EHPAD: mettre fin à la maltraitance des personnels et de nos ainé-es

Du fait du vieillissement de la population, environ 700 000 personnes
vivent en maison de retraite. Elles et ils intègrent une maison de
retraite à plus de 80 ans en moyenne, et sont de plus en plus
dépendant-es. « La forte dépendance des résidents contribue à faire
réaliser aux professionnels des prises en charge plus lourdes,
demandant donc un temps accru, qui ne sont pas compensées par un
accroissement des moyens humains » pointe une étude du ministère de la
Santé.

Ce secteur emploie autour de 360 000 professionnel-les: infirmier-es,
aides médicopsychologiques, aides-soignant-es, agent-es de service
hospitalier, cuisinier-es, ou encore animateurs-trices. Elles
dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail, le manque de
personnel, le non-remplacement des salarié-es malades, le recours
systématique aux vacataires et C, etc.

Les réductions budgétaires dans les EHPAD (établissement hospitalier
pour personnes âgées dépendantes) ont déstabilisé le travail des
personnels. Les repas, les soins, l’hygiène, de même que les activités
proposées aux personnes âgées subissent de plein fouet ces politiques
d’austérité. Une pression devenue insupportable pour les soignant-es,
et des conditions d’accueil à la limite – voire au-delà – de la
maltraitance pour les résident-es.

Les personnels soignants – essentiellement des femmes – s’alarment de
la situation désastreuse dans les EHPAD et se mobilisent de plus en
plus contre leurs conditions de travail, mais aussi contre les
conditions de vie des patients dont elles s’occupent.

Les personnels subissent une équation intenable : les institutions
leur en réclament toujours plus, avec toujours moins. Les plans «
dépendance », « canicule » ou « Alzheimer » se sont succédé. Sans les
moyens nécessaires, la masse de travail augmente pour les personnels
et les conditions se dégradent. Laver des personnes dépendantes qui,
pour beaucoup, ne peuvent pas se lever de leur lit, prend du temps et
beaucoup d’énergie. L’« objectif » managérial à remplir peut monter
jusqu’à 15 toilettes par jour pour une seule salariée!

Sous-financement chronique de la dépendance

Qu’il s’agisse de maisons de retraite publiques ou privées, ce sont en
partie les pouvoirs publics qui les financent, à travers une
convention tripartite entre l’établissement, le conseil départemental
et l’Agence régionale de santé (ARS), c’està-dire l’État. Mais
derrière cette réalité se cachent des réalités économiques
hétérogènes, entre d’un côté des établissements publics qui peinent à
joindre les deux bouts, et de l’autre des établissements privés
lucratifs qui, depuis les années 1990, ont accumulé de véritables
fortunes. Orpea, Korian, DomusVi, Noble Age ou encore Les
Opalines… Dans la tête des financiers, fonds de pension ou fonds
d’investissement, ils sont depuis longtemps synonymes de promesses de
rentabilité mirifique. Tandis que les salarié-es aides soignant-es,
quant à elles, gagnent autour de 1600 euros nets par mois, en
travaillant en horaires décalés, et un week-end sur deux!

Le grand âge et la dépendance posent un défi à notre société : le
montant moyen des retraites est de 1376 euros par mois ; celui du
minimum vieillesse, de 803 euros. Et le coût médian d’hébergement sur
la France entière, tous statuts d’établissements confondus, laissé à
la charge d’un-e rési- dent-e et sa famille, de 1 700 à 1 900 euros
par mois. Ce chiffre recouvre de fortes dis- parités : contrairement
aux établissements associatifs ou publics, le privé, qui gère 25 % des
7 752 EHPAD, fixe libre- ment ses tarifs et est donc plus cher, à un
prix médian de près de 3000 euros.

Et si le privé est cher, il n’est pas forcément de meilleure qualité:
le taux d’encadrement, moins subventionné, y est généralement
inférieur à celui du public et s’élève à 61 per- sonnels pour 100
résident-es, contre 80 pour 100 dans les établissements publics les
mieux dotés rattachés à un hôpital et 60pour 100 litsoccupés dans le
privé associatif.

Avec un nombre de personnes de plus de 85 ans qui devrait quadrupler
en France d’ici 2050, passant de 1,4 à 4,8 millions, et donc un besoin
en personnels de maisons de retraite qui va s’accentuer d’année en
année, il serait pourtant urgent que la situation évolue.

Une grève inédite

Cette situation n’avait guère alerté ni les élu-es, ni les
institutions publiques en charge des EFPAD, jusqu’au conflit des
Opalines, suivi de nombreuses grèves dans les EHPAD. C’est un conflit
social particulièrement long et qui a eu un retentissement dans toute
la France: les 117 jours de grève des aides-soignantes de la maison de
retraite Les Opalines à Foucherans, dans le Jura. Ce n’est qu’au 100e
jour de grève qu’arrivera le tournant, grâce à un article de Florence
Aubenas en une du Monde du 18 juillet. En titre : « On ne les met pas
au lit, on les jette ». Le conflit prend alors une véritable dimension
nationale. Nous avons interrogé Anne-Sophie Pelletier Garcia qui a été
la porte-parole de cette exceptionnelle mobilisation. ●

Sophie Zafari