Emilie Moreau : hiérarchie et inégalités renforcées par le projet d’évaluation des enseignant-es

Le ministère ouvre dans le cadre de PPCR une réforme de l’évaluation des enseignant-es.
L’inspection actuell

e est infantilisante et largement rejetée par nos collègues, pour autant la réforme à venir n’est pas exempte de critiques.

Si on peut noter quelques aspects qui peuvent être vécus comme positifs :
– un soulagement pour les enseignant-es, car il ne subsisterait plus que trois visites obligatoires,
– une petite avancée avec un quasi-lissage de la carrière sur le rythme du choix actuel pour toutes et tous.
Ne nous y trompons pas, si elle est mise en place, cette réforme aggravera la dérive managériale de l’inspection et marquera un renforcement du poids de la hiérarchie dans les inégalités de déroulement de carrière.

Actuellement la carrière se déroule selon 3 rythmes d’avancement, créant d’importantes inégalités salariales. La réforme fait disparaître ces trois rythmes. Mais des inégalités vont perdurer puisque le ministère a souhaité maintenir des avancements différenciés aux 6ème et 8ème échelons où seul-es 30% des enseignant-es bénéficieraient d’une accélération d’avancement d’un an.

Plusieurs points doivent nous interroger :

Est-il possible de déterminer 30% d’enseignant-es très « méritant-es » sans définir un volume d’enseignant-es promouvables par département puis par circonscriptions ? Pourtant attribuer à chaque IEN un contingent de promotion reviendrait à accroître son pouvoir managérial en lui donnant la possibilité de favoriser certain-es enseignant-es.

Et la méthode d’évaluation retenue par le ministère va dans le même sens : un rendez-vous de carrière avec une visite de classe préparée par un bilan professionnel écrit pousserait les enseignant-es à une autopromotion sans limites. Il s’agira alors d’être le/la meilleur-e enseignant-e de sa circonscription, en tout cas le/la plus en vue. Cette mise en concurrence des collègues est inadmissible et aura des conséquences néfastes sur le travail d’équipe.

Ce bilan professionnel se veut un outil de préparation mais il pourrait très vite remplacer l’inspection pour être comme dans les entreprises l’objet de l’entretien professionnel où la mission de l’enseignant-e ne serait plus de faire réussir ses élèves mais de savoir « se vendre » auprès du patron.
Le fait que cet entretien soit cadré et mette en lumière tout un tas d’activités hors la classe mais aussi la projection dans une carrière, dans d’autres fonctions que celle d’enseigner sont autant de marqueurs de la culture RH bien éloignée de l’égalité et d’un bon fonctionnement du service public.
Ce que Chatel a voulu faire avec la réforme avortée de l’évaluation, ce gouvernement le fait avec l’entretien professionnel. Il sera facile à la droite revenue aux affaires de donner de plus en plus de place à l’entretien jusqu’à ce que l’inspection en elle-même disparaisse.

Les promotions sont actuellement traitées en CAPD avec un contrôle des délégué-es du personnel et des critères transparents (note, AGS). Qu’en sera-t-il avec la réforme ? Comment s’assurer de l’absence de favoritisme ? Comment départager des collègues si l’AGS disparaît du barème des deux premiers rendez-vous de carrière ?

Vient ensuite l’accès pour toutes et tous à la hors classe. C’est en tout cas le principe énoncé dans le protocole PPCR mais en pratique sans l’instauration d’un barème favorisant les enseignant-es dans le dernier échelon de la classe normale ni un accroissement conséquent du flux de passage, ce principe ne sera pas réalisé pour les nombreux-ses enseignant-es des écoles en fin de carrière.

De plus, le moment où interviendrait cette promotion va créer de fortes inégalités : il sera possible d’être promu dès la deuxième année passée dans le 9ème échelon, mais certain-es collègues devront attendre jusqu’à la 3ème année du 11ème échelon. Ce différentiel, jusqu’à 9 années, est totalement inacceptable…

Je ne reviendrai pas sur le troisième grade, réservé à une petite élite, 10% du corps et seulement 2% pour l’échelon spécial. Cette classe exceptionnelle est un pur outil de management qui créerait des différences salariales énormes, 7 000€ nets annuel entre un-e enseignant-e terminant sa carrière en fin de hors classe et un-e autre la terminant à la classe exceptionnelle.

Il nous faut nous opposer à ce projet qui renforce le poids de la hiérarchie, remplace la note par un bilan professionnel et limite le poids des CAPD et du contrôle paritaire dans le déroulement de carrière.