Cécile Ropiteaux: Nous sommes les empêcheurs et empêcheuses d’opprimer en rond

Les attaques de toutes natures contre des militant-es se multiplient, jusque dans l’actualité très récente.

C’est le postier syndicaliste Gaël Quirante qui est de nouveau sous le coup d’une menace de licenciement, suite à une occupation de locaux en 2010.

Lundi 12 mars s’ouvrait le procès en appel des « arracheurs de chemise » d’Air France, qui contestent les accusations de violences portées contre eux.

Il y a un an, les Goodyear avaient finalement échappé à la prison ferme, mais n’en finissent plus de compter les vies broyées : cadences infernales qui tuaient les ouvriers à petit feu, conditions de travail responsables d’innombrables cancers, et maintenant suicides dus à la précarité et au chômage, comme celui de Jean Guy fin janvier.

Fin 2016, une inspectrice du travail a été condamnée… pour avoir fait son travail, c’est-à-dire dénoncé les pratiques délictueuses des entreprises.

Le 27 février, des militant-es de Greenpeace ont écopé de prison ferme pour avoir pénétré dans la centrale nucléaire de Cattenom afin d’en pointer la vulnérabilité.

En juin se tiendra le procès de Nicole Briend, militante d’Attac qui a réquisitionné une chaise, lors d’une action symbolique contre l’évasion fiscale.

Le 6 mars, deux parents d’élèves de Montreuil comparaissaient au tribunal pour violence et rébellion. Ils avaient été interpellés lors d’un rassemblement exigeant la fermeture d’un site industriel très polluant, à proximité immédiate de deux écoles.

Début avril se tiendra le procès de 36 faucheurs volontaires ayant appliqué le principe de précaution en neutralisant des parcelles d’essais de colzas génétiquement modifiés.
Pourtant ces lanceurs et lanceuses d’alerte agissent au nom de l’intérêt général et du bien commun.

Citons encore l’acharnement judiciaire et policier contre Cédric Herrou. A travers lui, il s’agit d’intimider tous les citoyen-nes solidaires, qui militent pour les droits des réfugié-es et se dévouent pour assurer leur accueil à la place des pouvoirs publics. Parce que c’est bien l’État qui est hors la loi, notamment quand il refoule des mineur-es ou enferme des enfants en centre de rétention.

En avril Martine Landry, militante d’Amnesty, sera jugée pour avoir « convoyé pédestrement » deux mineurs isolés.

Le 10 mars, un pisteur-secouriste a été interpellé vers Briançon pour être venu en aide à une migrante sur le point d’accoucher.

D’autres personnes sont victimes de lynchage sur les réseaux sociaux, ce qui peut s’avérer ultra violent.

Rokhaya Diallo a ainsi été évincée du Conseil National du Numérique, alors qu’elle est invitée par l’ONU comme experte sur le cyberharcèlement… Car aujourd’hui les militant-es qui dénoncent le racisme et en décortiquent les mécanismes sont facilement suspecté-es de communautarisme, d’islamisme, de « racisme anti-blanc » !

Mennel, chanteuse prometteuse, mais enturbannée, prend de plein fouet la haine de la fachosphère pour quelques tweets de jeunesse confusionnistes. La même semaine, Orelsan est récompensé, avec ses textes empreints de mépris et d’incitation à la violence envers les femmes.

Les féministes ? Certains expriment publiquement leur envie de les gifler, quand il ne s’agit pas carrément d’appels au viol.

Les enseignant-es ne sont pas épargné-es, visé-es par la chasse aux sorcières contre les « pédagogistes » qui seraient responsables du déclin supposé de l’école. L’objectif étant de ringardiser l’école publique, le travail enseignant, et la perspective de démocratisation et d’émancipation portée par la pédagogie.

Les noms de Laurence de Cock et de ses collègues co-auteur-es d’un manuel ont été jetés à la vindicte publique par Riposte Laïque, qui appelait à leur renvoi de l’Éducation nationale, en raison de leurs positions critiques contre l’instrumentalisation nationaliste de l’histoire.

La fachosphère se déchaine sur le net, des éditocrates vocifèrent leur racisme, leur sexisme, et aboient à longueur d’antenne contre le système et le politiquement correct qui les empêcheraient de s’exprimer ! Ils revendiquent la liberté d’expression pour mieux imposer leurs idées rances. La tolérance est grande pour celleux qui sont du côté des dominant-es ! Ce sont en fait les parfaits bouffons du pouvoir, à la fois garde-chiourmes et épouvantails, leur rouage est important dans la préservation de l’ordre établi. Ils servent à instiller un climat de défiance au sein des classes populaires. La dégradation de l’image des militant-es participe du combat idéologique. Les syndicalistes sont taxé-es d’archaïsme et de ringardise, voire assimilé-es à des voyous, des preneurs d’otages, des terroristes ! Car le pouvoir a besoin de déligitimer toute contestation de la start-up nation.

Nous militantes et militants, nous sommes des cibles à abattre, parce que nous sommes des empêcheurs et empêcheuses d’opprimer, de marchandiser, de régresser en rond, parce que nous dénonçons la pensée unique, et que nous exigeons l’égalité et la justice sociale. Notre meilleure réponse est dans la solidarité face aux attaques, et dans la poursuite de nos luttes.