Nucléaire : qu’a changé Fukushima ?

Depuis le 11 mars dernier, le nucléaire est (re)devenu une question politique, dans la mesure où l’accident de Fukushima a mis en lumière l’ampleur
des dangers que faisait courir ce choix énergétique, et l’incapacité
des nucléocrates, fussent ceux d’une grande puissance économique
comme le Japon, à empêcher toute catastrophe. Chacun, dans le champ politique, syndical, industriel, économique, est dès lors conduit à se prononcer
sur le nucléaire et plus largement sur les politiques énergétiques actuelles. Cependant, alors qu’on aurait pu attendre une remise en cause profonde
de la prétendue sûreté nucléaire, les discours dominants se conjuguent
pour rassurer les populations inquiètes.

Au Japon, dix mois après le tsunami, les conséquences de la fusion partielle des trois réacteurs de la centrale de Fukushima ne sont toujours pas résolues. L’eau contaminée, pour celle qui ne s’est pas échappée vers l’océan ou les nappes phréatiques, demeure sur le site de la centrale, sans qu’on sache qu’en faire. Le combustible radioactif qui a fondu n’est pas localisé et menace de provoquer des dégagements de matières radioactives très dangereuses. La contamination autour de la centrale, dans un rayon assez large où vivent encore de nombreux Japonais, reste très importante. On voit se multiplier les cas de problèmes de santé graves, tandis que le gouvernement, d’un coté interdit la vente de riz et de l’autre, abaisse les normes de radioprotection, notamment pour les enfants.

En France, rien à craindre ?

Mais le Japon n’est pas la France et à en croire son cher président, celle-ci est à l’abri de tout problème. Le gouvernement a malgré tout été obligé de procéder à des stress-tests censés évaluer l’état et les capacités de résistance des centrales françaises. L’Agence de Sécurité Nucléaire (ASN) a rendu le 2 janvier un rapport qui fait le bilan de ces tests réalisés par les exploitants de centrales et dont l’indépendance d’esprit reste encore à prouver. Le rapport de l’ASN se veut rassurant puisqu’il n’envisage aucune fermeture de centrale, tant leur niveau de sûreté est suffisant. Mais pourtant, ce même rapport invite à augmenter dans les meilleurs délais la robustesse des centrales, de façon à ce qu’elles puissent faire face à des catastrophes extrêmes.

Alors, elles sont sûres ou pas, ces centrales ? Sachant qu’un certain nombre de risques, comme par exemple d’éventuels actes terroristes, des crashs d’avions ou ceux qui touchent plus particulièrement au transport de matières radioactives, ne sont pas pris en compte, ce rapport n’a pas de quoi rassurer. EDF est censé présenter dans les six prochains mois de nouveaux dispositifs pour sécuriser les centrales, ce qui est bien entendu nécessaire, mais va encore alourdir la facture publique due au nucléaire, faisant à nouveau mentir le mythe d’une énergie nucléaire à bon marché.

Où en est le débat politique ?

Alors que le faisceau des preuves de la dangerosité du nucléaire s’élargit, alors que différents scénarios de sortie du nucléaire sont élaborés, y compris en comparant les économies que permettrait la fin du nucléaire comparativement à sa poursuite (voir l’évaluation de Global Chance sur http://www.global-chance.org/spip.php?article259), le débat politique quant aux questions énergétiques révèle les tendances conservatrices des principaux candidats au pouvoir.

Coté UMP, pas de surprise, on continue comme avant, voire on accélère. Coté PS, le candidat Hollande s’affiche à nouveau comme un nucléocrate convaincu, peu gêné par l’éventuel accord gouvernemental avec Europe Ecologie-Les Verts. Car, de reculs en reculs, ces derniers finissent par avaliser une faible diminution de la part du nucléaire dans le bouquet énergétique français (50 % en 2025) et donc son maintien pour les prochaines décennies. Y compris sur l’autre dimension sensible du nucléaire, à savoir le militaire, Hollande s’inscrit dans la droite ligne des anciens présidents de la Vème République en maintenant l’arsenal nucléaire, garant du statut de grande puissance de la France.

Alors, 2012, l’année du changement ? En matière de politique énergétique et nucléaire, sûrement pas, si on s’en tient à faire confiance aux principaux présidentiables. Raison de plus pour passer la vitesse supérieure pour des luttes antinucléaires massives, notamment en préparant activement la chaîne humaine entre Lyon et Avignon le 11 mars prochain pour exiger la sortie du nucléaire. ●

Tristan Elias