Face aux « big delete », luttons pour reconfigurer l’avenir !

édito de la revue 112 de l’école émancipée – par Marie Haye –

120 : c’est le nombre de mots interdits par l’administration Trump dans les publications scientifiques et sur les sites gouvernementaux. En effaçant les termes « anti-racism », « climate crisis », « feminism », « LGBTQ », « oppression », « social justice »… cet autodafé numérique se double de la mise à l’arrêt de pans entiers de la recherche et vise une contre-révolution épistémologique orwellienne. Cet « illibéralisme » interne se double d’une brutalité sans limite au plan internationnal avec le lâchage de l’Ukraine et le soutien total au génocide palestinien.
En France, le pouvoir s’adonne à un marketing politique destiné à reconfigurer l’opinion selon les canons du libéralisme autoritaire : « submersion migratoire » quand les étranger·ères représentent 8,2 % de la population, gauche accusée de « gâcher » les manifestations du 8 mars et de menacer le droit de manifester, « économie de guerre » prétexte d’une guerre contre les conquis sociaux, l’écologie, les droits et libertés…
Sur l’affaire Bétharram, la mystification repose sur la fiction d’individus déviants et isolés agissant dans l’ombre, alors qu’il s’agit en réalité de violences systémiques. Maintes fois dénoncées et rendues publiques, leur perpétuation massive et en toute impunité a été rendue possible par l’entrecroisement des dominations (des notables, des adultes, des hommes, de l’enseignement privé catholique).
Ce sont autant d’ersatz de « big delete » : effacer les intersections entre les dominations permet aux dominants de faire croire à des « minorités » qui, refusant le jeu du « mérite » individuel, seraient responsables des oppressions qu’elles subissent ; des « minorités » qui se menaceraient l’une l’autre, et « la majorité ».
Or, selon les enquêtes de la CNCDH^1^, le racisme a largement reculé ces quarante dernières années. Le dernier rapport du HCEFH^2^ montre quant à lui que la population attend des pouvoirs publics qu’ils agissent contre les inégalités entre les femmes et les hommes. La vitalité des manifestations du 8 mars en témoigne, en plus du refus de l’instrumentalisation à des fins racistes des luttes féministes par l’extrême droite. Elles attestent d’une compréhension à grande échelle des liens entre domination patriarcale, prédation capitaliste et danger fasciste, incarnés par le masculinisme d’un Trump.
L’hégémonie culturelle n’est pas tombée à l’extrême droite : il y a encore de l’espace pour notre camp social ! Les mandats offensifs et unitaires de la FSU à l’issue de son onzième congrès sont un point d’appui pour l’unifier, le dynamiser et impulser les luttes nécessaires pour dépasser la sidération et renouer avec l’espoir.
Les mobilisations (enseignement supérieur et recherche, solidarité internationale, retraité·es, contre le racisme, PJJ, France travail, secteur médico-social…) sont autant d’occasions de remettre les alternatives au centre du débat public, de donner de l’écho à ce que pense la majorité et des perspectives à ce qu’elle espère, pour forger, pas à pas mais avec détermination et une certaine urgence, un anticapitalisme de masse contre l’offensive de la bourgeoisie alliée à l’extrême droite.
Big-deletons-les !
Marie Haye
1. Commission nationale consultative des droits de l’homme.
2. Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.