Droit du travail à la casse

Précarisation du contrat de travail, remise en cause du droit de grève, corsetage du dialogue social,
la gauche de gouvernement doit rompre avec l’héritage Sarkozy et répondre aux exigences
du mouvement social et syndical.

Il faut d’abord replacer ce bilan dans la période des 10 ans de gouvernements de droite depuis 2002. Cette période, pourtant précédée par l’échec de l’offensive libérale sur le CPE, a été marquée par d’importants reculs, dont dont celui sur la hiérarchie des normes par la loi Fillon de 2004. L’ample victoire de 2007 va permettre à Sarkozy de reprendre une offensive tous terrains : contrat de travail, durée du travail, hiérarchie de normes, droit de grève, droit syndical.

Détaillons en quelques aspects. Elu pour mettre en place le contrat unique de travail, Sarkozy va déboucher sur la rupture conventionnelle du contrat de travail, sans toucher ni aux CDD ni à l’intérim.

Ce dispositif habile constitue une régression majeure : est avalisée la possibilité pour un employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié avec son accord sans avoir à motiver la rupture d’une quelconque façon. On sait ce qu’il faut penser de l’accord du salarié, souvent placé dans une situation où il n’a guère le choix.

Le triomphe de la flexibilité

De fait, quatre ans après, on dénombre des centaines de milliers de ruptures conventionnelles de contrats de travail. Dans le lot figurent beaucoup de licenciements économiques masqués. Il s’agit donc d’un outil de flexibilité majeur et très efficace. Sur la hiérarchie des normes, le quinquennat s’achève sur une mise en cause frontale qui parachève les régressions de la loi Fillon de 2004 : la loi Warsmann du 22 mars 2012 permet à un employeur d’appliquer un accord de modulation du temps de travail sans recueillir l’avis exprès de chaque salarié. Le contrat de travail plus favorable ne protège plus contre l’accord moins favorable. Il faut aussi citer les multiples coups de sabre contre la durée légale de 35H et l’extension du travail du dimanche.

Le droit de grève entravé

Avec un acharnement révélateur que le droit de grève ne constitue pas un droit définitivement entériné pour le patronat et les forces conservatrices, trois lois se sont succédées en 5 ans pour mettre en place des formes de service minimum, limiter les conditions d’exercice du droit de grève et offrir de nouvelles armes au patronat : loi du 21 août 2007 sur les transports terrestres, loi du 20 août 2008 sur les écoles maternelles et élémentaires, enfin loi du 20 mars 2012 sur le transport aérien. Prenons cette dernière : elle oblige les salariés à déclarer 48H avant leur intention de participer à la grève et 24H avant celle de la cesser sous peine de sanctions disciplinaires. Elle permet à l’employeur ou à une organisation syndicale non gréviste d’organiser une consultation des salariés au bout de 8 jours de grève sur les motifs ou la poursuite de celle-ci.

Lois sur le dialogue social :
un progrès ?

La loi du 20 août 2008 n’est pas un pur produit du sarkozysme : elle a été précédée de la déclaration commune signée notamment par la CFDT et la CGT, qui ont par ailleurs approuvé le contenu de loi. Il est trop tôt pour en apprécier les effets, notamment en terme de recomposition syndicale. L’ouverture de la représentativité syndicale à de nouvelles organisations, à différents niveaux notamment interprofessionnel est évidemment positif. Mais plusieurs dispositions posent problème. Le seuil de 10% pour la représentativité par entreprise est un obstacle à l’implantation syndicale dans celles dépourvues de toute présence syndicale, ce qui est loin d’être rare dans les PME. Tout en pénalisant les forces syndicales les plus radicales dans nombre de configuration.

Sans oublier que les organisations patronales n’ont été astreintes, elles, à aucune condition de représentativité ! Enfin, signalons, que si la loi de 2010 organise un scrutin de liste pour déterminer la représentativité dans les TPE (moins de 11 salariés), les salariés de ces entreprises ne bénéficient toujours d’aucune possibilité d’élire des représentants du personnel, ce qui constitue une violation du droit constitutionnel de tout salarié d’être représenté.

Quelles ruptures immédiates ?

Une véritable gauche entreprendrait de restaurer et renforcer les droits des salariés mais aussi de répondre aux enjeux sociaux de l’heure dont les licenciements : abrogation des lois ayant remis en cause la hiérarchie des normes et rétablissement du principe de faveur, abrogation des lois antigrève, abrogation de la rupture conventionnelle, refonte complète du droit disciplinaire, édiction d’une loi sur la suppression des licenciements, rétablissement des règles protectrices sur la durée du travail, loi pour une nouvelle réduction du temps de travail sans flexibilité et sans perte de rémunération. ●

Laurent Garrouste,
inspecteur du travail,
Fondation Copernic