C’est l’été, le jazz est là !

Les festivals de jazz sont légions. Chaque localité doit avoir le sien. Ils sont à durée variable.

Certains n’auront peut-être pas lieu. La grève des intermittents pourrait aussi passer par-là. Quel autre moyen de se faire entendre, pour faire aboutir des revendications pour non seulement survivre mais aussi faire vivre le spectacle vivant ?

La culture, de manière générale, est menacée par les politiques imbéciles d’austérité. Nous jouons gros. Il s’agit ni plus ni moins de mémoire, de créations soit une définition de notre humaine condition. Sans parler de la nécessaire transmission du patrimoine.

Le soleil réchauffera notre corps tout en ne rassurant pas notre raison. Pour autant, il ne faut pas bouder son plaisir et ses découvertes. Fréquenter les festivals permet de découvrir une localité en même temps que des musicien-nes.

Le jazz, on ne le souligne pas assez, sait se régénérer. Les jeunes femmes et hommes s’orientent vers le jazz. Le public ne l’a pas encore compris qui reste par trop chenu, mais, il ne faut pas désespérer, le renouvellement est en train de s’effectuer.

En ces temps de 70e anniversaire du débarquement, le festival de Souillac dans le Lot, surnommé « Sim Copans » en hommage au créateur des émissions de jazz à Paris Inter puis France Musique, France Culture, expose des photos qui rappellent son rôle dans le débarquement.

J’y serai à partir du 19 juillet pour dédicacer mon livre, « Le souffle de la liberté, 1944 : le jazz débarque » (C & F éditions) et y donner une conférence. S’y feront entendre le saxophoniste ténor le plus fou – c’est un compliment – Francesco Bearzatti et la chanteuse Youn Sun Nah, entre autres.

Comme tous les ans, je serai aussi à Crest (Drôme) pour parler, pendant une semaine, des « Femmes du jazz », du 1er au 9 août. Les musiciennes d’aujourd’hui ne se laissent pas ignorer. Airelle Besson, à la trompette – en résidence pour deux ans à Coutances -, Sophie Alour, Alexandra Grimal, Géraldine Laurent, Céline Bonacina aux saxophones, Anne Quillier au piano ou Anne Pacéo à la batterie pour en citer quelques-unes.

Un programme de découvertes avec comme invité d’honneur le trompettiste Médéric Collignon.

Une mention particulière pour Junas, festival cher à mon cœur, qui propose une rencontre avec… « Le cercle Arctique », du 23 au 26 juillet. Le Nord de l’Europe viendra contrebalancer la chaleur attendue.

Le « Nu Jazz », c’est le nom que les critiques lui ont donné, brillera de tous ses feux. Une mention spéciale pour le Fort Napoléon qui fait se succéder festival de musique latino, jazz, spectacles de rues… à partir du milieu de juillet.

Le périple pourrait commencer à Vienne et se terminer à Marciac. Ou, mieux encore, à Mulhouse. Il pourrait passer par Paris, les clubs participent à la fête et La Villette sait clore en beauté la saison.

Vienne et Marciac affichent quasiment les mêmes artistes. Il faut faire venir du public, la réussite appelle la réussite. Vienne a fait appel à Quincy Jones, arrangeur, chef d’orchestre, dont le nom est associé au succès (voir encart).

Marciac connaît une tendance au gonflement qui pourrait le faire exploser.

**Quelques concerts à ne pas manquer…

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Des chanteuses d’abord. Celle dont tout le monde parle et qui s’est produit à Jazz sous les Pommiers en cette fin du mois de mai, Cécile McLorin Salvant.

Elle n’imite personne à l’exception de Jeanne Lee, un gage d’originalité en ces périodes de mimétisme (à écouter, « Woman Child », EmArcy/Universal). Si elle arrive à se dépasser sur scène, ce sera la grande vocaliste de demain.

Elle sera, notamment et comme à peu près tout le monde, à Marciac.
Nikki Yanofsky est la nouvelle venue. Elle a choisi, pour le moment, l’éclectisme. Son album, Universal Jazz, « Little Secret », en fait la preuve.

Soul, disco, jazz, blues… tout se mélange. Elle bénéficie des conseils avisés de Quincy Jones. La référence évidente, Michaël Jackson.

Un chanteur, Gregory Porter. Une voix profonde qui porte toute la mémoire des cultures issues du gospel, des luttes pour les droits civiques.

Son dernier album « Liquid Spirit » fait la démonstration de son talent.
À la trompette, Ambrose Akinmusire fait beaucoup parler de lui. Son dernier album, « The imagined savior is far easier to paint » (Blue Note), « le sauveur imaginaire est beaucoup plus facile à peindre », un titre qui interroge sur la place de l’art et sa capacité à créer des mondes nouveaux. Une musique qui déroute, entre chants grégoriens, Purcell, Miles Davis, Coltrane, Wayne Shorter (du côté du saxophoniste Walter Smith), le free jazz désormais partie prenante de toutes les tentatives de renouvellement du jazz soit une partie de la mémoire du jazz.

Un jeu avec le passé, tous les passés. Il y manque un peu de cette flamme combative et revendicative qui fait les chefs d’œuvre. Comme si s’était perdu en chemin le souffle de la liberté.

Louis Sclavis et son trio, le pianiste Kirk Lightsey, Théo Ceccaldi, violon et son curieux trio – guitare et violoncelle – entre Terje Rypdal et la musique contemporaine, Michel Marre et sa trompette qui rendra hommage à Don Cherry, Thomas de Pourquery et son groupe Supersonic pour faire renaître Sun Ra – un grand moment si j’en crois sa prestation à Coutances et son album « Sun Ra Supersonic », Henri Texier, Didier Levallet et son quintet « Voix croisées » – à entendre son album chez Frémeaux et associés qui porte ce titre -, le percussionniste Edward Perraud, un spectacle à lui seul, l’ONJ qui étrenne son nouveau chef, le guitariste Olivier Benoît ainsi que, au milieu de beaucoup d’autres dont ceux et celles que je ne connais pas encore et qu’il faut aller découvrir, le saxophoniste soprano Emile Parisien en train de défrayer la chronique (à écouter son album en duo avec l’accordéoniste Vincent Peirani, « Belle Epoque », ACT/Harmonia Mundi).

Il ne faut pas hésiter à tenter l’aventure… ●

Nicolas Béniès.