Ce n’est pas la crise pour tout le monde !

Le patron de LVMH est-il français ou belge ? Ni l’un ni l’autre en réalité. Il est avant tout riche.
Comme pour la caste des possédants d’un capitalisme mondialisé, la vraie question n’est pas
le développement économique dans un pays, encore moins la productivité de telle ou telle entreprise,
mais la capacité des dizaines de milliards en jeu à se multiplier via les opérations spéculatives.


Les 32 milliards de sa fortune personnelle font un écho sinistre aux 30 milliards que François Hollande dit vouloir trouver pour réduire le déficit de la France. Comme les dividendes historiques versés aux actionnaires de PSA percutent les plans sociaux annoncés.

La morgue de ceux qui utilisent la planète et ses habitants pour leurs seuls profits est aujourd’hui inacceptable, alors qu’il y a près de cinq millions de chômeurs en France, la précarité et les difficultés de vie généralisées pour ceux qui produisent et entretiennent les biens communs partout dans le monde.

Ils ont construit l’Europe pour les servir

C’était en 2005 l’enjeu du NON au traité. C’est toujours le cas avec le nouveau traité européen (TSCG) aujourd’hui. Les marchés débridés, les politiques d’austérité imposées aux peuples ont déjà produit une crise qui semble sans fin… mais qui n’est pas pour tous. Les bourses européennes ont réalisé depuis 2008 leurs plus fortes progressions. Les inégalités se sont creusées partout. La situation faite par les banques à la Grèce, à l’Espagne sert de moyens de pression sur les autres pays. Menaces de « dégradation » de la note des agences ou intérêts des dettes publiques servent d’écran de fumée permanent.

Est-ce aux salariés, aux chômeurs, aux retraités, et particulièrement aux femmes dans toutes ces catégories, d’être aujourd’hui « raisonnables » ? Est-ce à eux d’être comptables du « redressement » d’une situation économique sur laquelle ils ont si peu de prise ?

Ce sont ces questions que les syndicalistes devraient pouvoir porter ensemble et fortement dans cette période, en France comme en Europe. On n’en est pas là. Les échéances de mobilisations sociales sur les questions d’emploi et de partage des richesses sont tributaires d’un syndicalisme toujours profondément divisé et qui n’a pas pris la mesure des mutations énormes en cours.

Qui doit payer la crise ?

La ratification programmée du TSCG en fait une question brûlante. L’accélération du calendrier par le gouvernement Hollande impose de réagir vite. Une campagne unitaire, tardive, s’organise enfin dans le cadre du Collectif pour un Audit de la Dette. Malgré l’annonce intempestive de Mélenchon, la journée de manifestation du 30 septembre doit fédérer le maximum de forces, associatives et syndicales sans préemptions politiques. Il est décisif que la FSU s’y engage sans rechigner !

Ce sont toutes les politiques publiques qui seront affectés par les fameux 3% de déficit du TSCG. Certes, après les gouvernements Sarkozy dont l’ambition était de remodeler l’Etat et la société dans un projet libéral, le changement de ton est perceptible : conférence sociale, concertations diverses sur l’environnement, la justice, l’éducation, l’enseignement supérieur, la décentralisation avec projets de lois rapides à la clé. Mais, question RGPP ou budget de l’Etat, « pas un euro de plus en 2013 qu’en 2012 » a répété F. Hollande. On est alors dans une continuité de fait ! Les secteurs « non-prioritaires » commencent à le comprendre et même dans l’éducation ou la justice, les créations de postes ne couvriront pas les pertes subies sous Sarkozy.

Les organisations syndicales sont fortement impliquées dans les différentes concertations ouvertes par le gouvernement et les ministères. Ce n’est pas mineur vu l’impact potentiel des différentes lois en chantier et l’agenda Fonction publique. Cela ne suffira pas. Ne perdons pas de vue qu’avec une poursuite de la logique de réductions des dépenses publiques, les batailles pour le maintien de la Fonction publique, des postes supplémentaires, une formation des enseignants n’auront plus le même sens et pour longtemps…
Les mesures d’urgence restent insuffisantes et surtout, les véritables mesures structurelles ne sont pas au rendez vous. Ainsi, le dispositif « emplois d’avenir », présenté comme conjoncturel dans une situation catastrophique, ne le sera que s’il y a une autre politique de l’emploi, une loi contre les licenciements et une politique économique qui ne conduise pas à la récession comme le soulignent avec inquiétude les économistes « atterrés ». L’un des verrous est bien la ratification du traité européen, mais il faut aussi se préparer à l’action sur les questions budgétaires et pas dans une logique de concurrence entre les secteurs, mais bien de batailles d’ensemble. ●

Isabelle Sargeni Chetaud