Austérité et budget : relancer les dynamiques de mobilisation

Contribution de l’Ecole émancipée
aux débats du conseil national de novembre 2014

Le budget est le marqueur majeur d’une politique. Celui pour 2015 est connu. S’inscrivant dans le pacte de responsabilité, il acte 21 milliards d’euros de réduction de dépenses publiques et sociales pour « financer » la baisse des impôts des entreprises. Cette politique, porteuse d’une logique récessive, se traduira par autant de régressions pour les services publics, pour les solidarités et pour nos salaires.

Ainsi, pour la cinquième année consécutive, et jusqu’en 2017, nos salaires seront bloqués et notre pouvoir d’achat va continuer à baisser du fait de l’inflation.

La sécurité sociale perdra près de 10 milliards d’euros : baisse du financement des hôpitaux publics, des retraites complémentaires de la fonction publique.

Les collectivités territoriales perdront 11 milliards d’euros d’ici à 2017, ce qui se traduit déjà par une baisse importante de leurs investissements.
Hors éducation nationale et sécurité et justice, 11 879 postes de fonctionnaires seront supprimés. Des missions qui devraient être considérées prioritaires comme l’écologie et le développement durable, le travail et l’emploi verront leurs moyens amputés.

Dans l’éducation, affichée comme prioritaire, de nombreux postes créés ne seront pas pourvus et la précarité va se renforcer. Dans le premier degré, 2511 postes d’enseignant-es supplémentaires sont programmés pour une prévision de 23 400 élèves en plus. Ces créations serviront pour une bonne part aux décharges REP+ et direction, les autres dispositifs (scolarisation des moins de trois ans, maîtres supplémentaires, Rased…) ne seront abondés qu’à la marge. Au final, il ne resterait plus qu’environ 900 emplois pour absorber la hausse démographique soit un enseignant-e pour 27 élèves supplémentaires.

Cette politique d’austérité s’articule avec les attaques du gouvernement en matière de droit du travail, de contrôle et d’indemnisation des demandeurs et demandeuses d’emploi, de seuils sociaux, de travail le dimanche et de contrat de travail unique, répondant ainsi aux desiderata du Medef. Avec l’objectif d’intensifier le transfert des richesses, de ceux qui en ont le plus besoin vers les plus riches.

Une crise sociale
et politique majeure

Avec pour conséquence directe une crise sociale majeure marquée par l’augmentation des inégalités sociales, la diminution de la sphère des services publics, l’effondrement des solidarités qui alimente rejet de l’autre, xénophobie et « racisme anti-pauvres ».

Cette crise sociale se double d’une crise politique que nous ne devons pas perdre de vue. Le PS a perdu les trois dernières élections. Ses orientations libérales assumées et son bilan entraînent toute la gauche dans son discrédit, sans que le mouvement syndical soit à l’abri. La droite navigue entre scandales financiers et compromissions avec les extrêmes droites, en témoignent encore les manifestations du 5 octobre à Paris et Bordeaux. Et le score du FN augmente, tout comme l’abstention.

Si le constat est accablant, il ne suffit pas en lui-même à provoquer la colère des salarié-es et les mobilisations pourtant indispensables pour inverser les politiques à l’œuvre. Le mouvement social n’a pas réussi ces dernières années à rassembler aussi largement qu’il a pu le faire lors de la période précédente.

Dans notre champ, la profession subit concrètement la dégradation de ses conditions de travail et l’abandon dans les faits du projet de la réussite de tou-tes les élèves. Le métier est de plus en plus dur. Les inégalités scolaires se creusent. Les formations initiale et continue sont en lambeaux. La généralisation de la réforme des rythmes scolaires aggrave un tableau déjà bien noir. Mais les capacités de mobilisation restent difficilement appréciables, ou manquent d’évidence.

Faire le pari
du retour du social

La question qui nous est posée est donc bien de trouver comment relancer des dynamiques de mobilisation dans ce contexte dégradé. Car il n’y aurait de pire situation qu’une défaite supplémentaire sans combat. On ne peut aujourd’hui asséner des certitudes mais il est de notre responsabilité d’ouvrir le champ des possibles, en reprenant à bras le corps le débat d’idées et en l’articulant avec des axes de mobilisation (éducation prioritaire, formation et recrutements, rythmes…). Les alternatives dont nous sommes porteur-euses doivent de nouveau irriguer la profession et l’ensemble de la société.
C’est dans cette perspective qu’il nous faut regarder l’initiative du samedi 15 novembre à l’appel du collectif AAA (Alternative à l’austérité). Ce collectif rassemble partis politiques, organisations syndicales et associations et a déjà à son actif la manifestation nationale contre l’austérité du 12 avril dernier. Faire le choix, avec la FSU, de rejoindre ce combat – renforçant ainsi sa dimension syndicale – permettrait de prendre notre part à la promotion, la plus large possible, d’alternatives progressistes à la politique libérale menée par le gouvernement.

C’est également ainsi qu’il nous faut aborder la semaine d’actions posée par la FSU. Le 18 novembre, la CGT, la FSU, Solidaires et la FA-FP appellent à une journée de mobilisation sur les salaires dans la fonction publique. La situation dramatique dans laquelle se trouve la formation initiale des enseignant-es nécessiterait une journée nationale de mobilisation dans les ESPE, qui pourrait prendre corps le 19 novembre. Des sections départementales du SNUipp-FSU vont appeler à la grève jeudi 20 novembre. Et le rassemblement à Paris le 22. Donner un véritable tour offensif à cette semaine est le moyen de relancer avec la profession le débat sur les transformations progressistes que nous voulons, pour l’école, pour les services publics. Tout en continuant de porter le fer pour l’augmentation de nos salaires.

Il est fort possible que la profession ne soit pas vent debout à ce moment-là. Mais nous n’avons pas d’autre pari à faire que celui du retour du social. Cela implique de poser les jalons d’un mouvement d’ensemble du salariat et donc travailler l’unité dans les cadres revendicatifs qui s’offrent à nous. Faire de nouveau vivre un projet émancipateur, pour l’École, pour le salariat, pour la société en articulant tout : analyse sans complaisance de la situation, projets et actions. C’est en portant ce projet que nous pouvons renforcer notre syndicalisme notamment lors des élections professionnelles.

C’est un travail de longue haleine, qui demandera de l’énergie. Mais nous ne pouvons plus attendre. Parce que, si nous n’occupons pas le terrain de la transformation sociale, si nous ne faisons pas vivre l’idée que l’alternative se situe dans les choix progressistes, collectifs, qui passent par une autre répartition des richesses et par les solidarités, d’autres orientations, libérales et réactionnaires, continueront de prendre le pas. Et nous n’aurons rien à y gagner et beaucoup à y perdre…

Hommage à Rémi Fraisse

Enfin, comment conclure sans rendre hommage à la mémoire de Rémi Fraisse. Cet étudiant toulousain de 21 ans, tué par les forces de l’ordre dimanche 26 octobre pour s’être opposé à un barrage fluvial et à la destruction de la zone humide du Testet dans le Tarn. La responsabilité de cet homicide intolérable en incombe à tous celles et ceux qui s’obstinent depuis des mois à imposer un « grand projet » inutile remettant en cause la biodiversité et qui bafouent la démocratie et la mobilisation citoyenne. Et tout particulièrement au gouvernement qui, au travers des ministres de l’Intérieur successifs, a choisi la répression la plus brutale de ces mouvements citoyens.

Au-delà de ce drame, c’est ce capitalisme productiviste qui « épuise le travailleur et la nature » qu’il faut combattre. L’urgence aujourd’hui, c’est de promouvoir un autre mode de développement partant des besoins sociaux démocratiquement décidés, réduisant les inégalités et respectant les impératifs écologiques.