Questions à Pierre Khalfa, porte parole de l’Union syndicale Solidaires

[**ÉÉ : Comment appréciez vous aujourd’hui le rapport de forces ?*] P.K. : La journée du 7 septembre marque un tournant. Nous revenons de loin. En effet, lorsque le gouvernement avait annoncé son intention de s’attaquer de nouveau aux retraites, plusieurs obstacles se dressaient devant nous : le souvenir de l’échec de 2003 sur ce sujet ; la façon désastreuse dont s’étaient terminées les fortes mobilisations de 2009 avec des journées saute-mouton incapables de créer un véritable rapport de forces ; un fatalisme apparent des salariés d’autant plus fort qu’il était entretenu par une campagne gouvernementale sur le thème « il n’y a pas d’autre solution ». _ _ Nous avons réussi à surmonter ces obstacles. D’une part, malgré des points de vue très différents en son sein, l’intersyndicale a, jusqu’à cette date, peu ou prou, joué son rôle. L’unité syndicale a été une des conditions du succès croissant des mobilisations, ce qui a peu à peu fait germer l’idée que « gagner, c’est possible ». D’autre part, un processus parallèle s’est mis en route avec l’appel « Faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites » initié par Attac et la fondation Copernic. Cet appel regroupant syndicalistes – même s’il n’y en eut peu en dehors de Solidaires et de la FSU –, responsables politiques jusqu’à une partie du PS, économistes de renom, universitaires, etc. a permis de lancer une dynamique citoyenne et unitaire dans tout le pays. Cela s’est traduit par des centaines de réunions publiques qui ont irrigué en profondeur les réseaux militants, permettant ainsi de démultiplier les explications de fond que l’intersyndicale était dans l’incapacité de donner.
L’ensemble de ces éléments, couplé à l’attitude d’un gouvernement d’autant plus arc-bouté sur son projet qu’il est affaibli par les scandales, ont permis une montée en force importante des mobilisations et un retournement de l’opinion publique. [**ÉÉ : Comment faire reculer le gouvernement sur les retraites ?*] P.K. : Nous sommes maintenant à un moment clef. Le gouvernement a choisi le passage en force dans un délai très court. Cela signifie qu’il n’y a pas d’autres solutions que de préparer un affrontement majeur du type de ce que nous avons réussi à faire contre le CPE ou contre le plan Juppé en décembre 1995. Or la décision d’attendre le 23 septembre pour une nouvelle journée de mobilisation va à l’encontre de cet objectif. Au lieu d’être dans une dynamique qui installe petit à petit le pays dans une situation de crise politique avec un rebond à une date très rapprochée, reporter l’action au 23 dilue au contraire l’affrontement.
Le risque est donc d’avoir une journée, qui non seulement pourrait être moins forte, mais qui soit vécue comme un simple baroud d’honneur, ce d’autant plus que le processus parlementaire sera bien avancé. Il s’agit donc, de notre point de vue, d’une erreur de stratégie. C’est pourquoi nous n’avons pas signé le communiqué de l’intersyndicale. Cependant, malgré ce que nous considérons comme une erreur, rien n’est joué et nous pouvons encore gagner car il y a un fort rejet de la politique gouvernementale. C’est pourquoi, il faut tout faire pour que cette journée soit un succès et dépasse encore celle du 7.

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