Ni rapport Reiss, ni statu quo !

Le rapport du député UMP Reiss (commande de Fillon) s’inscrit dans la continuité des réformes engagées depuis la loi de 2005, dans la droite ligne de la RGPP et dans le cadre d’une austérité budgétaire sans précédent.

Le rapport s’ouvre sur une critique d’une école primaire qui serait incapable de faire réussir les élèves malgré une « hausse ininterrompue de l’effort financier »[[La France consacre à l’école primaire 15 % de moins que la moyenne des pays de l’OCDE (Rapport annuel de l’OCDE repris notamment par la Cour des comptes).Traduit en masse salariale (la quasi-totalité du budget est de la masse salariale), la remise à niveau correspondrait à environ 45 000 enseignants supplémentaires.]].Il se conclut par l’urgente nécessité de transformer la structure de l’école et de créer des chefs d’établissements dans le 1er degré… Il incite à multiplier les regroupements d’écoles et à les rendre obligatoires pour les petites écoles. Ces regroupements avec directeur, conseil d’école et conseil des maîtres uniques pourraient concerner plusieurs écoles d’une même commune. Les enseignants seraient nommés sur le regroupement et non sur une école. On voit comment ils pourraient constituer une étape avant leur transformation en « établissements publics » tout en permettant, d’ores et déjà, des suppressions massives d’emplois par la globalisation des effectifs qui en découlerait.

Etablissement public du primaire

Déplorant que l’expérimentation d’EPEP [[EPEP : Etablissement public d’enseignement primaire.]], prévue dans la loi du 13 août 2004 n’ait eu lieu, Reiss demande qu’elle soit lancée sans attendre. Rebaptisés E2P (établissement public du primaire), cela concernerait les écoles de 14 classes et plus. Le conseil d’administration (CA) serait composé du directeur, d’un tiers d’enseignants, d’un tiers d’élus et d’un tiers de parents. Le rapport propose d’écarter le directeur de la présidence du CA, et donc de fait d’en confier la responsabilité à un élu.

Des directeurs d’école managers

Pour Reiss, « le directeur n’occupe pas une fonction mais exerce un métier à part entière : il convient d’en tirer les conséquences en terme de ressources humaines » : plan de carrière, revalorisation indemnitaire, statut juridique… « Représentant de l’Etat dans l’école », il aurait autorité sur les enseignants pour mettre en œuvre les réformes et injonctions ministérielles et administratives. Consulté par l’IEN lors des évaluations des enseignants, il recruterait les EVS et les enseignants vacataires et donnerait son avis sur les nominations dans « certains établissements ». « Leader pédagogique » dont il faudrait évaluer la « performance de cadre », il serait détaché dans le corps des personnels de direction ou dans un emploi fonctionnel.
Le rapport recommande, particulièrement en milieu rural, la mise en place d’ « écoles du socle commun », c’est-à-dire le rattachement de plusieurs écoles au collège du secteur, conduisant à une véritable mise sous tutelle de l’école primaire.
Il se prononce également pour un « pacte éducatif entre l’Etat et les collectivités » afin « de mieux faire entrer les communes dans l’école ». Rappelant que les écarts de dotation entre écoles sont considérables, il refuse pourtant toute péréquation pour compenser les inégalités territoriales et aider les communes les plus démunies. Au contraire, les financements supplémentaires doivent être subordonnés à « l’esprit d’entreprendre et l’aide aux bonnes initiatives »…

Banaliser ce rapport ?

Ne voir « qu’un rapport de plus » serait irresponsable ! Ce serait oublier que depuis plusieurs années, rapports (OCDE, HCE, institut Montaigne, Attali), textes, propositions de loi (loi du 13 août 2004, proposition de loi Apparu, Geoffroy et Reiss 2008) et déclarations politiques (convention UMP) se sont multipliés pour faire des directeurs d’école des chefs d’établissement et des écoles des établissements autonomes.
Pour les libéraux, ces transformations sont des leviers essentiels pour caporaliser l’école primaire et développer concurrence et marché scolaires dans le premier degré. Aujourd’hui, le ministère n’attend plus que l’opportunité politique pour avancer sur ce terrain.

Mener la bataille idéologique

Il faut tordre le cou à cette affirmation selon laquelle les difficultés de l’école seraient liées à l’absence de chef et d’autonomie. Malgré des réformes réactionnaires qui ont balayé un certain nombre d’organisations collectives de travail, avec toujours moins de moyens, le modèle d’organisation collective de l’école publique française, où le directeur est un simple primus inter pares, fonctionne. Scolarisant tous les élèves sans distinction, l’école publique soutient très avantageusement la comparaison avec les établissements autonomes et hiérarchisés de l’enseignement privé confessionnel [[Les établissements privés scolarisent moins d’élèves handicapés ou issus de l’immigration, mais davantage de jeunes appartenant aux catégories sociales « favorisées » ou « très favorisées  » avec une sous-représentation des élèves issus des catégories sociales « défavorisées ». Cela se traduit par 2.5 à 3 fois plus de boursiers dans le public que dans le privé. Eddy KHALDI – Co auteur de Main basse sur l’Ecole publique 2008.]]. _ En rester là n’est plus possible.
Il est de la responsabilité du SNUipp d’engager une campagne de mobilisation s’adressant à l’ensemble des personnels, qui articule des exigences immédiates pour améliorer la direction et le fonctionnement de l’école (temps et moyens supplémentaires pour la direction et l’équipe, aide administrative pérenne…) avec son projet de transformation démocratique qu’il faut urgemment remettre sur le métier. [( Extraits des mandats du congrès du SNUipp de juin 2010 Le SNUipp rejette tout projet qui diviserait la profession en conférant au directeur un statut et un rôle hiérarchique (…) La création des EPEP, qui serait associée à la remise en cause de la carte scolaire, ouvrirait la voie à la concurrence entre écoles et serait un jalon supplémentaire de la construction d’un marché scolaire. (…) Le SNUipp réaffirme son opposition à tout statut des écoles qui mettrait ces dernières sous la tutelle des collectivités locales, qui ouvrirait la possibilité de recruter des personnels précaires (…).
Le SNUipp se prononce pour un renforcement du pilotage des écoles par le conseil des maîtres, pour un fonctionnement démocratique capable de concevoir, élaborer, et décider collectivement.
Les missions de la direction d’école doivent être priorisées et recentrées autour de tâches indispensables en lien direct avec la vie de l’école et au service des élèves.
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