Intervention de Cécile Ropiteaux : la violence d’État

Violence sociale et répression brutale

Lors de la campagne électorale, Macron s’est érigé en rempart contre l’extrême droite. Cette supercherie est d’autant plus flagrante que les derniers mois ont montré combien le libéralisme économique peut aller de pair avec des dérives autoritaires, avec des politiques anti-sociales et racistes. Le but du projet néolibéral, c’est d’en finir avec les conquêtes sociales et démocratiques du XXe siècle. Les inégalités se creusent, les biens communs et les richesses produites par les travailleur-es sont détournés au profit des plus riches, et les classes dominantes ayant de plus en plus de mal à convaincre du bien-fondé des politiques menées ont recours à tout l’attirail répressif pour faire taire la contestation, discréditer le mouvement social et dissuader de manifester.
Arrestations arbitraires, justice expéditive, entraves au travail des journalistes, charges ciblées contre des syndicalistes, humiliations de lycéen-nes, stratégie de l’affrontement lors des manifestations, nassages, matraquages, usage sans retenue de LBD et de gaz lacrymogènes, véritables armes de guerre, violences policières et impunité des forces de l’ordre malgré des blessures graves et des mutilations… Le bilan est lourd, notamment chez les Gilets jaunes, en « gueules cassées », en vies abimées.

Il ne s’agit pas de bavures individuelles, mais bien d’un dispositif pensé, orchestré, qui relève d’un choix assumé du pouvoir.

Des mots pour nommer les maux et repenser l’action syndicale

Nos réflexes militants ne sont pas toujours ajustés à ce nouvel état des choses. Le retard pris par le syndicalisme sur certains sujets, tant au niveau de l’analyse que de l’action, autrefois sur les inégalités et les violences faites aux femmes, aujourd’hui sur la violence d’état, doit nous interpeler, notamment dans la nécessaire lutte contre le racisme.

Cette violence d’État, elle n’est pas nouvelle, elle a seulement élargi de façon très visible son champ d’action au mouvement social. Les habitant-es des quartiers populaires, souvent issu-es de la colonisation, la subissent depuis longtemps : violences policières, contrôles au faciès, mais aussi inégalités d’accès à l’emploi, au logement, discriminations, ils et elles sont traité-es en citoyen-nes de seconde zone.

Là encore il nous faut faire les constats au plus près de la réalité, et les qualifier avec des mots précis ; employer les mots justes, ceux de la sociologie, ainsi que le vocabulaire militant des personnes concernées, qui nomment elles-mêmes les oppressions qu’elles subissent. Patriarcat, racisme systémique et institutionnel, antisémitisme, islamophobie, dont les femmes sont particulièrement victimes, négrophobie, romophobie, n’ayons pas peur de ces mots, ils ont toute légitimité pour désigner les maux à combattre.
Caractériser les différentes formes de dominations est primordial, dans un souci de visibilité, et afin de mieux comprendre la mécanique raciste, pour mieux la combattre. Rappelons que le sexisme et le racisme sont des modes de gestion du capitalisme.
Il est important pour les personnes racisé-es, collègues, parents usager-es, que le syndicalisme prenne en compte leurs luttes, comme il est important de défendre les camarades subissant la répression.

En un mot, engageons-nous pour l’égalité !

Engageons-nous dans le forum syndical antiraciste qui est en train de se construire, comme nous le faisons dans l’intersyndicale femmes ou dans celle contre l’extrême droite.
Engageons-nous dans les Observatoires locaux des libertés publiques et de la répression.
Engageons-nous pour dénoncer les violences et les injustices, les reculs démocratiques mais aussi pour visibiliser les résistances, pour les droits et les libertés.
Engageons-nous pour une réaction syndicale forte, des initiatives unitaires larges, des campagnes d’opinion, pour aller vers un front du refus de la brutalisation de l’État.

Dans cette société fracturée, dans laquelle les divisions ne profitent qu’aux classes dominantes, il est urgent de reconstruire des ponts afin de créer le rapport de forces nécessaire pour imposer une société plus juste, plus solidaire et plus égalitaire.