plan d’action partagé.
Pierre Caminade
Deuxième exemple, la Palestine
revenue au premier plan de l’actualité, réactivant fortement le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien. La FSU s’inscrit de longue date dans ce mouvement, comme l’a rappelé l’ouverture du congrès, avec la présence chaleureusement saluée de Said Erziqat, syndicaliste du General Union of Palestinian Teachers (GUPT). Alors que le mouvement de solidarité est traversé de débats et que la FSU doit se positionner, l’École émancipée a défendu une dénonciation ferme de l’agression du gouvernement suprémaciste de Netanyahu, du génocide à Gaza, de la colonisation comme de l’apartheid structurel qui touchent l’ensemble des Palestinien·nes. Cette position est aussi celle qui est adoptée largement au sein du collectif national.
Dans ce contexte, les écritures du congrès, dans le thème 3, ont fait l’objet d’une discussion importante. Si de nombreuses sections départementales reprenaient à leur compte la qualification de génocide pour décrire la situation à Gaza, des difficultés et un blocage ont persisté sur la question de la formulation précise. Plutôt que de cliver la FSU sur un sujet important, nous avons fait le choix d’une synthèse exigeante. La formulation finale mentionne explicitement le génocide en citant les rapports de l’ONU, d’Amnesty International et d’Human Right Watch et précise que la FSU les prend en compte dans son analyse. Elle conforte le cadre d’intervention du collectif national pour une paix juste et durable et la possibilité pour la FSU d’y jouer un rôle rassembleur. L’exigence fondamentale de la reconnaissance d’un État pour le peuple palestinien est rappelée dans le cadre de l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples et de l’égalité des droits. La synthèse a remporté l’approbation du congrès, qui a souligné la volonté d’amplifier et de poursuivre la mobilisation de la FSU au côté du peuple palestinien face aux développements dramatiques auquel il fait face.
Antoine Vigot