L’oligarchie financière – ses jets privés et ses supers profits – continue à affirmer ce qu’elle considère être son droit immuable sur ce monde. Au milieu des feux de forêts, des canicules meurtrières en Inde, des inondations historiques du Pakistan, des récoltes dévastées dans de nombreuses régions, et les millions de réfugié·es climatiques que ces catastrophes génèrent, les affaires doivent continuer. Le « droit » des prédateurs à leurs supers profits, quelle que soit la façon dont ils y parviennent, n’est à aucun moment remis en cause par l’Etat. Deux cents entreprises sont responsables de l’émission de 70 % des GES mais Total peut annoncer ses 16 milliards de profits pour l’année 2021.
Ce monde convient à E. Macron qui n’a pas l’intention de taxer les super profits. Alors de quoi parle-t-il en annonçant la fin de l’abondance à une majorité de personnes qui ne l’a jamais connue ? Ne pas pouvoir se chauffer, vivre dans des passoires thermiques, étouffer l’été et geler l’hiver, subir les hausses spéculatives sur des produits de première nécessité, ce n’est pas vivre dans l’abondance.
Non seulement les politiques climatiques des gouvernements sont inefficaces, elles accroissent les inégalités sociales, mais en plus elles ne protègent pas les populations contre les catastrophes. Pire, elles impactent les plus fragiles. Le « libre marché » ne nous sortira pas de l’impasse. Relever le défi climatique requiert impérativement un plan public, des objectifs sociaux et écologiques autres que le profit, des moyens publics. Ce qui n’est pas soutenable dans cette perspective, ce sont les inégalités structurelles actuelles et la machine qui les engendre. Il faut partager les richesses, produire moins, transporter moins, consommer différemment et prendre soin des écosystèmes, des êtres humains et des choses.
A celles et ceux qui pourraient penser que cette rupture avec le productivisme et le capitalisme est trop radicale, les auteurs du dernier rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) sur l’Indice du Développement Humain indiquent que le monde est entré dans une ère d’incertitude laissant présager des bouleversements sociétaux peut-être aussi importants que le passage des sociétés agricoles aux sociétés industrielles. Le rapport indique également que la santé, l’éducation et le niveau de vie des nations ont reculé dans 90 % des pays de la planète. Mais bien entendu, à l’échelle internationale comme au sein des pays, ce sont les plus pauvres qui paient la facture la plus élevée. La France est 28e dans ce classement. Cela est dû à la baisse de son espérance de vie, à une chute du produit national brut par habitants de 1 000 dollars mais aussi à son niveau d’éducation qui grève sa place dans ce classement.
Les inégalités érigées en système
Le gouvernement Macron se distingue par un parti pris idéologique extrêmement fort. Son refus de taxer les profits malgré les recommandations de l’OCDE est un marqueur particulièrement significatif. « En même temps », il annonce une nouvelle réforme de l’assurance chômage avec l’intention de faire fluctuer les droits en fonction de la conjoncture. L’idée est de les faire reculer au point de contraindre les demandeuses et demandeurs d’emploi d’accepter n’importe quel emploi dans les secteurs dits « déficitaires ».
Les dernières annonces sur le souhait de réformer le système des retraites pour faire travailler plus longtemps et baisser le montant des pensions en dehors de tout déficit incontrôlé des caisses de retraites suit la même logique : faire reculer les droits sociaux des travailleurs et travailleuses.
Le capitalisme se nourrit des inégalités et les accroît ; il ne peut fonctionner qu’en mettant toujours plus de pression pour plus de croissance et en exploitant toujours plus les plus faibles. Pour que ce système soit pleinement opérationnel, faire croire à la responsabilité des plus faibles est primordial. « Éteignez bien vos lumières, et baissez votre thermostat d’un degré, sinon… ». La propagande joue pleinement son rôle pour masquer les réalités et les inégalités insupportables.
De fait, l’austérité continue à s’appliquer aux services publics qui n’ont plus les moyens de fonctionner et de remplir leur rôle d’amortisseur social. Les crises sont désormais de moins en moins supportables et les inégalités de plus en plus criantes. Ce sont les services publics qui pourront favoriser des politiques écologiquement et socialement viables. Il faut donc un investissement très massif, et celui-ci ne peut pas être supporté par les moins favorisé·es.
La situation dans l’éducation
Là aussi les bâtisseurs d’inégalités et de ségrégation scolaire et sociale sont à l’œuvre. Les annonces faites en cette rentrée, loin de la rupture nécessaire avec le quinquennat précédent, se situent dans la continuité des réformes libérales de ces vingt dernières années. Celles-ci ont eu pour conséquence l’augmentation d’inégalités scolaires socialement déterminées : déploiement de l’ « école du futur », généralisation des contractualisations, évaluations des écoles et des élèves, mise sous tutelle des pratiques enseignantes, mesures de renforcement de l’illusion méritocratique… Mais aussi réforme du lycée professionnel visant à augmenter la part des stages en entreprises au détriment des savoirs scolaires quand, dans le même temps, les parcours d’excellence sont vantés, avec la promotion des sections internationales à l’ambition culturelle affirmée, du CP à la seconde, certifiées par un nouveau bac français international. Ou l’entêtement libéral à la mise en œuvre de mesures dont les effets inégalitaires sont très explicitement pointés par la recherche montre bien que l’objectif est de garantir une inégale distribution du capital scolaire au bénéfice des groupes sociaux dominants, pour que, face aux crises climatiques et sociales, le système des inégalités perdure le plus longtemps possible.
Engager la riposte, les résistances pour une véritable bifurcation éducative doit être un des fils à plomb de notre travail syndical. Dans un système scolaire épuisé par deux ans de Covid, il y a nécessité à faire surgir un nouveau 13 janvier. Avec la période budgétaire qui s’ouvre, cela passe par une campagne d’actions « pour un plan d’urgence pour l’école » et la mise en avant du Livre blanc de la FSU-SNUipp. Nous devons investir et accroître notre visibilité autour de notre projet – place du concours et formation initiale, direction et fonctionnement de l’école, lutte contre les inégalités scolaires…– pour construire les résistances et gagner la transformation de l’école et de la société.
Offrir les espaces d’action collective : une responsabilité du syndicalisme
Avec une inflation autour de 6 %, la question des salaires prend de plus en plus d’importance. Dans ce contexte, la journée interprofessionnelle du 29 septembre doit être fortement investie et s’inscrire dans la durée. Le refus de FO de s’y associer est un mauvais signal dans une période où des millions de salarié·es sont en difficulté pour payer les factures, faire le plein, etc. Elle constitue une suite aux mobilisations sectorielles comme celles des ATSEM du 5, de l’énergie le 13 et de la santé le 22 septembre. Dans le cadre de cette rentrée sociale, la FSU et la FSU-SNUipp doivent s’y inscrire pleinement et travailler leur extension.
Les « primes Macron » ne sont pas une réponse. Elles ne sont pas à la hauteur, mais surtout elles sont éphémères contrairement à des augmentations de salaires. Elles n’alimentent pas le système de protection sociale. Il est nécessaire d’augmenter les salaires socialisés, avec, en tout premier lieu, une hausse du SMIC conséquente.
Dans la Fonction publique, la hausse de 3,5 % du point d’indice ne compense même pas l’inflation constatée sur l’année écoulée. Elle rattrape encore moins la perte de salaire réelle des vingt dernières années liée au gel historiquement long de la valeur du point. La hausse de 4 % des pensions des retraité·es suit la même logique.
Dans l’éducation, les augmentations annoncées pour 2023 ne compenseront même pas les effets de l’inflation et ne sont qu’hypothétiques car non budgétisées. L’augmentation de 10 % sera soumise à la participation à des projets dits innovants, vecteurs d’inégalités. Les « élu·es » dans les écoles qui auront déposé des projets seront récompensé·es, les autres non… C’est l’ouverture à la concurrence entre les écoles, les personnels, la casse du statut, l’augmentation des inégalités au sein de notre propre métier.
Cette situation est l’une des explications de la crise de recrutement dans l’Education nationale. Le gouvernement est en difficulté sur cette question. Imprécis sur les effets sur le reste de la grille d’un salaire à 2 000 € pour les débutant·es, imprécis sur les 10 % d’augmentation envisagés… Les éléments qui ont été énoncés sur le principe du « pacte enseignant » requièrent d’en dresser rapidement une caractérisation syndicale et politique claire pour éviter d’engouffrer la profession, et surtout les nouvelles et nouveaux, dans une logique de méritocratie. Dans ce contexte, la mobilisation dans l’éducation peut changer la donne.
Le mouvement syndical doit permettre à la colère sociale de s’exprimer, expliquer qu’il ne faut pas laisser le gouvernement penser qu’il peut compter sur la passivité ou la résignation de la population. Et dans la perspective de construire dès à présent un mouvement d’ampleur lors de la grève du 8 mars prochain, il est important d’investir et construire les mobilisations en faveur des droits des femmes : défense du droit à l’IVG le 28 septembre et d’éradication des violences faites aux femmes le 25 novembre et surtout de communiquer régulièrement sur le sujet des inégalités entre les femmes et les hommes pour y engager nos collègues.
Un nouveau contexte politique
La charte d’Amiens défend l’indépendance du syndicat à l’égard des partis politiques et de l’État. Elle n’interdit pas pour autant des actions menées en commun. L’histoire du mouvement ouvrier est riche de ces moments de convergences revendicatives. On le conçoit pour les luttes contre le fascisme et contre les lois « sécurité globale » et « principes de la République » dans un passé récent. Ces convergences étaient également présentes au moment du front populaire.
La toute récente séquence électorale a modifié le paysage politique et les rapports de force à gauche. L’émergence de la NUPES interpelle le mouvement syndical à plusieurs titres. D’abord, parce qu’elle met fin à l’hégémonie politique d’un PS au service du libéralisme comme l’ont montré ses nombreux passages au gouvernement. Elle porte également un corpus revendicatif proche de ce que le mouvement social peut défendre. Enfin, elle interpelle parce qu’elle ne compte pas se cantonner aux campagnes électorales ou à l’espace parlementaire.
La journée du 16 octobre vise à contribuer à la contestation de la politique d’E. Macron. Il est incontestable qu’une dynamique s’est construite au travers de la séquence électorale. Le mouvement social, non seulement a besoin de débouchés politiques, mais peut profiter de cet appel d’air qui participe à un climat de contestation favorable à ces propres revendications. C’est un élément positif pour nos luttes, même s’il est important de souligner et leur affirmer toujours que les syndicats de lutte et transformation sociale sont les baromètres du mouvement social et que notre boussole reste là et ne sera jamais servir des plans électoraux. Il faudra voir quelle forme de soutien la FSU-SNUipp avec les autres organisations de transformation sociale peuvent apporter à cette marche.
Ce profil combatif, cette volonté d’incarner et de permettre à la colère sociale de se faire entendre sont des moteurs importants de la campagne des élections professionnelles.