Antoine Chauvel : Mener le combat idéologique contre l’extrême-droite

Le 24 avril 2017, au lendemain du premier tour des élections présidentielles, la FSU dans son communiqué « pas une voix pour le Front National » déclarait fort justement : « Le vote Front national n’est pas la solution pour répondre aux crises et difficultés que connaît notre société. Nous sommes toutes et tous concerné-es. Pas de vote pour le Front national ! » En toute indépendance des partis donc mais une expression hautement politique néanmoins : l’extrême droite est l’ennemi mortel du monde du travail, ennemi de notre camp social.
La droitisation du champ politique sur les questions migratoires et de libertés fondamentales est un élément politique marquant des 20 dernières années en France, comme en Europe : l’ordre libéral qui la domine depuis plus de 30 ans a besoin pour asseoir son pouvoir de diviser celles et ceux, salarié-es, chômeur-euses, retraité-es qui ont des intérêts communs.

Bien qu’Emmanuel Macron ait été dépeint comme « libéral » également sur les questions de société, lui et son ministre de l’Intérieur Gérard Collomb mènent clairement des politiques réactionnaires, sécuritaires et xénophobes. Rappelons par exemple que le directeur de cabinet du ministre, Stéphane Frattaci, était Secrétaire Général du Ministère de l’immigration, l’intégration et de l’identité nationale. Et aussi le préfet qui avait expulsé Leonarda.

Ce qui était propre à l’extrême droite avant-hier, assumé par la droite hier se retrouve donc aujourd’hui En Marche et au pouvoir.

La récente loi asile immigration, condamnée sans réserve par la totalité des associations d’aides aux migrant-es, en est l’expression la plus flagrante : réduction de la durée des procédures au détriment des demandeur-euses, réduction des possibilités de recours, ces mêmes recours qui ne seront plus suspensifs, enfermement en centre de rétention qui passe de 45 à 145 jours et où les mineur-es pourront toujours être retenu-es… Oui, on pourra se souvenir de ce gouvernement comme celui qui aggrave l’enfermement des enfants.
Et tout cela alors que le nombre de demandes d’asiles s’avère plus de deux fois moins important qu’au moment des boat people que l’on avait pourtant accueillis à bras ouverts. Que ce sont moins de 40.000 réfugié-es que la France a accueilli-es en 2017 soit 1 réfugié-e pour 1500 habitant-es et aussi 5 fois moins que l’Allemagne qui a une population supérieure de seulement 1 fois et demi.

Et malgré cette réalité implacable des chiffres, l’extrême-droite et la droite extrême hurlent que ce serait déjà trop, au point de faire passer Collomb et son texte pour modérés. Portés par ce vent xénophobe et islamophobe qui souffle sur l’Europe, ces bonnets blancs et blanc bonnets de la haine et de l’inhumanité se sentent pousser des ailes. Des ailes qui emmènent certain-es d’entre elles-eux jusqu’au sommet des alpes où, comme de sinistres milices d’un autre temps, ils entendent se substituer aux forces de police qui n’ont pourtant pas besoin qu’on les aide dans cette tâche qu’ils-elles accomplissent avec zèle.
Et les condamnations du Ministre ? Ne les cherchons pas. Pour lui ce ne sont que des « gesticulations » sans importance… Nous aimerions tant que Cedric Herou et tou-tes les solidaires bénéficient de la même clémence.

C’est donc bien un combat des consciences qu’il advient de mener, un combat idéologique car il n’y a aucune justification à ce que les migrant-es vivent sur nos trottoirs, dans nos centres de rétention. Il n’y a aucune justification à ce que ces gamins soient privés d’école et d’une vie normale.

Quand on énumère tout cela, on peut raisonnablement se dire que notre tâche est, de ce point de vue, immense. Et pourtant, il ne pourra pas y avoir de victoire sociale s’il y a des défaites démocratiques. Il n’y aura pas de victoire des salarié-es si le climat raciste, islamophobe continue de grandir. Il ne peut y avoir de victoire de notre camp s’il n’est pas uni.

Et c’est bien dans l’unité que beaucoup de sections agissent déjà. Ces regroupements qui unissent militant-es non encarté-es, associations, parti politiques et syndicats ont comme nom RESF, collectif migrant-es, solidarité réfugié-es, soutien asile ou d’autres encore. Ils évoluent avec le temps, en fonction des urgences, des besoins. Il y a aussi, les actions de soutien auprès des collègues qui se retrouvent face à des élèves et des familles menacées d’expulsion.

A la veille de la réunion nationale des états généraux des migrations qui se tiendront ce week-end, il est indispensable que nous soyons toutes et tous convaincu-es par ces deux impératifs : s’assurer que partout en France aucune situation administrative n’empêche un enfant d’aller à l’école, et mener le combat idéologique nécessaire pour inverser cette tendance qui embrunit notre atmosphère.