Dossier. Formation/emploi des jeunes, un tableau contrasté

Si l’entrée sur le marché de l’emploi est très largement marquée par la précarité sous diverses formes, il n’en demeure pas moins que, comme le montrent ces études de cohortes du Centre d’étude et de recherche sur les qualifications (Céreq), l’insertion reste une réalité pour plus de 75 % des jeunes dès la première année. Les jeunes connaissent généralement la précarité, mais 3 sur 4 n’y restent pas.

Derrière cette réalité se cachent des situations différenciées entre jeunes diplômés et jeunes sans qualification : plus que jamais en temps de crise, le diplôme reste protecteur face au chômage ou au sous-emploi et ce, même quand il n’y a pas adéquation entre la spécialisation du diplôme et l’emploi obtenu…
En 2009, 77,9 % des 15 ans et plus ayant un emploi sont salariés en Contrat à Durée Indéterminée, 1,6 % en intérim, 8,2 % en Contrat à Durée Déterminée et 1,4 % sous d’autres formes de contrats (stagiaire, apprentissage). Les 11 % restant correspondent à l’emploi non salarié.La moitié des salariés embauchés en CDD, stage ou apprentissage ont moins de 29 ans, alors que la moitié des salariés en CDI ont plus de 43 ans. D’ailleurs, parmi les moins de 25 ans, la part de ces formes particulières d’emploi est de 49,7 % (contre 12,6 % pour l’ensemble des salariés) [[Anne Mansuy et Cédric Nouël de la Buzonnière, Une photographie du marché du travail en 2009, Résultats de l’enquête Emploi, INSEE.]]. A noter que, comme le souligne Nathalie Moncet, le recours au CDD relève plutôt d’un mode structurel de gestion de la main d’œuvre inexpérimentée que d’une volonté de tester les jeunes salariés avant de les stabiliser : seuls 14 % de ces embauches initiales en CDD se verront transformer en CDI. Pour autant, la part des contrats à statut réputé « stable » s’élève régulièrement au fil des années. Après trois ans de vie active, les deux tiers des emplois occupés le sont à durée indéterminée. Après sept ans, cette proportion dépasse les 80 % [[Nathalie Moncel, Les jeunes salariés, des réalités contrastées, communication réalisée lors du colloque FSU-CGT le 10 décembre 2010.]]. Reste que près d’un jeune sur cinq est durablement exclu du CDI, signe du développement de la précarité dans la fonction publique, ainsi que du contournement des règles de renouvellement des contrats atypiques, en particulier du côté de l’intérim, dans le secteur privé.

Souvent déclassés, parfois exclus…

Si le diplôme reste protecteur, il n’assure pas de décrocher un emploi correspondant à son niveau de qualification ni même à sa spécialité.
On assiste à une « montée en qualification » continue des emplois du fait du recul de l’emploi non qualifié (sauf dans les services). Dans le même temps, on observe une montée en qualification des personnes, due à la hausse générale du niveau de diplôme, mais ceci à un rythme plus rapide que la montée en qualification des emplois, ce qui crée une « déformation par le haut de la structure des qualifications »[[Dominique Fournié, Christophe Guitton, Panorama sectoriel de la relation formation-emploi, Notes Emploi Formation du Céreq n° 31, juillet 2008.]].
Ainsi, aujourd’hui les niveaux de diplôme des jeunes sont beaucoup plus élevés que ceux des seniors, quelle que soit la catégorie d’emploi. Et au final la norme de qualification augmente, c’est-à-dire le niveau de diplôme le plus fréquent dans une catégorie d’emploi donnée, et ce dans tous les secteurs d’activité. Dans un contexte de chômage massif qui accroît la concurrence entre demandeurs d’emplois, les jeunes les moins diplômés subissent particulièrement ce phénomène, corrélé avec le recours par les employeurs à des surqualifications. Si les jeunes surqualifiés pour leur premier emploi connaissent en général par la suite une mobilité ascendante, celles et ceux qui sont sans diplômes ont beaucoup de mal à s’insérer durablement dans l’emploi. De plus, cette mobilité ascendante est contrastée selon les secteurs et, en conséquence, selon le genre : entre 1998 et 2003, près d’un homme sur trois occupant un emploi non qualifié a connu une mobilité ascendante, contre seulement une femme sur huit. Le secteur tertiaire, le plus producteur d’emplois non qualifiés, mais aussi le plus féminisé, est celui où la polarisation entre emplois peu qualifiés et emplois très qualifiés s’accroît fortement, limitant ainsi les mobilités ascendantes.

Formés… pour autre chose

Par ailleurs, l’exercice d’un emploi pour lequel on a été spécifiquement formé est aujourd’hui loin de constituer la norme. Selon une étude de Philippe Lemistre et Mireille Bruyère, 44 % seulement des jeunes sortants des formations professionnelles de la génération 1998 (des CAP-BEP aux DUT-BTS) travaillent dans leur spécialité de formation trois ans après leur sortie du système éducatif. Ainsi, même pour les formations les plus professionnalisées, l’adéquation entre spécialité de formation et d’emploi n’est pas majoritaire, et cette proportion pourrait bien diminuer encore. En effet, d’après ces auteurs, « les modes de gestion de main d’œuvre sont de plus en plus axés sur l’ensemble des compétences individuelles et font jouer au diplôme final le rôle d’un signal des compétences, certes central, mais néanmoins de plus en plus associé à d’autres signaux qui prendront et prennent déjà le pas sur le diplôme au fil de la carrière, voire en tout début de vie active »[[Philippe Lemistre, Mireille Bruyère, Spécialités de formation et d’emploi : comprendre l’absence de correspondance, Céreq Net.doc n°52 juin 2009.]]. On touche du doigt la question du rôle social de l’école : certains verront dans la remarque précédente la pertinence des « compétences » comme mode d’évaluation scolaire dans la perspective de l’insertion professionnelles (cf. les débats sur le socle commun), d’autres, dont l’Ecole Emancipée, la nécessaire formation initiale de haut niveau pour toutes et tous qui permet une vraie adaptation à l’emploi et de possibles évolutions tout au long de la carrière.

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