Les 20 et 21 mars derniers se tenaient les journées intersyndicales « femmes ».
Lancées en 1998, à l’initiative des militantes de la CGT, de la FSU et de Solidaires, ces rencontres
connaissent un succès croissant avec bien sûr un renouvellement du public – 80 % de femmes –
et un élargissement des secteurs professionnels.
Seize années de rencontres consécutives, une qualité de débats, d’écoute, le respect des militantes issues d’organisations diverses, il s’agit vraiment d’un espace militant intersyndical inédit sur la durée, précieux pour les féministes syndicalistes et indispensable tant la lutte pour l’égalité et les droits des femmes reste un combat d’actualité.
La session 2014 proposait un programme combinant réflexions féministes théoriques, dossiers syndicaux et témoignages de terrain.
**✓ « Un siècle de travail des femmes » [[Margaret Maruani et Monique Meron Un siècle
de travail des femmes en France éditions la Découverte]] de Margaret Maruani et Monique Meron.
Les deux auteures sont venues présenter leur travail de recherche minutieux qui a pour ambition de compter le nombre de femmes au travail dans la France du XXe siècle et de conter l’histoire de ces chiffres.
Les auteures ont mis en évidence le poids indiscutable du travail des femmes dans le fonctionnement économique, sa constance, en dépit des crises et des récessions, par-delà les périodes de guerre et d’après-guerre. Jamais moins du tiers – et désormais près de la moitié – de la population active.
Les permanences et les évolutions de la division sexuelle du travail, des métiers d’antan aux professions d’aujourd’hui sont analysées dans le détail, démontrant comment se construisent les stéréotypes.
**✓ Politiques publiques : des obstacles à l’égalité.
Jeanne Fagnani, sociologue et Séverine Lemière, économiste ont introduit cette session, insistant sur la nécessité de « chausser des lunettes genrées » pour analyser les politiques publiques.
Car il s’agit bien, en revendiquant ou en dénonçant tel dispositif de loi, de voir comment répondre à l’objectif de redistribution sociale, de réduction des inégalités et en particulier des inégalités sexuées.
Ainsi, le congé parental, récemment rebaptisé, est dénoncé comme un piège qui incite les femmes à se retirer du monde du travail avec des conséquences en termes d’autonomie tout au long de la vie. Des débats, des interrogations se sont exprimés dès lors qu’il s’agit d’avancer des propositions concrètes qui s’apparentent souvent à chercher les moins mauvaises solutions : un congé parental, plus court, rémunéré proportionnellement au salaire antérieur et surtout totalement partagé entre le père et la mère ? Revoir les quotients familial et conjugal, les remplacer par un crédit d’impôt ?
**✓ Égalité professionnelle, un pas en avant, deux pas en arrière ?
Force est de constater que malgré les lois, discours et autres chartes, en France, le salaire des femmes reste inférieur d’un quart à celui des hommes. Cette thématique est toujours présente depuis seize ans et avec presque les mêmes constats et les mêmes interrogations sur les stratégies syndicales-féministes à mettre en œuvre pour en finir avec ce « quart en moins » décrit par Rachel Silvera [[Rachel Silvera Un quart en moins
éditions la Découverte.]].
Le débat a permis de mutualiser aussi bien les expériences concrètes dans différents secteurs que les interrogations, voire les exaspérations face à la faiblesse de l’action syndicale en la matière.
Selon Rachel Silvera, ces dernières années, des femmes ont décidé de se battre et ont obtenu gain de cause, avec parfois des décisions de justice qui ont imposé réparation à travers un rappel de salaires et une requalification.
Les débats ont porté sur la dénonciation du temps partiel, des nombreuses discriminations au travail, sur la notion de « salaire égal pour un travail de valeur égale/comparable ». En effet, il est temps de retravailler sur la façon d’évaluer les compétences et les qualifications, celles des femmes restant trop souvent perçues comme relevant de qualités « innées » et donc faiblement rémunérées.
« Il faut étudier ce qui définit le travail : les connaissances, les capacités, la technicité, les responsabilités, la charge physique et mentale, et réévaluer les salaires ». Un chantier important que la nécessaire bataille sur la mixité des métiers a souvent occulté.
Ces deux jours se sont conclus sur une séance « Retour sur les questions de genre », avec une introduction passionnante d’Elsa Dorlin, philosophe, et un focus sur les attaques, dites anti-genre, à l’école que Cécile Ropitaux de la FSU a présentées.
Un sujet brûlant d’actualité… et qui sera l’objet du dossier du prochain numéro de votre revue préférée… ●
Sophie Zafari