L’Université Populaire de Toulouse : au cœur des luttes et au croisement des idées

Un projet ancré dans l’histoire de la ville et de ses mobilisations

L’idée de mettre sur pied un lieu de débat, de formation et de confrontation occupait les esprits de ceux et celles qui ont créé l’UPT depuis longtemps.

Cet espace a d’ailleurs existé sous la forme d’une revue, « Collectif », créée au début des années 90 par des militant-e-s syndicalistes. Cet outil avait pour ambition la création d’un lieu d’échange et de confrontation des différentes pratiques à l’œuvre dans les syndicats et les mouvements sociaux (AC, le DAL, Ras le Front et divers comités de soutien à la lutte des peuples partout dans le Monde).

Lors de cette période de forte activité sur le terrain des luttes sociales, la capacité des différents courants politiques de gauche à confronter leurs pratiques et à échanger sans pour autant abandonner leurs convictions était avérée.

L’expérience de « Collectif » se terminera à la fin des années 90 via la construction d’oppositions syndicales (la FSU avait vu le jour, les syndicats SUD sortaient considérablement renforcés du mouvement de 1995). Il fallait alors inventer un nouveau cadre de débats.

Au travers de l’élection au Conseil Régional de militants de la gauche radicale, les années 90 se terminaient aussi sur ce que nous pensions être le début de la mise en œuvre du travail entrepris depuis des années : la combinaison des luttes sociales (dans les entreprises et la cité) et leur traduction politique au moment des élections.

Mais les désaccords entre listes lors des élections municipales de 2001 générèrent des tensions avec le mouvement associatif ; et la division issue de ces élections laissera des traces profondes et durables.

La dissociation, malheureusement habituelle, entre les activités électorales et les luttes sociales avait donc repris son cours.

Les forums sociaux, celui de Florence en Italie en particulier qui vit une participation massive de Toulousains, et ceux du Grand Sud, organisés à Toulouse, poursuivront d’une façon différente le travail commencé avec la revue « Collectif ».

Nous passions de la revue papier, organisant débats et confrontations avec des équipes militantes, à de grandes réunions publi­ques, à des ateliers de débats et de travail sur les sujets brûlants du moment.

Mais la division répandue lors de la séquence électorale de 2001 n’avait pas disparue. Elle nous rattrapa même et mit fin aux Forums Sociaux du Grand Sud.

Les mobilisations sociales de 2003 sur les retraites, de 2006 contre le CPE et surtout celle, de grande ampleur contre le TCE en 2005, ont remis au centre de nos préoccupations la nécessité de créer un lieu permanent de débats et de confrontations.

Sept thèmes pour penser le monde et agir sur lui

On l’aura compris, notre démarche est inséparable de l’activité sociale dans la ville.

Notre objectif n’a jamais été de créer une Université avec ses cours magistraux mais bien de créer un lieu d’échanges, de formation et de confrontations.

La mobilisation contre le TCE nous a montré qu’il y avait une vraie disponibilité des citoyens pour s’emparer d’un sujet important et pour mener à bien un projet clairement identifié. Mais l’après TCE nous a appris aussi que cette disponibilité s’essoufflait devant la division, quand les organisations se refermaient sur elles-mêmes et refusaient de confronter leurs idées et points de vue avec d’autres courants.

C’est fort des enseignements de ces différentes séquences et dans le contexte d’un mouvement social encore en effervescence avec quelques perspectives dans la gauche radicale que nous avons créé l’UPT en 2009.

Dans la présentation que nous en avons fait en 2009, nous décrivions ainsi les buts de l’UPT :

« L’association a pour objet d’initier, de favoriser et de stimuler tous échanges, débats et activités d’éducation populaire entre tous les hommes et les femmes qui s’inscrivent dans une logique de rupture et d’alternatives au capitalisme et au néolibéralisme.

Son activité s’inscrit dans une dynamique visant à la reconquête des espaces théoriques et pratiques indispensables à la définition des conditions dans lesquelles une société socialiste, écologique, féministe, laïque et démocratique pourrait voir le jour et durer. »

Il y a dans ce court texte :

➜ l’idée de la nécessité du débat et de la confrontation qui nous anime depuis le départ ;

➜ la clarification politique de notre démarche (rupture et alternative au capitalisme) ;

➜ le but de celle-ci à travers la reconquête des espaces théoriques et pratiques.

Les sept thématiques choisies par l’UPT lors de sa création (Économie politique – Internationalisme – Sciences et société – Individu et structures collectives – Questions de genres – Société et structures mentales – l’Histoire revisitée) sont l’expression des questions que nous voulons aborder lors des premières années de son fonctionnement.

Sur la base de ces sept thématiques, les initiatives de l’UPT, une cinquantaine de conférences au BIJOU (bar/salle de spectacle toulousain), des ciné/débats à UTOPIA, des cycles de formation/travail au local de la FSU et sa participation aux différents collectifs de mobilisation (Palestine, Collectif dette, Stop Tafta…) représentent les espaces théoriques et pratiques dont nous parlons plus haut.

Cependant, les débats et la confrontation, qui sont la clef pour faire vivre ces espaces et être dans une phase de reconquête, sont, eux, plus difficiles à faire émerger.

Un indispensable travail
de réarmement idéologique

Nous énonçons, dans le paragraphe précédent, quelques explications sur les réticences liées à l’histoire locale.

Il faut désormais rajouter deux explications supplémentaires aux difficultés rencontrées pour débattre et confronter les idées :

➜ la démobilisation profonde des citoyens, jeunes, salariés… et sa conséquence immédiate sur le rétrécissement numérique (recul des adhérents) et politique (repli sur soi) des outils collectifs de lutte (associations, syndicats, partis) ;

➜ l’air du temps, qui laisse penser qu’avec internet et les réseaux sociaux on peut en même temps tout savoir en temps réel et se passer de réunions car on peut, en un rien de temps, discuter avec des centaines de personnes (qu’on ne connaît pas la plupart du temps).

Les réseaux sociaux ont bien évidemment leur importance ; et l’UPT s’en sert bien et abondamment. Mais, pour autant, nous n’avons pas renoncé aux formes classiques de l’éducation populaire.

À titre d’exemple, on peut évoquer les révolutions du printemps arabe ; ceux qui ont finalement pris le pouvoir sont ceux qui, d’un bout à l’autre, ont utilisé les réseaux sociaux mais qui ont aussi parlé, beaucoup parlé, avec ceux et celles, l’immense majorité, qui ne les utilisaient pas.

Nous avons cherché dès le début et continuons à travailler en permanence avec des revues (comme Mouvements, Contretemps, Le Monde Diplomatique pour ne citer qu’eux) et des maisons d’édition ; et un partenariat est en cours avec la librairie Terra Nova. Nous avons aussi récemment mis en place sur le site de l’UPT (http://www.universitepopulairetoulouse.fr), une nouvelle rubrique d’interviews d’acteurs du mouvement social, d’artistes, de philosophes sur des questions d’actualité.

La création récente d’une antenne de la Fondation Copernic à Toulouse nous offre un nouvel espace de partenariat et la possibilité, à moyen terme, de travailler sur la rédaction de documents touchant à des problèmes locaux

Enfin, s’il y avait un fait important à signaler dans la dernière période, ce serait évidemment la proposition de l’UD-CGT 31, destinée à l’ensemble des composantes du mouvement social (syndicats, associations, partis), de travailler à la construction de mobilisations sur les questions essentielles du moment.

Cette démarche nous va bien, même très bien, car elle ressemble à ce à quoi nous travaillons depuis longtemps : construire des mobilisations fortes en allant à la reconquête des espaces théoriques et pratiques.

Pour autant, nous sentons bien la différence entre les périodes de la fin des années 1990 et 2000 et aujourd’hui. Mais nous ne sommes pas nostalgiques de ces années, comme d’autres le sont des trente glorieuses, au prétexte que c’était mieux avant…

Cependant, nous voyons bien la différence au travers de la confusion des idées et dans la superficialité des analyses qui rendent indispensable le travail de réarmement idéologique et pratique que nous initions au travers de l’UPT. ●

Propos recueillis par

Bernard Deswarte