MANIFESTE EE 2002

Vous avez ci-dessous le Manifeste de l’EE. Ce texte a été écrit en mars 2002, puis adopté en décembre de la même année. Ce Manifeste, nécessairement marqué par la date de son écriture, a néanmoins la prétention de présenter la synthèse de notre démarche et de tracer des perspectives pour l’Ecole émancipée. Depuis cette période, le mouvement social a subi une série de défaites. Avec la mobilisation contre la loi Travail, il a relevé la tête sans, pour le moment, avoir retourné la situation. Les perspectives d’une alternative radicalement émancipée sont encore lointaines, les défis pour le syndicalisme restent impressionnants et la construction d’un courant syndical radical et coordonné au sein d’un mouvement syndical de masse que l’on souhaite unitaire et pluraliste est toujours nécessaire. L’équipe responsable Le 19 octobre 2016

Sommaire :
– Préambule
– Pour un autre monde, l’enjeu d’une transformation sociale
– Pour une autre École fondée sur une exigence d’égalité sociale
– Une responsabilité majeure du syndicalisme : Impulser les luttes
– Ce que veut porter l’EE
– Une orientation alternative
– Des chantiers nécessaires Préambule Le syndicalisme en France semble aujourd’hui en panne. C’est un syndicalisme divisé, en grande panne, désorienté du point de vue de la transformation sociale quand il n’y a pas renoncé, bien souvent incapable d’être à l’initiative d’un mouvement social à la hauteur des défis que nous impose le « nouveau capitalisme » du 21ème siècle. Le 21e siècle a commencé avec la chute du mur de Berlin. Cette entrée dans un nouveau monde approfondit la crise du mouvement ouvrier qui se trouve obligé de refonder ses perspectives de transformation de la société, ses références traditionnelles ne sont plus opérantes pour offrir l’image d’un futur anticapitaliste. Cela est vrai pour le mouvement syndical. Cette situation se vérifie aussi dans le syndicalisme de l’éducation. L’école émancipée, courant syndical issu de la mouvance syndicaliste révolutionnaire, constitutive du syndicalisme français, est restée tout au long de l’histoire du syndicalisme de l’éducation, attachée à un syndicalisme de masse, unitaire et pluraliste, anti-bureaucratique. C’est pourquoi nous avons largement fait le choix après l’éclatement de la FEN en 1992, de participer à la reconstruction d’un nouveau cadre syndical, la FSU, afin de limiter l’éparpillement des forces syndicales. Mais, en période de scission, vouloir forger un outil unitaire ne pouvait signifier gommer les différences d’approches (d’orientations syndicales). Et nous maintenant comme tendance syndicale de la FSU, nous voulons contribuer à l’orienter – dans la mesure de notre capacité – en défendant et élaborant une orientation alternative qui renoue avec des pratiques syndicales capables non seulement d’organiser la résistance, mais aussi de construire des alternatives à un monde dominé par un libéralisme parfois mâtiné de social, qui fait la part belle aux profits fondés sur l’exploitation du monde du travail au Nord comme au Sud. Moins que jamais, nous nous résignerions à un syndicalisme de l’éducation replié sur lui-même, hors de tout cadre (de toute dynamique interprofessionnelle). Le mouvement syndical doit être refondé pour garantir son renouvellement nécessaire ainsi que celui de ses équipes syndicales, il doit tisser des liens avec toutes les nouvelles formes de radicalité sur les terrains professionnels comme sociétaux (avec le mouvement associatif, les « sans », ATTAC, …) L’EE veut participer de cette refondation d’ensemble qui transgressera les frontières syndicales actuelles. Elle veut aussi construire un mouvement social à l’échelle de l’Europe pour pérenniser et développer les conquêtes sociales et l’élargissement des droits. L’Ecole est un des domaines où les contradictions sociales sont les plus vives. L’aspiration à poursuivre des études, à maîtriser son avenir et comprendre le monde qui nous entoure, à une intégration au marché du travail fondée sur une meilleure reconnaissance des diplômes notamment, se heurtent non seulement à un marché du travail hyper sélectif mais aussi à une conception politique régressive des services publics : des services publics moins onéreux pour l’Etat, avec des financements éclatés, à la merci des appétits du marché pour les « créneaux » les plus rentables, de plus en plus réduits à la gestion de la « cohésion sociale ». Il y a nécessité et urgence, dans ce domaine aussi, au développement d’un mouvement social d’ampleur, capable de bousculer les choix gestionnaires et/ou soumis aux exigences du capitalisme dominateur. Le syndicalisme ne peut ignorer ces réalités s’il a la volonté d’œuvrer à une transformation sociale, et pas seulement plus ou moins bien résister à la pression des marchés et à la logique libérale. A ce titre, il y a forcément complémentarité entre la défense intransigeante et quotidienne de chaque salarié et les luttes collectives qui bousculent le cadre de l’action quotidienne. La décennie passée a vu grandir l’aspiration au « tous ensemble » dans de nombreux secteurs d’activités. 1995 à propos de la protection sociale, la grande manifestation laïque de 1994 comme le mouvement de la Seine St-Denis, du Gard et de l’Hérault, de Loire Atlantique pour l’éducation ces dernières années, l’irruption du mouvement anti-mondialisation montrent qu’il y a une disponibilité pour un tel mouvement social. Il est de la responsabilité du syndicalisme d’y prendre sa part, d’en prendre même l’initiative en démontrant sa capacité à entraîner non seulement ses propres adhérents mais aussi à nouer des alliances avec d’autres forces sociales beaucoup plus qu’il ne l’a fait jusqu’à maintenant.

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Pour un autre monde (L’enjeu d’une transformation sociale) La domination américaine et sa prétention à diriger le monde, amplifiées depuis la chute du mur de Berlin, se sont encore renforcées au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Mais celles-ci s’inscrivent dans la continuité d’un marché hyper dominateur, à l’image du comportement du FMI ou des négociations de l’OMC : tout ce qui entrave le marché doit être supprimé, la loi du plus fort doit pouvoir s’exercer, et si un minimum de régulation sociale doit être préservée, c’est en vue d’éviter que les tensions sociales n’en viennent à menacer l’ordre social. Le Sud est évidemment largement victime d’une telle organisation du monde, le capital des pays du Nord l’utilisant largement pour « tirer vers le bas » toute référence à des règles sociales jusque sur leur propre territoire, et rendre inopérantes les références à la justice sociale. De même, le rapport à la Nature, donc à l’environnement de l’Homme, est complètement soumis aux prétentions de valorisation du capital (jusqu’à l’homme lui-même avec la brevetabilité du vivant). L’attitude des États-Unis en ce domaine est tout à fait révélateur d’un mépris du marché à l’égard de cette dimension pourtant essentielle. Le refus de signer les accords de Kyoto en est illustratif. L’internationalisme aujourd’hui se retrouve dans le développement du mouvement anti-mondialisation ainsi que dans le mouvement anti-guerre, l’engagement du mouvement syndical en leur sein, les activités permanentes de solidarités internationalistes, il demeure une composante essentielle de l’activité syndicale que l’EE veut contribuer à faire prendre en charge sans relâche. – L’Europe, parce que constituée de pays qui ne manquent pas d’atouts dans le cadre de la concurrence internationale, s’inscrit dans cette organisation du monde, espérant tirer les marrons du feu pour les secteurs où ils sont les plus concurrentiels. Mais le poids économique et militaire américain se fait sentir très nettement dans les négociations multilatérales, les États-Unis exigeant que leur domination ne soit pas écornée. L’Europe économique est très avancée dans un tel contexte, l’Europe politique connaît des faiblesses démocratiques extrêmement prononcées affaiblissant d’ailleurs sa légitimité, et l’Europe sociale est la dernière roue du carrosse. La place de la régulation sociale, à laquelle participent les services publics, est doublement contrainte par les appétits du marché pour s’octroyer de nouvelles activités à leur détriment et par les réticences du marché à la financer. – La France, au-delà des cohabitations, s’inscrit pleinement dans la construction de cette Europe « sociale-libérale ». C’est ainsi que l’Etat tend de plus en plus à être exclusivement l’outil de mise en place des exigences du capitalisme. L’approche des services publics est marquée par la privatisation de secteurs entiers – parce que jugés rentables – par des engagements financiers de l’Etat qui n’assurent plus à eux seuls le fonctionnement des services, par une contractualisation quasi systématique de son organisation interne comme de ses relations avec ses partenaires. – Plus généralement, la politique de l’emploi, sous la pression du chômage, la politique salariale, le traitement de la RTT, la remise en cause de la protection sociale imposent- ou devraient imposer – au syndicalisme de porter une dynamique revendicative unificatrice, une lutte résolue pour le partage du travail à travers la réduction du temps de travail qui garantisse un emploi pour tous avec un revenu décent, le développement d’une protection sociale qui assure une couverture collective des risques du travail et de la vie ( santé, accident, chômage, vieillesse,…) Ces exigences recouvraient l’anticapitalisme d’aujourd’hui, qui veut – doit – poser les jalons d’une organisation de la société fondée sur l’égalité sociale. Cette aspiration devrait être portée par le syndicalisme, elle est radicalement antinomique avec l’organisation sociale sous domination du marché caractéristique du capitalisme.

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Pour une autre École fondée sur une exigence d’égalité sociale Les effets de cette organisation sociale se font lourdement sentir sur l’École et l’éducation en général. L’École est au cœur de pressions et demandes contradictoires. Pressions et demandes contradictoires du point de vue de la demande sociale, mais aussi pressions et demandes contradictoires quant à l’organisation du service public. Nous récusons ainsi l’approche de l’École comme étant le seul produit de l’activité d’enseignement, dont on pourrait extraire et privatiser toutes les missions concomitantes. Au contraire, nous sommes attachés à celle d’un service public associant dans son fonctionnement une diversité de missions, sur la base d’une conception élargie de l’éducation, attachement renforcé par l’évolution de la crise sociale et des effets sur l’école. C’est le sens de notre volonté d’œuvrer à l’existence d’équipes éducatives associant l’ensemble des personnels. – Les entreprises veulent de L’École qu’elle forme une main d’œuvre plutôt qualifiée, ayant intégrée les nouvelles valeurs de l’entreprise (flexibilité, précarité, adaptabilité, docilité,…) et triée sur la base des hiérarchies sociales qu’elles organisent. Dans le même temps, elles ne veulent pas avoir à assurer la reconnaissance des qualifications ainsi acquises, ni même le financement du système éducatif et font pression sur l’État pour « contenir » les dépenses publiques. Quant au marché « mondialisé », il ne cache pas ses appétits pour des parties du système éducatif qui lui semblent rentables. – La demande sociale des élèves et parents d’élèves exprime une forte aspiration à la poursuite d’études et à la réussite scolaire, contribuant à légitimer une progression des dépenses publiques. Mais en même temps, cette demande sociale reste traversée de contradictions liées pour une grande part aux différentes places dans la hiérarchie sociale occupée par les parents, favorisant dans certains cas l’aspiration à une école égalitaire comme en 1994 contre la révision de la loi Falloux, mais aussi des pressions dites « consuméristes » à l’égard de L’école, qui avivent les tensions pour que se développe un dualisme scolaire lourdement ségrégatif au sein de l’école publique elle-même. – L’École est elle-même le théâtre de dispositifs de ségrégation souvent traités au niveau local ou des territoires renvoyant ainsi aux personnels et aux usagers l’image de leurs propres impuissances. C’est ainsi que les personnels de l’éducation, largement porteurs d’une démocratisation de l’école, subissent aussi des pressions contradictoires liées aux tensions vives qui traversent l’Ecole et la société. C’est pourquoi les débats autour des pratiques professionnelles et pédagogiques demeurent plus que jamais d’actualité, – Au nom d’une « Europe de la formation », une refonte importante de secteurs entiers de la formation (lycées professionnels, enseignement supérieur,…) est engagée pour faciliter leur marchandisation. Cette refonte conduit souvent à remettre en cause les diplômes et leur reconnaissance, en tant que reconnaissance collective, au nom d’une reconnaissance limitée aux parcours individuels. – Enfin, l’État, qui prétend répondre à la demande sociale des « citoyens » pour asseoir sa légitimité, a pour l’essentiel mené une politique d’accompagnement des logiques libérales et les a même souvent organisées. Ainsi, à travers la construction européenne, la poursuite de la décentralisation, la réforme de l’Etat, le service public d’éducation, comme d’autres services publics, est soumis à des réorganisations profondes conduisant à un éclatement de son fonctionnement et au développement de logiques concurrentielles. La contractualisation, avec par exemple, le développement des partenariats d’une part, et du financement sur « projets » d’autre part, en est un des moteurs essentiels qui débouche notamment sur une hiérarchisation accentuée et renouvelée des services qui s’exerce à rencontre des salariés et du service public. Il est de la responsabilité du syndicalisme de prendre en compte ces réalités avec la volonté de les transformer. D’autant qu’à travers les questions scolaires, c’est la question de l’avenir de la jeunesse qui est posée. Ainsi, les menaces récurrentes sur l’ordonnance de 45 dans le cas de la protection judiciaire de la jeunesse témoignent d’un rapport à la jeunesse qui n’a pas grand-chose à voir avec son émancipation mais bien au contraire son « formatage » à travers l’éducation réduite à la formation et le choix de la répression contre la jeunesse en difficulté plutôt que celui de l’éducation,

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Une responsabilité majeure du syndicalisme : Impulser les luttes Le syndicalisme n’est pas le seul acteur des transformations sociales. Il doit se concevoir comme une des composantes du mouvement social à construire et à développer pour que le monde change, enfin. Il doit se réapproprier son ambition historique de transformation sociale en l’assumant et pour cela en l’inscrivant dans ses projets qui le lie à chaque salarié avec la volonté d’assurer son indépendance syndicale. Les remises en cause sont globales et cohérentes, la réponse du syndicalisme doit l’être aussi. De même ses modalités d’action, tout en restant fondées sur la recherche de mobilisations massives, doivent évoluer en intégrant des réactions plus « symboliques » et radicales focalisant ainsi sur l’organisation collective sa capacité à modifier les rapports de force et de ce fait à être alternative. – Sa première responsabilité est de savoir organiser les résistances dans chacun des milieux professionnels où il intervient, résistances qui pour être pleinement efficaces doivent s’inscrire dans des dynamiques interprofessionnelles et/ou de construction d’un mouvement social plus vaste. II faudra pour cela que le syndicalisme soit en capacité, pour transformer les habitudes du milieu, de s’appuyer aussi sur les franges les plus radicales. – L’expérience des luttes sociales de ces dernières années atteste que l’auto-organisation, avec l’appui du mouvement syndical, est un gage de massivité et de développement de ces luttes. Les tentatives d’auto-organisation que l’on a pu observer et que l’EE encourage révèlent pour partie une défiance à l’égard des organisations syndicales, notamment chez les jeunes enseignants. En même temps, une grande partie des personnels participant aux processus d’auto-organisation souhaitent qu’y participent activement les syndicats, en premier lieu ceux de la FSU, afin que soit renforcée l’unité et l’efficacité du mouvement en même temps que sa démocratie. De même, c’est le plus souvent grâce à ces luttes que la perspective d’une alternative sociale se renforce, qu’elle entraîne au-delà des franges les plus mobilisées, et qu’elle rend crédible une démarche revendicative ordinairement jugé irréaliste. De la capacité du syndicalisme à se mettre au service de ces luttes sociales naît un renforcement de sa crédibilité .et de ses forces. Tout ce qui permet aux salariés de s’impliquer, de décider des formes et de la conduite de leurs luttes, de l’élaboration des plates-formes revendicatives redonne son sens aux aspirations démocratiques et à la confiance collective. – Or force est de reconnaître que le syndicalisme a de grandes faiblesses en ce domaine. Ce qu’exprime et explique tout à la fois la faible syndicalisation, notamment parmi les jeunes et les femmes, son état de division y compris en termes d’unité d’action, sa faible capacité d’impulsion. Particulièrement vive dans le secteur privé, ces faiblesses se retrouvent aussi dans le syndicalisme de la fonction publique. – En effet, il est frappant d’observer la relative impuissance du syndicalisme de la FP sur les questions aussi importantes que la précarité, les salaires, les retraites, la réduction du temps de travail, la conception des services publics ou encore les remises en cause progressive des garanties acquises dans le statut de la FP. – Loin de justifier les logiques d’un syndicalisme autonome, qui serait replié sur des seules logiques professionnelles prenant alors une dimension corporatiste, cette réalité impose au contraire de renouer le fil d’un syndicalisme unitaire, pluraliste, interprofessionnel. C’est la seule voie empruntable si l’on ne veut pas que s’accélère encore un peu plus la fragmentation du syndicalisme. – Face à une Europe capitaliste imposant la précarité, l’éclatement des statuts, la disparition des services publics, il est urgent de promouvoir des pratiques syndicales à l’échelle européenne, au niveau de l’action comme au niveau d’une réflexion commune. Il faut que le mouvement syndical contribue pleinement à construire l’indispensable mouvement social européen. – Mais une des difficultés de la situation est qu’une telle approche doit aussi combiner un ancrage professionnel important (la question du contenu et des formes du travail est vécue comme une question essentielle par les salariés). Et dans le domaine des services publics, le syndicalisme doit démontrer qu’il prend en compte de façon décisive les besoins sociaux que ces services doivent satisfaire. – L’éducation le démontre amplement La défense de l’École avec la volonté de la transformer, si elle doit s’appuyer sur des dynamiques professionnelles que peuvent porter les personnels, ne peut déboucher durablement si elle ne s’élargit pas au-delà. C’est bien l’enjeu du développement d’un grand mouvement social autour de l’École associant les forces syndicales, des courants pédagogiques, des parents d’élèves comme cela a été initié dans les grands mouvements de Seine St-Denis, du Gard, de l’Hérault, de Loire Atlantique ou du mouvement laïque de janvier 1994. – Dans le même esprit, la participation dynamique du syndicalisme dans le mouvement contre la mondialisation libérale est un enjeu d’importance pour les années à venir. Ce que veut porter l’EE :Pour nous, militants de l’École émancipée, l’orientation que nous défendons n’a de sens que si elle permet d’engager les personnels dans l’action collective. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, nous concevons notre engagement comme celui d’un courant syndical partie constituante d’un syndicalisme de masse, unitaire, pluraliste et démocratique, qui se réfère à la nécessité de transformer le monde au-delà des marges que le capitalisme veut bien concéder.
Mais cet engagement dans la FSU ne peut pas se dissocier de notre volonté simultanée de construire un outil syndical capable de regrouper massivement les personnels et d’y défendre notre propre orientation syndicale.
De la même façon, notre engagement syndical est tout sauf un enfermement dans les limites d’un appareil syndical. Il est au contraire synonyme de volonté de nouer des liens avec tout ce qui peut être partie constitutive de ce qu’il est coutume d’appeler aujourd’hui les nouveaux mouvements sociaux. Comme de favoriser les liens, les confrontations qui contribuent à l’émergence d’une gauche syndicale.

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Une orientation alternative – L’orientation défendue par l’EE, ce sont avant tout des principes qui doivent nous permettre non pas de délimiter des références incantatoires et atemporelles mais au contraire d’agir comme militants syndicaux, de faire avancer le débat syndical et d’aborder les questions nouvelles auxquelles nous sommes tous les jours confrontés. Ses lignes de force (qui doivent être à chaque moment approfondies et adaptées aux réalités nouvelles) sont organisées autour des grands principes suivants :
l’ anticapitalisme : c’est-à-dire le refus de la dictature des lois du marché ; l’attachement à ce que l’organisation sociale soit te fruit d’une volonté politique démocratique, tenant compte des impératifs écologiques ; la perspective d’une, société « autogestionnaire » à construire aux antipodes du stalinisme et des dictatures bureaucratiques qui en sont issues ;
une perspective d’égalité sociale et donc d’unification des situations qui fonde notre anti-hiérarchie, notre approche critique des qualifications ;
le féminisme comme une des exigences essentielles d’égalité sociale, dimension d’égalité qui doit non seulement traverser toute notre démarche revendicative mais aussi nos pratiques sociales ;
l’enracinement de fonctions collectives dans une logique émancipatrice à l’encontre des logiques de reproduction sociale en particulier dans le domaine éducatif ;
la laïcité : valeur d’égalité et de respect, des consciences, qui fonde notre exigence de nationalisation laïque du privé confessionnel et patronal ;
une approche unifiée du refus de l’exploitation qui fonde notre démarche d’unité des salariés tant dans leur situation professionnelle que du point de vue des luttes sociales ;
la conviction que l’émancipation des exploités sera l’œuvre des exploités eux-mêmes, à travers leur auto-organisation et l’élaboration collective d’une alter native sociale ;
la conscience du fait que la bourgeoisie ne se laissera pas déposséder sans résistance et que c’est sur les luttes sociales (auto-organisées pour contrer les mainmises bureaucratiques) qu’il faut compter, ce qui induit sans doute une logique révolutionnaire ;
l’antimilitarisme, tant dans sa dimension de protection à l’égard de la bourgeoisie (voir tiret précédent) que celle du rejet des valeurs que porte le militarisme ;
l’attachement à la démocratie syndicale, dans le respect du libre débat d’orientation et sa reconnaissance à laquelle participe le droit de tendance, le droit d’expression des minorités pour faire état de leurs positions, le respect du vote des syndiqués, un fonctionnement syndical qui concoure à la réalisation des solidarités interprofessionnelles,… Cet énoncé, même réducteur, concentre cependant les éléments essentiels de notre approche et permet une grande diversité de points de vue. En portant le débat dans les instances syndicales, comme dans les luttes, nous cherchons à élargir et à renouveler les pratiques syndicales.

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Des chantiers nécessaires L’EE ne peut avoir la prétention à elle seule de fonder l’alternative sociale nécessaire. Nous nous concevons comme un regroupement militant et intellectuel, capable de réflexions sur notre propre secteur d’intervention dans l’éducation (sous toutes ses dimensions) et la protection judiciaire de la jeunesse mais aussi qui noue des liens avec tous les autres lieux de réflexion et d’action sur le plan syndical y compris interprofessionnel et extra syndical. Nous nous fixons pour la période à venir au moins quatre chantiers prioritaires d’actions et de réflexions, de confrontations : Le premier est celui de la mondialisation. Caractéristique de la période que nous traversons, nous n’avons pas épuisé le décodage des phénomènes sociaux, politiques, économiques que cela induit Ni les reconfigurations des formes de domination, ni les nouvelles expressions d’aspirations émancipatrices qui ne sauraient se ramener à la défense des États nations tels qu’ils ont dominé le monde jusqu’à maintenant. D’autant que la place des services publics dans ces débats risque fort d’être centrale. Chantier d’autant plus important que les luttes sociales sur ce terrain ne cessent de prendre de l’ampleur et semblent de nature à bousculer de façon heureuse les habitudes du mouvement ouvrier traditionnel. Le deuxième porte sur la place et la reconnaissance du travail salarié. Le 20ème siècle aura été marqué – dans les pays les plus industrialisés – par une reconnaissance progressive – même chaotique entre les guerres et les luttes sociales – du travail salarié avec la construction d’une logique statutaire autour de laquelle s’est forgée une certaine forme de reconnaissance sociale et des liens particuliers à la société. Cette construction sociale a été brutalement mise en cause par les années 80 avec le souffle glacé du libéralisme échevelé. Ce sont aujourd’hui de nouvelles formes de régulation sociale qui se construisent, marquées par le poids de la précarisation massive, l’affaiblissement des protections collectives, la déstructuration de nombreux espaces de régulation non marchande, l’abandon de référence même abstraite à l’égalité balayée par l’équité. Le rapport de l’activité humaine à la nature est de plus en plus menaçant, posant en des termes aigus la question environnementale. En même temps, la socialisation de la production reste dominante, la quantité des savoirs nécessaires à la réalisation de la production des biens ou des services ne cesse de s’accroître, la mobilité des salariés est indispensable à la pérennité de l’activité productive. Tout cela doit nous conduire à poser en des termes nouveaux la question de l’émancipation du travail salarié, tant en ce qui concerne l’activité de travail elle-même (quelle reconnaissance sociale des qualités du travail, quelle gestion/réduction du temps de travail,…) qu’en ce qui concerne la protection sociale. Le troisième nécessite d’aller plus loin sur l’analyse des réalités de l’institution scolaire, ce qui produit l’échec scolaire, les menaces d’éclatement et de privatisation du service public et de contribuer à l’émergence d’un véritable mouvement social sur l’École Des pressions contradictoires pèsent sur l’École : une forte demande sociale de formation mais un désinvestisse- ment d’une partie de la jeunesse qui vit l’échec et l’absence d’espoir social et professionnel ; un fort attachement au service public national d’éducation mais des pressions contradictoires locales, consuméristes, libérales ; une forte implication des personnels mais une crise aiguë de leur professionnalité renforcée par l’émergence de nouveaux « emplois » contractualisés ; une interrogation nouvelle des conditions d’apprentissage des élèves autour de fortes pressions à l’individualisation. Les réponses politiques apportées ces vingt dernières années n’ont pas pris la mesure de l’approfondissement de la crise scolaire et les ont situées dans le cadre de la compression des besoins sociaux et de la réduction des dépenses publiques. Changer d’échelle, aller dans le sens d’une École plus égalitaire supposent l’existence d’un mouvement social qui impose d’autres choix et décisions que des adaptations successives, qui les unes après les autres montrent leur inefficacité. Des mobilisations locales et massives des personnels et des familles (93, 30, 34, 44) se succèdent et posent les jalons de la construction d’un mouvement de dimension nationale. Le mouvement syndical devrait en faire sa priorité, en lien notamment avec tous ceux, mouvements pédagogiques, chercheurs en éducation, qui interrogent de plus en plus le développement des inégalités scolaires et sociales. Le quatrième concerne l’état actuel du syndicalisme, son rapport à l’autonomie et à l’interprofessionnel. Syndicalisme divisé, affaibli, faiblement présent dans la grande majorité du salariat, il n’en est pas moins reconnu comme un outil de défense immédiate tant par les entreprises – qui ne cessent de recourir à la répression syndicale – que par les salariés qui témoignent au moins épisodiquement de cette reconnaissance par leur suffrage. Cet état du syndicalisme affaiblit d’autant plus sa capacité à assumer son indépendance syndicale nécessaire, à se poser les questions syndicales dans leur dimension d’alternatives aux règles sociales en vigueur et encore plus sa capacité d’action sur ce terrain. Dans les premières années qui ont suivi sa création, la FSU, sur la base d’une critique du fonctionnement antérieur de la FEN, d’un contexte social favorable (Loi Falloux, puis décembre 95 par exemple), de l’élan de la création de la fédération, a pu conjurer ou pour le moins limiter les affrontements corporatistes internes. L’installation dans un syndicalisme majoritaire, l’isolement sur le plan interprofessionnel, le manque d’ambition pour renouer avec des pratiques interprofessionnelles, une certaine frilosité dans son engagement aux côtés des mouvements sociaux émergents conduit progressivement la FSU à renouer avec les syndromes de « l’autonomie provisoire ». Si la FSU conserve les références à un syndicalisme interprofessionnel dans lequel elle y trouverait sa place, elle reste profondément marquée par son héritage et des pratiques liées à l’autonomie, Ainsi, la FSU ne se donne guère les moyens – et le mouvement syndical en général ne cherche guère à lui en donner – de contribuer à dépasser l’état actuel de la division syndicale. Il nous semble indispensable que l’EE contribue par la qualité des relations qu’elle peut tisser dans le champ syndical, mais aussi par ses propositions, à mettre en œuvre des pratiques syndicales s’engageant sur le terrain d’un syndicalisme interprofessionnel. Parce que le chemin est semé d’embûches, il nous semble nécessaire d’ouvrir de façon plus volontaire ce chantier pour dégager des perspectives concrètes.

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