RASED, des rapports… en attendant les moyens !

Cela faisait près de 20 ans que les personnels des Réseaux d’Aides Spécialisées aux Enfants en Difficulté (RASED) attendaient un rapport.

Ils en ont eu deux en 6 mois : un du Sénat en juillet, plutôt élogieux
et un de l’Inspection générale en janvier, plus nuancé.

Dans celui très attendu de janvier, les constats, plutôt pertinents, n’impactent pas les préconisations.

On y vante le travail des maîtres G, la dominante éducative des trois fonctions du RASED) et on s’étonne que ces derniers soient si peu sollicités… comme si leur disparition (- 47 % en 5 ans) n’avait pas eu d’effet sur leur présence dans les écoles !

De même, on reconnaît le saupoudrage des moyens alors que l’efficacité du maître E, la dominante pédagogique, se vérifie sur 2 écoles et s’amenuise au-delà de 6 ou 7.

Encore, on accuse les RASED de se couper de la classe alors qu’on préconise de les en éloigner un peu plus en désavouant les dispositifs en réseau et en antenne et en positionnant deux des acteurs, les « G » (rééducateurs) et les psychologues scolaires, à l’échelle de la circonscription pour ne traiter que les situations de crise… comme si ce n’était pas le manque de moyens qui créait les situations d’urgence !

**Agir contre la difficulté
scolaire… ou contre
les RASED ?

Depuis les années 80, l’Éducation nationale jette le discrédit sur les dispositifs spécialisés.

Les rapports Mingat en 1991, Gossot en 1996 et Ferrier en 1997 leur reprochent d’être à la lisière du thérapeutique et du pédagogique et de fonctionner en autonomie, de manière disparate. La défiance, encore prégnante, s’adresse plutôt aux maîtres G, voire aux psychologues, malgré une thèse favorable en 2004 (Gentili).

Seuls les maîtres E semblent avoir une légitimité à travailler quotidiennement auprès des élèves. Pour autant, l’Éducation nationale n’a jamais vraiment voulu reconnaître, là encore, leur spécificité, assimilant leur travail à une forme améliorée de « soutien ».

Le danger est grand cependant que leur fonction ne soit, comme celle des « G » et des « psys », diluée dans une expertise détournée de ses missions originelles.

Le ministère voudrait aujourd’hui, si les syndicats ne l’en empêchent pas, limiter les prérogatives des RASED. Et même si la parole institutionnelle se veut rassurante (c’est le côté « social » du libéralisme gouvernemental), on sent la volonté de détricoter le dispositif… poursuivant en cela le travail de déconstruction engagé par la droite.

**Des besoins particuliers…

Il n’est pas anodin que les rapporteurs, comme le gouvernement, s’inscrivent dans la stratégie « Europe 2020 », un programme qui succède au “processus de Lisbonne” dans la mise en place de la marchandisation du savoir, avec l’objectif de personnaliser, ou plutôt de fragmenter, les parcours scolaires, universitaire et professionnel.

La personnalisation s’opère à travers le prisme des « besoins éducatifs particuliers », un concept qui entretient la confusion entre handicap et difficulté scolaire depuis qu’il a été récupéré par le pouvoir médical, alors qu’il avait une acception très large à l’origine.

Ce concept jalonne le rapport ministériel et si les inspecteurs généraux distinguent grande difficulté et handicap au début, ils recommandent leur fusion à la fin du rapport.

**…à la médicalisation
de l’échec scolaire

Sous le prétexte fallacieux du respect des différences individuelles, il s’agit en fait d’imposer une logique de la « gestion des risques » dont les fondements répondent aux critères de la politique libérale de rationalisation des moyens.

Dans un article de 2011, Rochex et Frandji dénoncent « la dynamique d’estompement de la problématique des inégalités et la fragmentation des systèmes et des parcours éducatifs… ».

La « méta catégorie » des besoins éducatifs particuliers, poursuivent-ils, peut contenir une forme d’essentialisation, qui masque le lien profond entre échec scolaire et inégalités sociales, au-delà du caractère multidimensionnel de la difficulté scolaire derrière lequel se cachent désespérément les rapporteurs !

On ne peut que constater, avec la faiblesse des départs en formation RASED, que le retour des 5 000 postes supprimés depuis 2008 n’est pas au programme, malgré un accroissement scandaleux des inégalités scolaires (Pisa).

Les personnels attendaient du gouvernement socialiste un geste symbolique fort. Ils n’auront droit qu’à une injonction paradoxale : « Gérez la pénurie des moyens (budget 2014) mais obtenez des résultats face aux inégalités scolaires (circulaire de rentrée 2014) ! » ●

Pascal Prélorenzo