Blandine Turki : L’école d’après dans le monde d’après

Le doute plane. La situation sanitaire nous inquiète, nous ne savons pas vers quoi nous allons, de quoi demain sera fait. Mais Blanquer, lui, n’a aucun doute : il ne tient pas compte de la situation exceptionnelle de cette rentrée si perturbée, il persiste dans sa politique, assène que les évaluations standardisées sont une solution à la situation.

Il en profite pour renforcer le travail prescrit en publiant des documents sur Eduscol, où il s’arrange avec les programmes officiels et guide les enseignant.es dans la voie d’étranglement que sont ses fondamentaux . Aucun doute non plus sur qui est visé par cette politique éducative : les enfants issus des classes populaires qui en sont les premières victimes. Ce sont eux qui sont évincés le plus tôt des filières dites d’excellence. Ce sont eux à qui on refuse d’abord l’ensemble des savoirs nécessaires à une vie émancipée en société. Avec ce durcissement, cet enfermement de nos pratiques pour qu’elles participent de l’augmentation des inégalités scolaires, c’est notre démocratie tout entière qui est en danger.

Notre système éducatif est astreint à une obligation de moyens afin de lutter contre l’échec scolaire, et contre les inégalités. Mais rien n’a été débloqué suite à l’ébranlement qu’a subi l’éducation nationale, le choix a été délibéré de ne pas se préoccuper de la situation. Le trop faible volume de création de postes dans le premier degré n’a rien résolu et il reste toujours 1300 places non pourvues au concours. A cette situation exceptionnelle, ils ont proposé des moyens au rabais.

Nous le voyons, tant sur la question des moyens que sur celle de l’orientation du système éducatif, il y a affrontement. Nous sommes les principaux opposant.es à Blanquer, c’est pourquoi il nous faut poursuivre notre campagne de conviction, auprès des collègues et auprès des parents. Il ne faut pas abandonner cette idée là en cette rentrée, ne pas laisser le virus nous empêcher de réagir, de s’opposer, de construire. En ce sens, la participation assez mesurée à la campagne contre les évaluations nationales ne doit pas être analysée comme une fin de non-recevoir de la profession à la mobilisation. Elle signe où elle en est dans sa capacité à prendre en charge collectivement l’affrontement à Blanquer. Notre bataille contre les évaluations est juste et nous avons eu raison de proposer un outil pour s’y opposer.

Même si les résultats ne sont pas ceux escomptés, le syndicat doit rester moteur et proposer, toujours, des analyses, des outils, des actions qui permettent aux collègues de s’opposer. C’est à nous d’ouvrir les possibles, de faire campagne pour que la résistance à Blanquer soit le fait de toutes et tous. Et la période du budget devra en être un moment central.

La façon de concevoir l’école ne peut plus attendre. Une école démocratique est possible, basée sur d’autres fondamentaux, qui permettrait aux enseignant.es de conserver leur place de concepteur-trice de leur métier. Il nous faut un nouvel élan, une campagne au long court qui porte cette école de demain, qui alerte, construise avec les collègues, avec les familles. Pour nous, il n’y a aucun doute non plus : l’école de demain se construit maintenant.

Portons notre contre-projet rassembleur et non-excluant : opposons le collectif de travail à l’individualisation des apprentissages ; revendiquons notre pouvoir d’agir, notre professionnalité et refusons la mise sous tutelle ; opposons les collectifs de réflexion et de travail, la liberté pédagogique au travail prescrit et à la prolétarisation de notre métier. Blanquer ne doute pas, mais nous, ne doutons pas de notre force.