Palestine : l’inhumanité au jour le jour

Au sein d’une délégation syndicale militante d’Île-de-France (FSU, CGT, FO, Solidaires), nous nous sommes rendus en Palestine en novembre dernier. Paysan-nes, syndicalistes ou membres d’associations, les femmes et les hommes que nous avons rencontré-es nous ont demandé de témoigner à notre retour de leur conditions de vies, de leur lutte pour continuer à exister en tant que Palestinien-nes. Ce qui prédomine, c’est la sensation d’oppression, la police armée, le mur, les miradors, les barbelés, les check-points, etc…

Bassima, infirmière et ambulancière à Jérusalem, a mis fin à ses études pour apporter des soins dans les camps de réfugié-es. Après que son frère et sa sœur ont été gravement blessé-es par des balles explosives lors de la première intifada. Pour exercer, elle a dû obtenir une certification, accessible seulement aux Israélien-nes ou aux Palestinien-nes possédant la carte de résident-e de Jérusalem. Elle fut la seule Palestinienne de sa promotion à décrocher ce fameux sésame. Les Palestinien-nes ont développé leur propre système d’urgences car en cas d’affrontements, les ambulances israéliennes mettent beaucoup de temps à arriver, avec souvent des militaires à leur bord, et le risque pour les militant-es de finir en prison.

Bassima, originaire de Bethléem, obtient une carte de résidente à Jérusalem après son mariage. Elle fait partie de la minorité (14%) des femmes palestiniennes officiellement actives bien qu’elles soient très nombreuses à travailler dans le secteur informel. Avec ses collègues, elle se battent pour assurer leurs interventions, régulièrement empêchées par la police. En 2017, les soldats viennent confisquer le corps d’un martyr décédé à l’hôpital palestinien situé sur le Mont des oliviers. Bassima s’interpose et est frappée dans le dos :trois vertèbres touchées ! Le corps a finalement pu être conservé et enterré par les Palestinien-nes. Le droit à la santé et à la sécurité n’existe pas pour cette partie de la population.

Dua’a nous explique que militer syndicalement en Cisjordanie est particulièrement difficile. L’autorité palestinienne freinant la création des syndicats sur les lieux de travail. L’enjeu, avant tout : mobiliser les jeunes pour la liberté d’expression et les droits syndicaux. 80% des travailleur-es palestinien-nes travaillent sans que la loi du travail ne leur soit applicable. Les patrons ne déclarent que 9 jours d’exercice par mois pour rester en dessous du minimum exigible et ne pas verser les cotisations. Qui ne sont d’ailleurs pas reversées aux travailleur-ses, mais confisquées par le syndicat israélien Histadrout, auquel il est obligatoire d’adhérer et de verser 1% de son salaire, sans aucune contrepartie pour les Palestinien-nes. 36% gagnent moins que le salaire minimum déjà très insuffisant pour vivre dignement, 26% de la population est au chômage en Cisjordanie, 60% à Gaza. Celles et ceux qui travaillent de l’autre côté du Mur doivent payer jusqu’à 900 shekels à la mafia qui délivre les permis, et attendre des heures aux check-points et pour travailler côté israélien.

Vivre en Palestine, c’est lutter chaque jour pour y rester. Ibrahim, président de l’association des producteurs agricoles de la région de Bethléem, est confronté aux colons qui détruisent son matériel ou se baignent nus dans ses bassins d’irrigation. Ils ont construit d’immenses cités-dortoirs sur les collines qui encerclent la vallée où poussent ses oliviers. Les paysan-nes doivent se battre pour l’accès à l’eau, que s’octroient les colons. Les colonies sont desservies en eau courante, alors que les palestinien-nes doivent être pourvu-es de réservoirs sur les toits pour stocker l’eau fournie avec parcimonie quelques heures toutes les 3 semaines !

Ayet Tamimi, l’une de ces Palestinien-nes qui lutte pour conserver son village est connue pour avoir giflé un soldat dans la cour de sa maison. Elle a fêté son 17ème anniversaire en prison. Son village Nabi Saleh fait face au harcèlement permanent des colons, de l’armée. Résultat : de nombreux blessé-es, voire des morts parmi les enfants.

Impossible de livrer les témoignages de tous les militant-es, israélien-nes (responsable du PC Israélien, De-Colonizer – association de la gauche antisioniste israélienne) ou palestinien-nes (responsable de la campagne BDS) qui nous ont reçu-es, mais tou-tes ont dénoncé la politique d’Apartheid qui discrimine une population, certains responsables politiques visant le nettoyage ethnique pour la conquête du « Grand Israël ». Malgré la difficulté, nos interlocuteurs-trices, n’en déplaise au gouvernement français et à tous les lanceurs de haine, ont été très clair-es : leur combat ne vise pas les Juifs mais le sionisme en tant qu’idéologie menant à cette politique coloniale et raciste.

Pierre Lafrance (94) et Romain Gentner (93)