Femmes contre l’austérité en France et en Europe

Questions à… Christiane Marty

membre du Conseil Scientifique d’ATTAC et de la Fondation Copernic

◗ Ecole Emancipée : Comment a émergé l’appel des féministes contre le Pacte Budgétaire et le cortège des femmes ouvrant la manifestation du 30 Septembre ?

Christiane Marty : L’idée d’un appel de féministes a été lancée lors d’une réunion d’organisations féministes initiée en septembre par le Collectif National pour les Droits des Femmes. Nous avons réuni pour premières signatures un panel large de personnes d’origine associative, syndicale et politique, et l’appel a été publié par L’Humanité et par Mediapart. Il a passé le cap des 1000 signatures en 4 jours. Nous avons alors proposé au collectif unitaire d’organisation de la manifestation du 30 septembre que le cortège de femmes défile en tête pour porter le message suivant : les femmes sont en première ligne à subir l’austérité, elles défilent en première ligne pour la refuser.

◗ EE : En quoi les femmes sont-elles plus touchées par les politiques d’austérité ?

C. M. : L’austérité touche durement les couches populaires, mais plus particulièrement les plus précaires. Or les femmes constituent, de manière structurelle, le gros bataillon de la précarité : elles sont plus souvent au chômage, très majoritaires dans le sous-emploi et les bas salaires. Elles sont aussi les premières touchées par les baisses d’effectifs et de rémunération dans le secteur public car elles en sont presque partout la majorité des employés. Premières touchées encore par les « réformes » de retraite. Les droits des femmes sont remis en cause quand les baisses de budget touchent les services de santé reproductive ou les subventions aux organismes de lutte contre les violences faites aux femmes, ou quand de nombreuses maternités et centres d’IVG sont fermés, comme c’est le cas en France.

◗ EE : Y-a-t-il des mobilisations spécifiques de femmes en Europe sur les questions d’austérité ?

C. M. : Il existe un réseau de féministes européennes contre l’austérité, réseau qui est en train de s’étendre. Des associations de femmes sont actives dans de nombreux pays, dont la Grèce, l’Espagne, le Portugal, etc. et elles participent aux différentes mobilisations. En novembre, une tournée de féministes européennes sillonnera la France pour réaliser une série de débats publics sur le thème « Dette publique illégitime, austérité, crash social et féminisme ».

◗ EE : Quelles sont les premières mesures en faveur des droits des femmes qu’il est urgent de prendre ?

C. M. : Il est urgent d’agir contre la précarité. Cela passe par une augmentation conséquente du SMIC (une mesure, de fait, féministe car les femmes sont deux fois plus souvent smicardes que les hommes), une revalorisation des salaires des métiers féminisés et l’interdiction d’imposer un temps partiel. Il est urgent aussi de lancer un programme de construction de crèches publiques et d’en rendre le coût abordable pour les plus modestes. Il faut aussi combattre les violences envers les femmes, ce qui suppose des actions de prévention et de sensibilisation, notamment à travers l’éducation, et un soutien spécialisé auprès des victimes.

Tout cela suppose un budget. Or le discours officiel qui légitime l’austérité est un obstacle majeur à toute avancée pour les droits des femmes. Il est donc urgent aussi de déconstruire ce discours et de montrer qu’il existe des alternatives.

◗ EE : Quelles perspectives de mobilisation dans les mois qui viennent ?

C. M. : Les conséquences de l’austérité étant semblables au niveau européen, il est important de pouvoir y répondre de manière coordonnée. Dans le cadre de la rencontre européenne « Florence 10+10 » en novembre 2012, il est prévu une « Agora féministe contre la dette illégitime et l’austérité ». Son objectif est d’inaugurer un nouveau processus européen rassemblant les forces féministes et prenant toute sa place dans le mouvement social pour une autre Europe. Nous discuterons des stratégies à adopter, des revendications communes et actions à mener pour obtenir des politiques publiques répondant prioritairement aux besoins sociaux, environnementaux et pour réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes.

Propos
recueillis par Ingrid Darroman