A propos des Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisé…

Sous couvert d’une gestion au plus près du terrain, le gouvernement entend poursuivre sa politique d’économies en matière d’inclusion par la mise en place des Pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL).

J.-M. Blanquer a annoncé le 18 juillet 2018 la mise en place des PIAL, avec plusieurs expérimentations par académie. Comme ses prédécesseur-es, au prétexte de l’école inclusive inscrite dans la loi de refondation Peillon, il souhaite une nouvelle logique de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

Le 14 février 2019, dans la loi « pour une école de la défiance », Blanquer consacre dans le code de l’éducation « la création des PIAL, expérimentés depuis la rentrée 2018 dans toutes les académies ». Ils seront déployés dans tous les collèges avec ULIS à la rentrée 2019. Ceux-ci « coordonneront les moyens humains dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap au sein des écoles et établissements de l’enseignement public et privé sous contrat ». Le PIAL fait le choix de déplacer « le focus de la compensation vers celui de l’organisation pédagogique » en renforçant le poids du projet d’établissement et en annonçant une présence plus forte des accompagnant-es des élèves en situation de handicap (AESH).

Le déplacement de la compensation est une menace pour les décisions prises en équipes pluriprofessionnelles après l’avis de la MDPH. Sous couvert d’inclusion, l’élève serait à temps plein à l’école, au collège ou au lycée, et ce, quel que soit son handicap. Les temps partagés entre établissements et services médico-sociaux (ESMS) et établissements scolaires seront limités voire supprimés. Les objectifs concernant l’externalisation des unités d’enseignement concernent 50 % des élèves scolarisés en ESMS pour la rentrée 2020 et 80 % en 2022.

Concurrence et mise sous tutelle

Une fois encore, un ministre – avec le ministère de la Santé – souhaite faire de l’école son propre recours au détriment d’une scolarisation réussie pour l’élève en situation de handicap, d’une classe apaisée avec de bonnes conditions de travail et d’apprentissages.

En renforçant le projet d’établissement, le PIAL met de fait les enseignant-es sous tutelle du principal-e ou de l’inspecteur-trice. Cela crée aussi une concurrence entre les établissements et/ou les écoles pour l’obtention des moyens.

Enfin, pour les AESH, si leur place est affirmée, le PIAL est une menace pour leurs conditions de travail et d’emploi : rationalisation de leur temps de travail avec le risque de multiples accompagnements avec des handicaps différents, poids de la hiérarchie locale encore plus fort, déplacements d’une école à l’autre qui deviennent des obligations, etc. Nous sommes très loin d’une amélioration de leurs conditions de travail.

Les PIAL sont donc une mauvaise réponse à la question de la scolarisation des élèves en situation de handicap. Ils permettent de s’attaquer encore plus aux enseignant-es de l’adaptation et de la spécialisation scolaires. Les postes de professeur-es des écoles en établissements n’ont plus de raison d’être. Les collègues dans les classes ordinaires auront à temps plein les élèves alors que l’absence de formation continue et de moyens rend alors la gestion de la classe difficile, voire insupportable, malgré le travail effectué et la volonté d’adapter les apprentissages. Depuis la loi Peillon, sous couvert d’inclusion, les enseignements adapté et spécialisé sont devenus les variables d’ajustements des politiques éducatives. Nous devons nous opposer collectivement à cette dérive et renforcer ces enseignements qui permettent une scolarisation de qualité pour des élèves qui ont besoin de pédagogie adaptée.

Quelles solutions pour une scolarisation réussie ?

Une scolarisation réussie des élèves en situation de handicap passe par les enseignant-es spécialisé-es, leurs savoir-faire et leur professionnalité. Les équipes pluriprofessionnelles et la diversité des prises en charge (établissements, structures, dispositifs) doivent être conservées.

La réussite se situe aussi dans une formation spécialisée de tou-tes les intervenant-es qui renforce la pratique pédagogique et la spécialisation, plutôt que dans un CAPPEI (Certificat d’Aptitude Professionnelle aux Pratiques de l’Éducation Inclusive) fourre-tout éloigné des réalités de terrain.

Elle passe aussi par une baisse drastique des effectifs par classe permettant aux enseignant-es de travailler sereinement ainsi que par des temps de concertation et de préparation clairement définis. Enfin, le rôle des AESH dans la scolarisation des élèves doit être reconnu : création d’un véritable métier, un statut de la Fonction publique, une amélioration des conditions de travail et de salaire et une réelle formation professionnelle.

Bernard Valin