Soutenir la résistance ukrainienne !

Le 3 mai 2024 était le 800e jour de guerre en Ukraine. Le front est resté longtemps figé, avec aujourd’hui des avancées russes. La machine de guerre de Poutine demeure globalement contenue, elle n’a pas fait plier le peuple ukrainien. Toutefois les destructions systématiques continuent : le bombardement des installations civiles, notamment énergétiques, vise à démoraliser la population.

Si nos grands médias se font l’écho des évolutions de la situation militaire et géopolitique, il convient de s’intéresser à ce que vit la société ukrainienne dans les territoires occupés et dans le reste du pays. Dans les territoires occupés, le joug de l’armée et de l’administration russes s’abat sur les populations. La russification s’intensifie, sur un modèle colonial et impérial qui remonte au tsarisme. Dans cette « nouvelle Russie » (nom donné aux « nouveaux territoires » annexés), encouragée par les autorités à coups de primes, facilités, prêts, s’installe une nouvelle population. Les universités de Donetsk, Lougansk sont intégrées dans le système russe, les recteurs dépendent de Moscou, et de la maternelle à l’université, les manuels sont ceux des programmes scolaires russes. En février dernier, au seuil de l’an III de la guerre, on dénombrait 19 000 enfants disparus, enlevés et transportés en Russie où une « éducation russe » leur est donnée, soit dans des institutions, soit dans des familles adoptives. Ce qui est ukrainien est dévalorisé, voire banni. Pendant les élections présidentielles, la pression s’est accrue sur celles et ceux qui ont refusé de prendre le passeport russe. Une échéance approche : au 1er juillet 2024, les Ukrainien·nes qui refusent de devenir russes seront considéré.es comme étranger·es et seront dès lors expulsables, pouvant être déporté·es loin de chez eux. Une résistance s’est développée dans ces territoires, bien évidemment clandestine, sous diverses formes, y compris militaires, avec sabotages, liquidation de collaborateurs, etc. L’objectif immédiat du Centre national de résistance de l’Ukraine est de « transformer la vie des occupants en enfer ».

Vivre et lutter dans une société en guerre

Dans la société ukrainienne, le mouvement social, le mouvement syndical, la gauche poursuivent leur lutte sur deux fronts : la résistance à l’invasion et à l’encontre des politiques néolibérales du gouvernement. C’est la double besogne : défendre les intérêts du monde du travail et de la population – fonction de ces organisations et mouvements – et aussi, contre la globalité de ces politiques car elles affaiblissent la mobilisation populaire contre l’invasion. Malgré les limitations, et contrairement à la Russie, les droits syndicaux, collectifs, d’expression, d’organisation, de grève demeurent. On peut citer les luttes des infirmières avec le syndicat Sois comme Nina, les luttes féministes y compris pour obtenir l’égalité des droits et des devoirs sur le front, tout comme les combats de syndicats LGBT de soldats, ceux des étudiant·es avec les actions du syndicat Priama Diia (voir encadré). Le soutien du mouvement syndical international, comme de la gauche, est nécessaire à ces combats difficiles.

Le soutien occidental limité pour préserver Poutine

Les dernières semaines ont confirmé l’insuffisance du soutien occidental, tant les engagements annoncés sont loin des réalisations. L’Ukraine peut certes tenir, difficilement, mais pas établir des avancées significatives. À la lumière de la guerre israélo-palestinienne, le décalage devient évident : le « dôme de fer », parmi les autres moyens militaires accordés par les USA à Israël, a été refusé à l’Ukraine. Le porte-parole de Biden l’a assumé : ce n’est pas le même contexte, dit-il, il ne faut pas prendre le risque de provoquer Poutine. Au Moyen-Orient, les risques seraient moindres. En réalité, les Occidentaux, s’ils veulent affaiblir Poutine, ne veulent pas d’une défaite militaire russe qui donnerait le signal de sa chute.

Ici, on constate une sorte d’abstention d’action dans une grande partie de la gauche et du mouvement social car « les gouvernements feraient de toutes façons ce qu’il faut en matière de soutien ». Or, en aucune manière, on ne peut faire confiance à nos gouvernants pour soutenir le peuple d’Ukraine sans mobilisation autonome dans la société pour faire pression, pousser en avant, empêcher les reculs et volte-face. L’internationalisme ne peut être délégué à d’autres que nous.

Par Robi Morder

Dans les universités ukrainiennes

Le syndicat étudiant Priama Diia est très impliqué dans la lutte contre la marchandisation de l’université et pour l’extension des pouvoirs des usager.es. Le conseil d’experts étudiant·es, (étudiant·es, organisations publiques et organismes autonomes d’étudiant·es), a été impliqué dans l’élaboration d’un projet de loi concernant l’extension des droits des organes d’administration autonome des étudiant·es et la garantie des droits des étudiant·es. Il reste un parcours avant une approbation parlementaire. Or, le Comité de l’éducation a réduit le financement minimum de l’autogestion des étudiant·es de 0,6 % du budget à 0,5 %. Le ministère de l’Éducation et de la Culture et l’Union des recteurs d’Ukraine proposent d’abandonner les normes progressistes du projet de loi, qui élargissait la représentation des étudiant·es et leur donnait un pouvoir d’influence sur la gestion de l’université.

Priama Diia a publié un manifeste, dont on peut trouver la traduction française sur le site du Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants (germe-inform).

Échos d’universités russes

Les universités de Russie sont reprises en mains par le pouvoir central : changements de recteurs, nouveaux cours patriotiques avec de nouveaux programmes d’histoire, de géographie, implication poussée de l’Église orthodoxe dans une lutte constante contre la « décadence » (la « propagande » LGBT est criminalisée) en défense de la famille traditionnelle. Les militaires venant du front d’Ukraine font des tournées de propagande auprès des étudiant·es. Aux élections présidentielles, les étudiant·es ont été sommé·es d’aller voter, sous peine de sanctions, les bureaux de vote communiquant aux administrations les listes. Porter en vêtements les couleurs jaune et bleu du drapeau ukrainien, parler de guerre au lieu d’opération militaire spéciale, publier dans des revues occidentales, est passible d’amendes, d’emprisonnement, de la qualification d’« agent étranger ». Ce printemps, 150 000 jeunes de 18 à 30 ans sont appelé·es sous les drapeaux.

Le resu

Le comité français du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine (Resu) regroupe associations, syndicats, organisations politiques, adhérent·es individuel·les. Il mène et relaie des campagnes : soutien matériel à un projet Veteranka d’ambulance blindée, pétition pour la libération du journaliste ukrainien libertaire détenu par les Russes, Maksym Butkevitch, conférences pour faire connaître la position du mouvement social et de la gauche ukrainienne, etc. Il dispose d’un Facebook, en attendant le site internet. On peut le contacter par mail (ukrainesolidaritefrance@gmail.com) ou courrier, 21 ter rue Voltaire 75011 Paris.