Contribution de l’ÉÉ à l’entrée du CDFN (mai 2016)

« Ce qui compte aujourd’hui, le problème qui barre l’horizon, c’est la nécessité d’une redistribution des richesses.
L’humanité, sous peine d’en être ébranlée, devra répondre à cette question. (…)
Le choix d’un régime tout entier tourné vers l’ensemble du peuple, basé sur le principe que l’homme est le bien le plus précieux, nous permettra d’aller plus vite, plus harmonieusement, rendant de ce fait impossible cette caricature de société où quelques-uns détiennent l’ensemble des pouvoirs économiques et politiques au mépris de la totalité nationale »[[Frantz Fanon : les damnés de la terre]]

Nous vivons bien un des grands mouvements sociaux qui, quelle qu’en soit l’issue, marquent le paysage social et politique pour longtemps.
Motivé par le rejet du projet de loi Travail, agression caractérisée contre les salarié-es, ce mouvement est animé plus largement par la quête d’une véritable justice sociale, le refus de l’inégalité de pouvoir entre le capital et le travail, de la déshumanisation du travail, et de l’oppression que subit la majeure partie de la population. Le recours au 49-3, déni de démocratie et abus de pouvoir méprisant et violent de la part du gouvernement, résume à lui seul les injustices contre lesquelles s’élève la population aujourd’hui. La force de ce mouvement réside dans sa détermination et sa durée (près de trois mois depuis le 9 mars, ce n’est pas rien), dans son rythme soutenu et régulier (7 journées d’action), dans son périmètre interprofessionnel (c’est le mouvement interpro le plus puissant sous un gouvernement de « gauche ») et son unité intersyndicale, dans l’adhésion qu’il rencontre auprès de l’opinion publique (75% de la population opposés au projet de loi Travail)…
Sans occulter les limites du mouvement (mobilisation qui ne « prend pas » dans la Fonction publique, recul de la participation de la jeunesse, …), ce qu’il faut retenir avant tout, c’est qu’il s’agit là d’un « sursaut » que nous attendions depuis des mois, et qui témoigne de la volonté de la population et des organisations syndicales de sortir du marasme qui pesait jusque-là. Le pays n’avait pas connu de puissant mouvement social depuis 2010, contre la réforme des retraites ; pourtant les raisons de s’indigner, les régressions sociales s’étaient succédé, sans que cela ne déclenche une légitime révolte.
C’est dire toute l’importance du changement intervenu avec la mobilisation sur la loi Travail. Qu’il s’agisse de la vie sociale ou de la vie politique, les syndicats occupent maintenant l’espace, par une mobilisation à visée politique, c’est-à-dire dirigée directement contre le gouvernement : le mouvement ouvrier est de retour.
La réalité sociale et politique du pays s’énonce à nouveau en termes de lutte des classes. Cela témoigne aussi du fait que la colère contre ce gouvernement est profonde et ancrée.
La crise politique engendrée par ce projet de loi (rejet des parlementaires, pléthore d’amendements, motions de censure, puis recours au 49-3) n’est pas sans lien, évidemment, avec l’énergie contestataire libérée par cette mobilisation exceptionnelle. Enfin, ce mouvement a permis aussi l’émergence d’autres formes de mobilisation, notamment Nuit Debout qui témoigne d’une volonté de reprendre la main sur la « chose politique », de repenser les formes de démocratie, de s’approprier le débat public.
Nuit Debout est un mouvement inédit qui compte et prend une place importante dans le mouvement social : il s’étend – au-delà de Paris, des Nuit Debout fleurissent ça et là en province, et à l’étranger – et comprend des « participant-es » plus ou moins actifs ou assidus, mais toutes et tous très concernés, et extrêmement nombreux ; les réseaux sociaux et les formes traditionnelles de médiatisation de cet événement lui ont donné un écho dans la population ; face à l’état actuel de désolation dans laquelle se démènent les différents partis politiques, les Nuit Debout représentent bien l’incarnation d’une population qui cherche à faire vivre un véritable mouvement de gauche. C’est un mouvement qui regroupe une partie de la jeunesse, qui « fabrique » certain-es des militant-es qui pèseront sur les politiques à venir : au-delà d’un regard spectateur bienveillant, il faut au contraire y participer ou tout de moins y apporter une attention toute particulière. Oeuvrer à unir les forces de ce mouvement à celles du mouvement syndical peut permettre d’amorcer un élan plus large de transformation sociale. Lire la suite dans le fichier joint.

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