Hongrie : le grand bond en arrière

Depuis 2010, le premier ministre Viktor Orbán donne un sérieux coup de barre à droite
dans la vie politique hongroise. Mais sa politique économique
lui vaut les remontrances
de l’Union européenne,
peu intéressée par les aspects
anti-démocratiques
du gouvernement hongrois.

En janvier 2011, la Hongrie prenait pour 6 mois la présidence de l’Union européenne, avec une loi sur la presse très autoritaire : la radio, la télévision et l’agence MTI sont dirigées par un Conseil, monopolisé par le FIDESZ (droite nationaliste). La dernière radio d’opposition, RadioKlub, a perdu sa fréquence.
En avril 2011, le Parlement (où 2/3 des sièges sont occupés par le FIDESZ et ses alliés) a approuvé une nouvelle Constitution. Se référant aux « valeurs chrétiennes », ce texte renoue avec l’esprit de la dictature national-conservatrice de l’amiral Miklós Horthy (1919-1944).

Une constitution réactionnaire

Quelques clauses éloquentes :

– Le terme « République » – dont l’instauration en 1945 fut contestée par la droite et la hiérarchie catholique, est remplacé par le terme « Hongrie » ; la cour suprême reprend son nom (Curie) d’avant 1918.

– Restriction du droit de vote pour les « personnes à capacité mentale limitée ».

– Définition de la famille comme « l’union d’un homme et d’une femme », sans référence aux couples non-mariés (hétéro- ou homosexuels) et aux familles monoparentales.

– Sécurité sociale pour les « personnes qui développent une activité utile à la communauté » : les indemnités de chômage ne sont versées qu’en échange de services rendus, un travail imposé pour une rémunération très inférieure au minimum vital.

– Un Conseil budgétaire (monopolisé par le FIDESZ) peut invalider le budget voté par le Parlement.

– Les trois adjoints du président de la Banque nationale sont nommés par le premier ministre.

– Les sans-abris sont passibles d’emprisonnement.

– Le taux unique de l’impôt sur le revenu est fixé à 16 %. La TVA passe de 25 % à 27 % pour les produits de première nécessité, le gaz et l’électricité.

– Le Parlement sera élu à un seul tour (scrutin de circonscription et scrutin proportionnel de liste). Avec ce système, le FIDESZ aurait gagné les élections de 2002 et 2006 et remportera vraisemblablement celles de 2014.

– Pourtant converti au social-libéralisme, le Parti socialiste hongrois (MSzP) – issu de l’ex-parti unique d’avant 1989 – est déclaré rétroactivement « coresponsable des crimes communistes jusqu’en 1989 » (ce qui rend possible des procédures judiciaires à son encontre, ou même son interdiction).

Pour Paul Gradvohl, maître de conférence à l’Université de Nancy II, le régime de Viktor Orbán ressemble à « la Hongrie horthyste de l’entre-deux guerres, un système autoritaire où l’opposition n’a aucune chance et qui s’abrite derrière des frustrations nationales pour maintenir une élite dépassée au pouvoir » (Le Monde, 3.1.2012). Au passage, notons que le FIDESZ, est membre du Parti populaire européen (PPE), groupe le plus important du Parlement européen (auquel appartiennent notamment l’UMP française, la CDU-CSU allemande ou le PP espagnol).

L’Union européenne critique surtout les mesures économiques de Viktor Orbán : nationalisation des fonds de pensions privés, taxes sur certaines banques étrangères ou grandes chaînes de distribution, déficit budgétaire, non-autonomie de la banque nationale hongroise.

Comme le relève Gaspar Miklós Tamás, animateur du parti Zöld Baloldal (Gauche Verte), « M. Orbán, qui parle d’une “société fondée sur le travail”, a officiellement sonné le glas de l’Etat-providence. En cela, il ne se distingue pas de la plupart des dirigeants occidentaux, qui pousseraient pourtant des cris d’orfraie si on comparaît leurs conceptions aux siennes. Le premier ministre hongrois est simplement plus franc et plus cohérent qu’eux » (Le Monde Diplomatique, n° 695, février 2012).

Y aura-t-il une alternative de gauche au gouvernement de Viktor Orbán ? Ou celui-ci pourrait-il tomber suite aux pressions de l’Union européenne ? L’opposition hongroise (partis politiques, société civile) est confrontée à un défi important. Pourra-t-elle le relever ? ●

Hans-Peter Renk,
journal « solidaritéS » (Suisse)

Sources :

– Gaspar Miklós Tamas, « Hongrie, laboratoire d’une nouvelle droite », Le Monde Diplomatique,
n° 695, février 2012.

– Vincze Szabo, « Hongrie : bienvenue en Orbanistan ! », www.legrandsoir.info/

– Judit Morva, « Hungria, la lucha entre el capital nacional y el extranjero », Mundo Obrero, février 2012, www.rebelion.org-

– Site (en français) : www.hu-lala.org