Collège : autonomie et éclatement du cadre national

Si l’on se réfère au dossier de presse de rentrée, J.M. Blanquer a sa vision de l’organisation du système éducatif : le primaire doit remplir les « promesses de la République », à savoir enseigner les « fondamentaux » (« lire, écrire, compter, respecter autrui ») et le secondaire doit permettre à chaque élève de trouver et de cultiver son « talent ». Tout ceci dans la « bienveillance » : mot utilisé ici pour masquer l’absence d’un projet collectif pour l’ensemble d’une classe d’âge. Nulle question de culture commune et de scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans, chère à l’ÉÉ et à la FSU. Notre vision ambitieuse, qu’il qualifie d’« égalitariste », est exécrée par notre nouveau ministre. La « bienveillance s’entend ici comme une adaptation du parcours de chaque élève à « ses aptitudes ».

Les références du ministre ne sont pas bien neuves : il s’agit toujours de la théorie des «talents », si chère au patronat.

Il n’est pas encore question de sélectionner les élèves à l’entrée au collège pour les envoyer dans la section la plus « adaptée » à leur profil, la ficelle serait trop grosse en calquant les modèles du passé, mais la logique est là, avec un modèle tout aussi inégalitaire et ségrégatif mais plus conforme à la marche actuelle du capitalisme.

C’est dans les vieux pots autoritaires qu’on fait les vieilles soupes inégalitaires

Comment s’y prendre pour adapter les parcours aux prétendus besoins individuels des élèves ? En permettant à chaque établissement de coller au plus près aux « réalités locales », répond le ministère. Premier acte : détricoter la toute nouvelle réforme du collège en laissant les collèges utiliser à leur guise les moyens « non fléchés » des dotations horaires (3h par division).

Plus d’autonomie pour permettre à chaque chef d’établissement de mener sa barque comme il lui plaît. Ainsi les choix, téléguidés par les difficultés rencontrées par les équipes, se résumeront souvent à bricoler : ici 2h d’AP pour remédier aux difficultés en français, là-bas une bi-langue ou du latin à 2h hebdo pour le « rayonnement » de l’établissement. Ou encore un « EPI » dans lequel entre aux forceps un projet pédagogique préexistant à la réforme du collège. Les DHG très contraintes et les choix locaux donneront à chaque établissement une physionomie qui déterminera déjà pour les familles ce qu’il est en capacité « d’offrir » à leurs enfants. Collège des fondamentaux et des savoir-être pour les uns, collège de l’exigence intellectuelle et de la culture pour les autres : nouvelle recette pour une vielle cuisine ségrégative.

Un projet cohérent et planifié

Deuxième acte. Pour parachever l’éclatement du cadre national des enseignements au collège, il est nécessaire de mettre au pas les professeur·e·s, trop attaché·e·s à leur discipline et à l’enseignement de programmes nationaux. Ainsi, glissé à L’Obs du 24/08/17: le recrutement des enseignants par les chef.e.s d’établissement (CE) est une vieille idée chère aux tenants du « nouveau management public ». Il prétend vouloir constituer des équipes soudées et motivées autour de projets d’établissement innovants et attractifs. Affichage bling-bling qui cache les conséquences réelles d’une telle politique : désertion des établissements isolés et/ou difficiles par les professeur·e·es, isolement des personnels face à leur chef, absence de perspective de combats syndicaux, bien plus difficiles à mener localement que nationalement. De plus, si c’était le ou la CE qui recrutait, ce serait aussi elle ou lui qui mettrait fin au contrat ! Mettant ainsi les enseignants et la scolarité à la merci des pressions locales diverses : politiques, parents d’élèves…

Au-delà des questions statutaires pour les personnels, ces mesures signifieront la fin du service public d’éducation.

Eclatement du cadre national, autonomie des chef.e.s d’établissement : le collège que veut mettre en place JM Blanquer est donc bien un collège libéral et réactionnaire. Le SNES, avec la FSU, doivent prendre la mesure de la gravité des mesures annoncées et préparer dès à présent les personnels à de durs combats face à ces politiques.

[/Clément Lefèvre, Loïc Saint-Martin/]